La coopération et la démocratie participative au cœur d’une nouvelle organisation et gouvernance territoriale.La parole doit être donnée au peuple

Texte de Jean Claude Mairal, ancien Président du Conseil général de l’Allier, Vice-Président du Conseil Régional Auvergne.

Le Président de la République et sa majorité lancent le chantier de la refonte de l’architecture institutionnelle des collectivités, non pour simplifier et rendre l’organisation territoriale plus lisible, plus proche des citoyens et plus efficace pour les territoires, mais au contraire pour mettre les collectivités sous tutelle de l’Etat central au service des objectifs de celui-ci.

UNE ATTAQUE CONTRE LA DEMOCRATIE

La simplification territoriale n’est, en effet, qu’un prétexte pour servir les intérêts de Nicolas Sarkozy, de la droite et du libéralisme en général. Ainsi le nouveau mode de scrutin proposé pour l’élection des futurs conseillers territoriaux au scrutin uninominal à un tour est une attaque sans précèdent contre le pluralisme. La démocratie française est en danger. Si la droite arrivait à ses fins concernant l’élection des futurs « conseillers territoriaux » ce serait demain le même mode de scrutin qui serait proposé pour les législatives et les municipales. La réponse à apporter au projet de Nicolas Sarkozy ne doit donc pas se cantonner dans une défense acharnée du statut quo qui trop souvent s’oppose au vécu de la population et qui ne peut faire que le jeu de la droite et de Sarkozy. En effet, si la décentralisation a eu le mérite de rapprocher les lieux de décision du citoyen elle a également entraîné de graves effets négatifs qu’il faut avoir la lucidité de reconnaître : perte de lisibilité, atomisation et segmentation des politiques publiques, mise en concurrence des territoires, dilution des responsabilités politiques, notamment celles des gouvernements nationaux.

Quelques exemples

Au plan économique – alors que les moyens de chacun sont limités et de peu d’influence sur les grands choix économiques – chacun a sa propre structure ou agence de développement économique (communauté d’agglomération, Conseil général avec le Comité d’expansion économique, le Conseil Régional avec Agence régionale de développement économique, les chambres consulaires et la Préfecture). N’y a-t-il pas à réfléchir à une mise en commun sur la base des bassins d’emploi, de vie et de formation ? Au plan des transports – même s’il y a des évolutions positives – il y a peu de cohérence entre les Régions en charge des TER (rail ou routes), les CG en charge de l’interurbain et les agglo de l’urbain. A quand une gestion partagée de l’ensemble des transports ? Au plan de l’insertion et de la formation nous constatons peu de coopération entre l’Education nationale, l’enseignement agricole, l’Université en charge de la formation initiale et les conseils régionaux en charge de la formation professionnelle continue et les conseils généraux en charge de l’insertion au titre du RMI et aujourd’hui RSA. L’individu est un et ne peut être divisé en fonction de telle ou telle politique sectorielle. Faisons vivre concrètement le principe de la formation tout au long de la vie par une coopération renforcée entre toutes ces différentes strates. Au plan environnemental, on assiste à l’élaboration d’un agenda 21 au plan régional avec la participation des associations, des citoyens, puis quelques mois après, celui du département sollicitant les mêmes partenaires, suivi de celui de la communauté et agglomération. Alors qu’il aurait été beaucoup plus simple et plus efficace d’élaborer ensemble un Agenda 21 commun. Et nous pourrions multiplier les exemples. De plus le système politique français a renforcé la logique de fief électoral au niveau des grandes collectivités. En effet, la logique présidentielle de la Ve République qui domine la vie politique depuis 50 ans a des répercussions au sein même des collectivités. Tant que les partis politiques avaient un fort ancrage territorial et militant cette tendance était fortement atténuée. Or à partir des années 90, l’autorité et la capacité des partis à fédérer l’ensemble des composantes sociales et à donner du sens politique à leur action ayant peu à peu diminué les responsables de nombreuses grandes collectivités se sont repliés sur leur territoire, renforçant la logique de fief électoral, perdant souvent de vue la réalité des échelles du territoire et les limites de leur pouvoir. A cela ajoutons, spécificité bien française, le cumul des mandats, souvent dénoncé mais jamais réglé, qui permet à une seule personne d’être à la fois député (sénateur) et Président de Région, (ou de Conseil général) ; ou député, maire d’une grande ville et Président d’une communauté d’agglomération ou urbaine. Mon expérience de Président d’un Conseil Général m’a montré qu’il était impossible d’exercer toutes ces responsabilités si l’on veut pleinement s’impliquer dans la gestion de sa collectivité sauf à laisser le cabinet et/ ou l’administration diriger. Et l’argument de la proximité pour justifier le cumul de mandats est un faux argument. Rien n’empêche, en effet, et certains le font déjà, un député ou un sénateur d’organiser son travail et les débats parlementaires en lien avec ses concitoyens. La démocratie participative peut pleinement s’exercer au niveau d’une circonscription. Elle n’est pas seulement réservée aux territoires locaux.

PENSER UNE AUTRE ORGANISATION et GOUVERNANCE TERRITORIALE

Il est donc temps de penser une autre organisation et gouvernance territoriale, si l’on veut répondre aux attaques de la droite et répondre aux attentes des populations. Il faut développer d’autres pistes de réflexions et d’actions qui ne reposent ni sur la disparition de strates institutionnelles, ni sur le partage de compétences entre collectivités locales, départementales, régionales et administrations d’Etat. Aucun problème de la vie de nos concitoyens ne peut être géré à une seule échelle territoriale. Aucune politique efficace ne peut être enfermée dans une seule institution, administration ou collectivité. Car le territoire, le lieu de vie des populations, n’est pas le siége d’une seule institution. Il est le réceptacle de toutes les institutions. Ainsi une région n’est pas que le territoire Conseil régional il est aussi celui de toutes les autres institutions (administrations d’Etat, Conseil Général, Interco, communes).

PROMOUVOIR LA COOPERATION

Il faut penser une nouvelle gouvernance territoriale qui articulerait entre elles les différentes instances (Conseil régional, Conseil général et intercommunalité) dans l’exercice d’une responsabilité partagée dans les territoires, en synergie avec l’ensemble des acteurs et citoyens présents sur ceux-ci. Et ainsi construire une nouvelle culture de gestion, une gouvernance territoriale basée sur la coopération et non sur la concurrence, sur la transversalité et non sur la verticalité, entre les différentes strates institutionnelles et administratives ainsi que sur l’implication citoyenne grâce à la démocratie participative. Il faut désormais promouvoir une logique de co-construction, de co-élaboration et de co-mise en œuvre des politiques publiques des Conseils régionaux, Généraux et des communautés de communes et d’agglomérations. C’est de la capacité de l’ensemble de ces institutions à développer des stratégies communes de développement en lien avec les acteurs des territoires que dépend le dynamisme de ceux-ci. Et la bonne échelle pour cela c’est le bassin d’emploi, de vie et de formation. C’est une véritable révolution territoriale qui doit être mise en œuvre. C’est d’autant plus nécessaire que la vie des
citoyens d’aujourd’hui n’est plus celle des années 70 et qu’elle ne recoupe pas les divisions et strates administratives. Il y a un éclatement des espaces de vie. Chaque individu ressort simultanément de plusieurs territoires. On habite à un endroit, on se forme, on travaille et on fait ses courses à un autre. On exerce sa vie professionnelle dans une région et on effectue sa retraite dans une autre.

LA PAROLE AU PEUPLE

Le débat qui s’annonce ne doit pas rester l’apanage du gouvernement, des parlementaires et des élus, mais doit être aussi celui du peuple car c’est de son avenir dont il s’agit. Nos concitoyens doivent être pleinement associés et consultés sur l’évolution institutionnelle de notre pays. Cela passe tout d’abord par la mise en place d’une commission indépendante chargée de produire une évaluation des effets de la décentralisation sur les territoires et d’élaborer différents scénarios sur l’évolution de notre organisation territoriale. L’ensemble de ces travaux serait ensuite porté à la connaissance du public permettant l’organisation d’un débat à l’échelle nationale et départementale par la création de conférences citoyennes. Il se terminerait par une consultation par référendum. Car il appartient au peuple et à lui seul de déterminer l’organisation institutionnelle et territoriale qui correspond le mieux à ses attentes.

Jean-Claude MAIRAL

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