La loi de « modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles a été adopté le 19 décembre par les parlementaires après un parcours chaotique.

Entre communes, intercommunalités, pays, départements et Régions il y avait déjà trop de complexité dans le paysage des collectivités territoriales. Le premier but affiché dans les objectifs de la réforme territoriale du gouvernement « Fillon » était d’ailleurs de tailler dans le « mille-feuille territorial » et le simplifier pour le rendre plus lisible pour les citoyens et plus économe pour les contribuables .En bout de course, le résultat en a été l’inverse puisque la loi de Décembre 2010 a introduit deux nouveaux interlocuteurs urbains qui complexifient encore le paysage institutionnel dans le fourre-tout territorial : la métropole et le pôle métropolitain. La loi sur les métropoles fait pire en déconstruisant totalement l’équilibre des institutions territoriales et en en privant le citoyen de son contrôle.

Lors des états généraux de la démocratie territoriale au Sénat le 5 octobre 2012 le Président de la République François Hollande, reprenant les arguments du lobby urbain porté par les élus et les techniciens des grandes villes et agglomérations françaises à proposé de créer « un statut de métropole qui ira au-delà des établissements publics actuels et permettra d’exercer l’ensemble des responsabilités du développement urbain en bénéficiant des transferts de compétence de l’Etat ou de la Région ».

Le Président de la république et le gouvernement Ayrault se sont donc rendus à la mode des métropoles et ont repris celles-ci dans leur projet de loi de « modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles ».

Il était probablement nécessaire de moderniser et de démocratiser la gouvernance des grandes agglomérations mais en ne bordant pas très précisément les territoires et les domaines respectifs des régions et des nouvelles métropoles, le gouvernement crée les conditions d’une guerre territoriale entre ces nouvelles métropoles, les régions et les pôles métropolitains institutionnalisés par la loi de décembre 2010.

Métropoles et régions

Le débat sur les métropoles est ancien et légitime .Alors que la métropolisation démographique et physique est un fait depuis 40 ans et a conduit à la constitution de grandes agglomérations à l’échelle de la France (mais moyenne à l’échelle de l’Europe et petite à l’échelle de la mondialisation) l’adaptation institutionnelle et surtout la prise en compte politique n’ont pas suivi. L’association des maires des grandes villes de France note avec justesse que « si la tradition jacobine française s’est construite le plus souvent contre les villes aujourd’hui, cette situation n’est plus viable sur le plan économique. La France est devenue en grande partie urbaine : 18% du territoire concentre 80% de la population et même si les lois successives sur l’intercommunalité ont fait émerger des pôles urbains importants, la France des villes reste en retrait par rapport aux autres pays européens »

En France, la grande agglomération qui rassemble la plus grande partie de la population et de la création de la richesse économique dépasse la plupart du temps le cadre communal et n’a donc pas de représentation politique élue au suffrage universel .Elle est pilotée par des élus au second degré qui se cooptent politiquement pour se partager le gâteau intercommunal. Elle l’est surtout concrètement par une armée technocratique pléthorique et hermétique de centaines de fonctionnaires héritée de l’intercommunalité des communautés urbaines de la loi de 1966.

Le comité Balladur avait proposé en mars 2009 la création de 11 métropoles (Lyon ; Lille ;Marseille ;Bordeaux ;Toulouse ;Nantes ;Nice ;Strasbourg, Rouen Toulon ;Rennes) en collectivités locales ce qui avait l’avantage d’affirmer une reconnaissance et une représentation politique de ce phénomène de métropolisation.

La loi de 2010 n’a pas pris cette orientation logique en restant à mi-chemin c’est à dire en donnant la possibilité de créer des « Métropoles » pour les agglomérations dépassant 500 000 habitants mais en leur déniant un statut de collectivité territoriale et les cantonnant dans un statut intercommunal proche des communautés urbaines de 1966.La nouvelle loi adoptée le 19 décembre par les parlementaires a réduit à 400 000 habitants  (dans une aire urbaine de 650 000 habitants) le seuil de création des métropoles  mais reste  dans la même logique (1).

Si l’on doit accepter cette conception dominante parmi nos décideurs politiques que les métropoles sont le moteur économique et culturel d’un territoire le déficit est double.

-Démocratique tout d’abord car les institutions territoriales motrice du territoire Français ne sont plus élues au Suffrage universel direct mais dans un système indirect qui laisse tout champ aux manipulations territoriales politiques qui fontflorès dans les intercommunalités

-D’équilibre territorial ensuite car près d’une Dizaine de Régions sont privées de ce prétendu moteur privilégié du développement que seraient les métropoles (Auvergne ; Basse Normandie, Centre, Champagne Ardennes ; Franche Comté ; Limousin ; Lorraine ; Picardie).

La création des métropoles, si elle n’est pas parfaitement pensée et articulée avec des régions renforcées dans leur rôle de coordination et d’ordonnatrice des territoires risque de créer une double fracture démocratique et territoriale.

Embouteillage urbain

A l’inverse du milieu rural et des territoires non denses ou la loi de 2010 et la Loi Mapam du gouvernement Ayrault décapitent la gouvernance en supprimant les pays (2) et en affaiblissant les départements ces mêmes textes législatifs créent un embouteillage de gouvernance sur les territoires urbains qui annonce des conflits territoriaux politiquement sanglants et économiquement préjudiciables entre les différentes collectivités territoriales et leurs structures de coopération intercommunales.

Résumons-nous.

Pour gérer les territoires urbains qui rassemblent près de 80 % de la population nous avons :

– Les grandes communes qui sont le cœur du dynamisme avec une légitimité démocratique mais avec de moins en mois de moyens qui sont transférés aux intercommunalités.

-Les grandes intercommunalités de plus en plus puissantes peu démocratiques et très technocratiques (communautés urbaines agglomérations….)

-Les Métropoles dont les contours sont encore à définir mais qui viendront en concurrence avec les Régions.

-Les pôles métropolitains qui même s’ils partent d’une bonne idée de mutualisation des compétences métropolitaines sont souvent conçus comme un rempart visant à se prévenir contre l’impérialisme des futures métropoles.

-Les Régions dotées de compétences économiques de recherche et d’innovation de nature métropolitaine

-Les départements à dominante urbaine comme ceux qui vont accueillir les métropoles (Rhône, bouche du Rhône, Nord, Alpes maritime etc…) et les départements de la petite couronne parisienne.

Bref à défaut de grand nettoyage, à force d’écouter toutes les associations d’élus on court vers une aggravation de la situation et de la complexité et du coût de l’administration territoriale. Pire on crée les conditions d’une guerre territoriale dont déjà les tranchées sont creusées.

Les critiques commencent à fuser du côté des Régions. Jean Jack Queyranne le Président expérimenté et écouté de la Région Rhône Alpes accorde publiquement un « zéro pointé » au projet de loi.

« Toute ambition politique a disparu au profit d’un empilement de disposition technique sans réelle cohérence d’ensemble » a-t-il écrit dans une lettre àla Ministre Marylise Le branchu ajoutant « que l’on ne peut accepter que les Métropoles captent l’ensemble de l’activité économique ».

Le détricotage de l’unité républicaine territoriale

Notre système institutionnel avait bien des défauts et avait vieilli. Les régions s’y trouvaient trop petites pour rivaliser avec les grandes régions de nos voisins européens, les départements trop grands pour assumer les fonctions de proximité, les intercommunalités technocratiques, enserrant des villes trop étroites sur leur territoire, le tout dans un système d’empilement et de croisement des compétences illisible pour les citoyens et les acteurs économiques. Il avait pourtant au moins une qualité : il était égalitaire et uniforme sur les territoires .C’était le grand apport de la construction napoléonienne reprise par la république et fondant un système uniforme et égalitaire sur les ruines du système inégalitaire de l’ancien régime.

C’est tout cet apport que remet en cause le projet de loi qui sous couvert d’adaptation de la loi aux diversités des territoires détricote le principe de l’unité territoriale républicaine.

A Paris on crée un monstre technocratique avec un conseil de métropole pléthorique élu au suffrage indirect et des conseils de territoire territoires qui se surajoutent à la ville de Paris et aux quatre départements de la petite couronne. Le monstre regroupera la ville de Paris, et l’ensemble des communes des départements des hauts de seine de Seine St Denis et du val de marne. On maintient toutefois les départements de la petite couronne qui n’ont plus de sens dès lors que l’on les vide d’une grande partie de leurs compétences en particulier celle essentielle du logement social. On feint d’ignorer ainsi la catastrophe administrative que fut la réorganisation de la région parisienne en 1964 qui en créant les départements de la petite couronne a ghettoïsé les populations et contribué à empêcher l’émergence d’une vrai métropole parisienne.

A Marseille Le projet de métropole marseillaise se heurte à l’opposition farouche des communes et intercommunalités voisines de la deuxième ville de France. Au cœur de la discorde menée parla Maire d’Aix en Provence, la crainte que la création de cette métropole ne se résume à faire combler le déficit financier de Marseille par les territoires voisins. 109 maires sur les 119 concernés ont rejeté le projet du gouvernement. Les élus des communes de la région de Marseille se sont mobilisés lors du dernier congrès des maires de France en offrant des santons aux participants pour marquer leur ferme opposition et affirmer qu’ils ne sont pas des « santons provençaux » et des plantes vertes.

A Lyon la moitié d’un département déjà géographiquement minuscule est absorbé par la métropole lyonnaise sans que l’on ne se pose la question de l’utilité de la collectivité territoriale croupion qu’il en reste. Bizarrerie constitutionnelle, les lyonnais auront eux le privilège d’être les seuls citoyens français à élire leurs élus métropolitains au suffrage universel. Bonjour le principe d’égalité des citoyens devant la vie publique.

A Lille la création, certes justifiée d’une grande métropole pose aussi la question de l’utilité résiduelle du département du Nord voire d’une région Nord- Pas de Calais trop petite pour apporter une réelle plus-value à la métropole lilloise. On peut se poser aussi la question pour tous les départements situés dans le siège d’une grande métropole : le Bas-Rhin pour Strasbourg, les Alpes maritimes pour Nice, les bouches du Rhône pour Marseille et…..accessoirement…. des quatre départements de la petite couronne pour la métropole parisienne….dont certains députés socialistes prônent avec quelque justesse la suppression.

A défaut d’une vision claire du paysage institutionnel du 21ème siècle qui intégrerait la dimension métropolitaine en la démocratisant et réduirait les autres niveaux en réunissant Régions et départements comme le prévoyait la loi de 2010, le gouvernement Ayrault détricote le territoire selon la demande des grands élus ou des rapports de force qu’ils entretiennent entre eux.

Quant au citoyen, il est totalement exclu de ce débat qui pourtant devrait le concerner au premier chef.Les métropoles seront des « machins technocratiques » pilotés par des techniciens et dont, peut-être, un certain pourcentage de décideurs seront élus au mieux …en 2020 Le citoyen est le grand perdant de la décentralisation, cette immense réforme dont les élus se sont octroyés le monopole. On lui a volé sa décentralisation.

La métropole n’était pas forcément une mauvaise idée dès lors qu’elle aurait participé à la modernisation du maillage territorial républicain comme c’était inscrit dans le rapport Balladur. Elle l’est devenue car, en l’absence d’une vision globale de l’indispensable rénovation de la vie territoriale elle déstabilise l’ensemble des institutions territoriales

C’est aujourd’hui le niveau zéro de la citoyenneté et de l’aménagement du territoire.

image3301Un article de Michel Peraldi,auteur de l’ouvrage « Ils ont volé la décentralisation » publié aux éditions «l’harmattan ». novembre 2013

(1) A l’exception de la métropole lyonnaise érigée en collectivité territoriale à statut particulier et  dont les conseillers métropolitains seront élus au suffrage universel à compter de 2020.

(2) On peut se féliciter sur ce point que le Senat ait introduit par amendement un article 79 qui crée les « Pôles d’équilibre territorial et rural » : PETR, qui pourront servir de cadre juridique à une gouvernance modernisée des territoires ruraux

 

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