Un article de l’Unadel dans le dernier numéro de l’excellente revue Territoires, publié en partenariat avec la CPCA, intitulé “Les associations sont-elles suffisamment écoutées ?”

Les associations à l’épreuve des territoires

 

 

Ce titre est un hommage à Jacques Ion, qui à travers son livre intitulé « Le travail social à l’épreuve des territoires » a le premier pointé que la décentralisation aurait probablement des impacts très conséquents pour l’action sociale, modifiant tant ses métiers que ses finalités. Cette interrogation est probablement à conduire aussi pour les associations. Relevé d’interrogations et d’interpellations…

 

 

 

Un couple à trois ?

 

Les relations entre associations et collectivités territoriales n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. On pourrait même la qualifier d’attirance répulsion. Il s’agit ici d’en retracer les évolutions, tout en demeurant, très prudents. La généralisation n’est pas aisée, tant les associations et les territoires sont pluriels. Mais, il semble assez pertinent de comprendre la structuration de la vie associative et son rapport aux territoires, dans un parallèle, forcément réducteur, avec l’histoire de l’aménagement du territoire ou des évolutions de l’intervention publique sur les territoires.

Dans l’histoire de l’aménagement du territoire, on peut distinguer trois phases d’inégales durées, depuis la seconde guerre mondiale : les « Trente glorieuses », la décentralisation et aujourd’hui, l’Etat post-contractuel, l’Etat régalien.

 

Dans la première phase, de l’après-guerre à la fin des années 1970, les associations sont intervenues sur les territoires, embarquées sur le porte-bagage de l’État. On avait quelques associations de bénévoles qui étaient repérées, soutenues par les collectivités locales, c’était le comité des fêtes, les premières associations sportives ou culturelles. Mais les associations professionnelles, professionnalisées qui agissaient sur des thématiques assez fortes, sont intervenues sur les territoires grâce au soutien des ministères de l’éducation nationale, de la culture, de la jeunesse, etc. Ils ont un peu imposé, mais le mot serait trop fort, en tous les cas fortement proposé aux communes de mener tel ou tel type d’action. C’est l’histoire de la plupart des grandes associations présentes sur tout le territoire et représentées à la CPCA. Existant à la fois par des bénévoles mobilisés localement, mais aussi agissant dans le cadre de politiques nationales, publiques, qu’elles ont parfois contribué à définir ou à imaginer.

 

C’est aussi de cette période que naît naturellement le rassemblement inter-associatif par secteur. On trouve un mimétisme fort entre les ministères qui financent et les organisations inter-associatives, sans qu’il y ait forcément tutelle ou incitation à se structurer des uns par rapport aux autres. Ce sont les fédérations du sport, de la culture, du partenariat avec l’éducation nationale, de solidarité internationale, du social, de l’emploi, etc.

 

 

On a connu une deuxième phase, celle des décentralisations, du début des années 1980 au début de ce millénaire, de fortes relations entre l’Etat et des territoires émergents. C’est l’Etat contractuel, qui passe du temps, met des moyens pour négocier avec les territoires. L’État a assez peu d’injonction, l’association est un peu oubliée. Pour agir, le pari des territoires et des collectivités est fait. Dans le même temps, il y a un apparent paradoxe à pointer. C’est durant cette période que les associations connaissent la plus forte augmentation de leur professionnalisation.

 

Il y a là deux raisons. L’une, et cela a créé moult difficultés, c’est la convocation des associations pour qu’elles prennent leur part dans « la bataille pour l’emploi ». C’est la multiplication des contrats aidés et l’Etat en vient à considérer que c’est le principal objet de l’association que d’embaucher. C’est vrai pour quelques unes d’entre elles, celles de l’insertion par l’activité économique, c’est erroné pour les autres. Leur but est de développer leurs projets, l’emploi étant un moyen d’y parvenir, pas une finalité.

 

L’autre raison du développement associatif, dans cette période,  c’est que la multiplication des contrats entre Etat et territoires a permis la multiplication des portes d’entrées, pour les associations pour faire financer leurs projets. Dans une vision idéale, la décentralisation et les contrats auraient du prévoir clairement qui faisait quoi. En fait, comme tout le moindre faisait un peu tout et n’importe quoi, cela a été une phase très utile pour les associations  :  mon projet n’est pas financé par la commune, je vais aller voir le conseil général, l’État ne me soutient plus tiens je vais me rapprocher de la Région. Les contrats prévoyant que si l’un finançait les autres venaient, se sont déclenchées des procédures de financements en cascade.  Il s’agissait de trouver la bonne porte d’entrée et elle était variable suivant les thématiques et suivant les particularismes locaux. Les associations n’étaient pas au cœur de cette relation territoires-État mais en même temps elles ont grossi, si l’on considère qu’un indicateur du développement des associations est leur professionnalisation, mais on peut avoir des doutes là dessus.

 

C’est durant cette période que les associations réfléchissent et mettent en place des structurations départementales fortement, souvent régionales voire parfois européennes. Il s’agit de traiter, négocier avec des potentiels financeurs. On parle assez peu politique et plus de moyens.

 

 

Aujourd’hui, s’ouvre peut être une troisième phase[1]. Associations et territoires doivent ils faire, agir, contre, sans, malgré l’État ? L’Etat multiplie les appels à projet ou des appels d’offre et ne semble pas réellement investir la collaboration avec les associations. Dans le même temps se multiplient, se développent le lien entre associations et territoires. Il ne faut pas verser dans l’angélisme ou dans l’idéalisme… On sent quand même de la part d’un certain nombre d’associations une forme d’inquiétude face à une trop grande proximité avec les élus locaux. On serait sur le mythe de l’impartialité de l’État qui assure des moyens équitables, le développement pour tous et un peu de défiance-méfiance par rapport aux  notables locaux.

 

Cela pose question : finalement les associations sont-elles encore un mouvement social ? Cela a été, c’est leur prétention, leur visée, pour les plus fortes d’entre elles.  Et il serait plus facile de compter nationalement que localement ? La proximité, la mobilisation de bénévoles permettent probablement de peser sur un élu, fut-il intercommunal, plus aisément que sur un député ou un ministre. Si les associations ne sont pas un mouvement social local, ce qui est quelque peu contradictoire avec moult écrits associatifs, mais ce qui serait peut être réaliste et objectif, l’on comprend l’inquiétude : il est plus rassurant d’être imposé par la loi ou sous couvert de l’Etat. C’est une vraie interrogation pour les mouvements associatifs. Mais c’est une question que potentiellement les collectivités territoriales aussi se poseront.

 

Deuxième élément sur cette inquiétude face aux élus : les associations contribuent-elles réellement au développement des territoires ? Il n’y a pas de développement des territoires sans les élus. Cela ne veut pas dire que c’est parce qu’il y a des élus qu’il y a développement des territoires, hélas… Cela ne veut pas dire non plus que les élus doivent être à l’initiative de tous les projets. Mais, pour les associations qui veulent bénéficier de financement locaux, à l’heure où ils se raréfient, soit elles font des activités entre associés mais ce n’est pas du développement territorial, soit elles ont la prétention que leur action peut contribuer au développement des territoires et il faut forcément que ce soit en lien, en relation contractualisée, de façon conflictuelle ou amicale, par une procédure ou par « on tope là » avec les élus. Cette question d’inquiétude par rapport à la proximité doit nous interroger et  il n’y a pas réponses simples à ces questions.

 

 

 

Faire ou être ?

 

Aujourd’hui qui décide de l’action conduite par une association ? C’est le risque de l’instrumentalisation, mais c’est la question, aussi, sur l’évolution des modalités de financement des associations. Elles ne sont quasiment plus soutenues que pour ce qu’elles font et non plus pour ce qu’elles sont. Il ne s’agit pas d’opposer l’un et l’autre, il faut probablement faire et être. Que l’on soit financé à hauteur de ce qu’on fait et pour peu que cela s’inscrive dans un projet de territoire, cela semble logique et d’ailleurs on ne l’est jamais assez, financé, pour ce que l’on fait. Mais si, pour une partie plus ou moins faible, l’association n’est pas financée pour son objet, sa mobilisation de bénévoles, c’est un piège redoutable à terme pour les associations.

 

Parce que si finalement l’association se résume à une technique, une modalité d’intervention, quel est l’intérêt que ce soit fait sous statut associatif plutôt que sous statuts intercommunal ou d’entreprise ? On ne voit plus quel est le projet citoyen associatif derrière. D’autres se présentent sur les territoires comme ayant un avantage concurrentiel : il vaut mieux que cela soit fait par nous plutôt que sous un statut intercommunal, cela revient moins cher, mais c’est de moins en moins avéré.

 

Pour d’autres, et ils sont encore nombreux à y croire, l’association est le ferment de résolutions des crises civiques et sociales, c’est beau, c’est un peu présomptueux et cela nécessite quelques explications… C’est quasiment un programme ! C’est le sens des réflexions en cours à la CPCA, à Paris, mais surtout sur les territoires !

 

 

 

 

Olivier Dulucq

Délégué général de l’Unadel est aussi vice-président de la CPCA en charge des territoires

 

 

 

 

 

 



[1] Cf article O. Dulucq, Territoires n° ?, « L’Etat mute-t-il ? »

Auteur : Olivier Dulucq

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