Difficile exercice de commenter une loi, que l’on ne peut que juger sévèrement et dans le même temps rendre compte d’un CIADT sur la même problématique rurale, qui est nettement plus encourageant.

Réunis à Digne, les acteurs de l’UNADEL ont été amenés à travailler cette loi rurale. En croisant les points de vue d’élus, d’agents de développement, de responsables de maisons de service public, de professionnels de l’enseignement agricole et de syndicalistes, le constat est sévère mais juste.

 

Cette loi n’a visiblement pas de moyens, on pouvait s’y attendre, mais elle manque aussi de souffle, d’idées. C’est un catalogue aux prés verts, où l’on retrouve assez bien les préoccupations d’un certain nombre d’acteurs constitués. Les chasseurs, les propriétaires forestiers privés, les agents de la fonction publique territoriale, les centres équestres, et quelques autres, trouveront ici des aménagements, des simplifications, sûrement bénéfiques pour leurs activités.

 

Ceux qui attendaient d’une loi rurale, de l’analyse, de la capitalisation, de 30 années de développement rural et local, des orientations pour les 15 années à venir, un nouveau contrat entre la société et son espace rural ne pourront être que déboussolés par cette loi.

 

 

Une loi ne se contente pas de répondre à des revendications sectorielles. Elle doit avoir une ambition basée sur un développement inter sectoriel global. Une loi d’orientation pour le développement des espaces ruraux doit s’appuyer  sur une analyse globale du rural et des dynamiques qui ont présidé à son évolution depuis 30 ans, au lieu de mettre en avant  les seules procédures sectorielles. L’enjeu des territoires ruraux est de sortir d’une logique de Lobby pour passer à une logique de développement, à des approches plus systémiques.

C’est ce que l’on retrouve dans le document réalisé par la DATAR à l’occasion de ce CIADT, « Quelle France rurale pour 2020 ? ».

 

Il définit le rural en parlant de territoires ruraux différenciés, ce qui les composent, et insiste sur le besoin de développer un projet politique transversal prenant en compte ces diverses composantes, leurs besoins et les complémentarités à mettre en œuvre/soutenir/faciliter.

 

On ne peut pas définir l’espace rural, comme le fait l’article premier de cette loi rurale,  par la procédure (ZRR) alors que l’expérience de ces dernières années montre  que l’espace rural a pu se défendre par le processus. Toute définition par la procédure suppose des transferts conséquents de moyens. Une définition par le processus au contraire se base sur la prise en compte de dynamiques et la construction de dispositifs adaptés.

On sent qu’ici se sont opposées deux écoles, l’une considérant qu’il fallait soutenir l’activité et revitaliser l’espace rural , ce qui serait générateur de richesse, l’autre, plus libérale, qui tend à soutenir les exonérations de charge et la déréglementation et qui l’a emporté.

 

Quand bien même cette approche se confirmerait la dimension gestion de l’espace ne vaudra rien tant que les financements seront calculés sur les populations : une loi d’orientation sur les territoires ruraux suppose une réforme en profondeur de la fiscalité et des répartitions de la ressources fiscale ( DGF, etc…)

 

 

 

Des caractéristiques

Le territoire rural évolue intelligement depuis 30 ans, ce milieu innove, or on sent cette spécificité absente du texte du projet de loi. Le milieu rural est un système productif local intelligent. Il a mis en œuvre un certain nombre d’expériences qui ont démontré sa richesse et sa capacité d’innovation.

 

En ignorant cela, on risque de brimer ses élus en ne donnant pas assez d’ambition au texte, de méconnaître leur inventivité, leur restructuration intercommunale le plus souvent volontaire, leur implication dans des territoires de projets, dépassant les égoïsmes de clochers. Les élus ruraux ne sont pas là pour simplement servir de rustines aux désengagements de l’Etat…

 

Le milieu rural se définit par des « territoires », des espaces à gérer, des habitants producteurs et usagers de biens et de services ; il se caractérise par :

  • ·        Sa capacité à innover et à « bricoler »
  • ·        Une forme de lien social et de solidarité distincte du milieu urbain.
  • ·        Une capacité d’adaptation qui le pousse souvent  à se mettre en marge de la légalité
  • ·        Une fragilité démographique qui suppose une grande attention sur le rôle et la place des femmes, actrices centrales du développement. Mais aussi une place de plus en plus importante de retraités, vecteurs d’une économie résidentielle renouvelée.
  • ·        Un besoin impératif de mutualiser des moyens pour maintenir des services à la population.
  • ·        Un mouvement coopératif et associatif important, souvent initié par les agriculteurs.
  • ·        Une agriculture – et des modèles agricoles- confrontés à l’évolution de la demande sociale.
  • ·        Une plus grande difficulté quand à l’accès – et au maintien- au services en matière de transports, communications, soins, formation…
  • ·        Des espaces administratifs, des collectivités locales, des groupements, des territoires de projet, des parcs naturels régionaux ou nationaux soumis à des contraintes nationales ou européennes.
  • ·        Une demande croissante de la part des urbains et la nécessité de construire un véritable dialogues rural-urbain.

 


Les grands principes

Dans l’exposé des motifs, on aurait aimé retrouver un certain nombre de grands principes mâtinés d’expériences des années de développement rural, et plus particulièrement s’adossant sur les programmes européens qui ont constitué souvent l’essentiel des financements à destination des territoires ruraux. C’est notamment ce qui ressortait du rapport d’évaluation réalisé par le Commissariat Général du Plan sur « les politiques de développement rural », sorti en juin 2003.

 

  • ·        Egalité des chances
  • ·        Agenda 21, agenda 2000, réforme de la PAC et plus particulièrement une réelle ambition pour la mise en place en France du « second pilier ».
  • ·        Prise en compte des principes du développement soutenable, pas vécues comme une contrainte, ou une entrave au développement, mais comme un nouveau cadre d’action ?
  • ·        Multifonctionalité de l’Espace rural (rôle  social de l’espace rural, de l’agriculture et de l’entreprise en milieu rural) Définir l’agriculture non pas par des seuils, mais prendre aussi en compte la petite exploitation , l’installation diversifiée, l’entreprise pluri- active. Redéfinir le rôle des CAD ( ex-CTE) comme instruments de gestion d e l’espace rural.
  • ·        Rôle et place de la jeunesse
  • ·        Importance de la prise en compte des acquis et expériences de territoire
  • ·        Soutien aux initiatives locales, en allant au-delà de la capitalisation des bonnes pratiques, mais en confortant celles qui ont été évaluées comme positives et diffusables sur les territoires.
  • ·        Réaffirmer le rôle des pays et autres territoires de projet comme interlocuteurs représentatifs du monde rural. Le renvoi sur les collectivités doit être accompagné des moyens nécessaires.

Le renforcement des consulaires agricoles ne peut être, en l’état, envisageable. Quelques chambres commencent à s’ouvrir à la dynamique des pays, mais elles ne sont pas légitimes pour représenter le milieu rural. Les associations d’ élus existent, les artisans et les services publics sont là. L’inter consulaire aussi. Syndicats et associations de consommateurs peuvent avoir leur place.

 

Les territoires ruraux devraient pouvoir bénéficier de régimes qui permettraient des dérogations au droit commun pour les territoires de projet. L’expérience européenne Leader et l’ensemble des fonds de « discrimination positive » ont fait la preuve qu’il faut soutenir cette innovation et ces mises en réseau locaux.

 

Sortir du mythe de la concentration, en mettant au contraire en avant le maillage, de réseau et de mutualisation de moyens.

 

Ne pas systématiser l’aide sur une zone, mais la laisser comme une possibilité « contractuelle » dans les territoires de projet.

 

 


Regards plus précis sur cette loi en pondérant ces remarques par les mesures plus positives annoncées lors du CIADT.

 

Le ministre en charge des Affaires Rurales avait clairement annoncé, dès le début de ses consultations, qu’une loi ne pouvait tout embrasser, qu’un certain nombre de thématiques relevait de la loi, d’autres du règlement. Il faut donc pondérer les remarques sur cette loi en tenant compte des mesures plus positives annoncées lors du CIADT.

 

 

Les grands absents…

 

Le soutien à la vie associative

      Acteur essentiel du développement rural, oeuvrant sur ces territoires le plus souvent bénévolement depuis toujours, les associations ne sont toujours pas estimées comme un acteur important de la société civile. On ne peut que regretter ce déni de la réalité rurale.

Le soutien aux groupements de projet

      On pouvait légitimement voir cette loi renforcer les pays et surtout les intercommunalités de projets. Voir dans cette loi rurale reconnue toute la place qu’elles n’ont pu avoir dans la loi organique de décentralisation du territoire.

L’importance des réseaux

      Si les territoires ruraux ont besoin d’un soutien à l’animation et à l’ingénierie territoriale, ce qu’a affirmé le CIADT, ils ont aussi besoin d’une mise en réseau de tous ses acteurs, en insistant notamment sur le rôle de la société civile. L’inter-consulaire de proximité sur les territoires ruraux est une avancée insuffisante. La facilitation des espaces de dialogue que sont les pays notamment aurait dû être renforcée, réaffirmée par cette loi.

Les femmes ont un rôle essentiel dans la revitalisation du tissu. Elle n’ont pas toujours le statut légal de conjointes et sont de fait écartées de certaines mesures réservées aux conjoints collaborateurs.

 

Les mal traités…

  • ·        La formation et l’éducation sont quasiment absents de la loi.

L’appareil de formation en espace rural ne se limite pas à l’enseignement agricole. Certaines mesures du CIADT, notamment par la mise en réseau des écoles répondent partiellement à ces questions fondamentales pour le développement des territoires ruraux.

  • ·        Les services publics, l’accès aux services.

Pour les maisons de service publics, on est dans une logique de fermeture plutôt que d’une politique incitative pour regrouper et organiser des services.Ne peut-on créer un fonds mutualisé par l’ensemble des services ? Mais il faut là de véritables mesures incitatrices.

  • ·        L’économie solidaire et la notion de « faire autrement »

Si l’on retrouve évoqués les coopératives agricoles et les SCIC, dans les mesures du CIADT, on ne prend pas la pleine mesure et ambition de la force du partage, de la mise en commun sur les territoires ruraux.

  • ·        Le tourisme est générateur de richesse en espace rural, il ne se limite pas aux agriculteurs et aux fermes auberges.
  • ·        L’accès au foncier et sa est un élément important en espace rural : Quid des communaux, sectionaux, espaces inoccupés…

 

Quelques articles positifs…

  • ·        Les acquis des Mesures agro-environnementales sont pris en compte, notamment sur les espaces sensibles (Zones humides), le sylvo pastoralisme.
  • ·        Les propositions sur la montagne semblent assez bien travaillées.

On voit clairement que les articles issus de ce chapitre ont été construit sur la base d’évaluations antérieures).

Auteur : Olivier Dulucq

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