Paru dans Transrural Initiatives

Les pôles de compétitivité dans les politiques d’aménagement

« Gagner la bataille économique grâce aux territoires », tel est le slogan de la Datar [1] et de la Ceis [2] pour présenter les pôles de compétitivité le 12 janvier dernier. Est-on en train de rompre avec les logiques des politiques publiques qui depuis une vingtaine d’années prônaient un développement équilibré et harmonieux des territoires ?

« Gagner la bataille économique grâce aux territoires ». Le langage guerrier utilisé par la Datar donne-t-il le ton de ce que l’on attend des pôles de compétitivité, nouveau dispositif phare de la Datar contre les délocalisations ? L’idée des pôles de compétitivité a été introduite par Michel Blanc, député UDF des Yvelines et ancien PDG d’Air France dans son rapport , « Pour un écosystème de la croissance » [3] remis le 21 avril 2004 au Premier ministre. Son objectif : « favoriser la croissance et l’emploi par la synergie territoriale ». Son principe : « la combinaison, sur un même territoire, de trois types d’acteurs (entreprises, centres de formation, unités de recherche) » [4]. Cet outil est destiné à « constituer des pôles de compétitivité pour renforcer les spécialisations de l’industrie française, créer les conditions favorables à l’émergence de nouvelles activités, et par là lutter contre les délocalisations ». Les moyens : un appel d’offres avec un budget alloué de 370 millions d’euros pour 3 ans, lancé en octobre 2004 avec une réponse pour le 28 février 2005. Selon les informations de la Datar, 80 candidatures seraient recensées aujourd’hui.

80 pôles de compétitivité

Si l’alliance entre des acteurs qui ont peu l’habitude de travailler ensemble mérite d’être saluée, les pôles de compétitivité lèvent un certain nombre d’inquiétudes parmi les acteurs du monde rural. Ce dispositif qui se veut innovant apparaît sous bien des aspects comme une politique d’arrière garde. Revient-on aux politiques centralisatrices des années pré-80 ? Ainsi, Olivier Dulucq de l’Unadel [5] souligne que si l’on hésite entre « pompidolisme ou colbertisme, en tous les cas, on assiste à une relégitimation de l’interventionnisme d’Etat en matière économique ». Dans un contexte de décentralisation, on s’étonnera de l’engagement du gouvernement en faveur d’une politique « venue d’en-haut » pour les territoires « d’en bas ». L’Europe et les régions sont ainsi « reléguées au rang de simples financeurs ou de partenaires dormants ». Olivier Jacquin, élu de la Communauté de communes des trois vallées en Lorraine, regrette que « le concept de développement équilibré des territoires soit abandonné au profit d’une logique de concentration illustrée par la mise en place de pôles d’excellence ».
Dans ces conditions, quelle place sera laissée aux petites collectivités territoriales, notamment celles du milieu rural ? Le monde rural est-il voué à une domination urbaine, pourtant dénoncée dans un rapport précédent de la Datar [6] ?
On s’étonnera aussi de la concurrence mise en place entre les territoires au niveau français mais aussi au niveau européen, à l’heure de la construction européenne.

Concurrence entre les territoires

Par ailleurs, l’accent est mis sur le partenariat recherche-formation-entreprise. De quel soutien bénéficiera la recherche éloignée de tout intérêt industriel à court terme (voit Transrural n°273) ? Enfin, la focalisation sur la compétitivité du secteur industriel ne doit pas cacher le débat sur la place des petites et moyennes entreprises au-delà d’une sous-traitance consentie par les grandes industries… De même qu’elle laisse en blanc le secteur tertiaire en progression sur l’ensemble des territoires et aujourd’hui secteur d’emploi majoritaire.
L’avenir dira si la Datar est effectivement en train d’impulser un important virage en matière de développement des territoires. Peut-être pas car « aujourd’hui les programmes lancés et arrêtés en rase campagne deviennent la règle » estime Olivier Dulucq. Dans le cas présent, peut-être à la satisfaction des territoires ruraux !

[1] Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale. Site : www.datar.gouv.fr

[2] Compagnie européenne d’intelligence stratégique. Site : www.ceis-strat.com

[3] www.ecosysteme-croissance.com

[4] CIADT 14/09/04 in http://www.datar.gouv.fr

[5] Union nationale des acteurs et des structures de développement local. Site unadel.org

[6] Quelle France rurale pour 2020 ? Contribution à une nouvelle politique de développement rural durable ? CIADT 3/09/2003.

C. Laidin, Transrural Initiatives n°277, 25 janvier 2005.

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