Alors que Manuel Valls, dans sa déclaration de politique générale, a précisé le 8 avril son objectif de réduire le nombre de régions de moitié d’ici à 2017 (via des fusions volontaires puis une loi réformant la carte des régions),

Nous vous proposons de découvrir deux articles en particulier : l’un publié par Challenges le 11 avril et le second mis en ligne sur Slate.fr en janvier 2014.

Redécoupage des régions : la carte secrète du gouvernement

Le nouveau Premier ministre Manuel Valls dispose déjà d’un projet de redécoupage des régions de l’Hexagone, que Challenges s’est procuré. Une France à douze régions.

La carte est prête sur le bureau de Manuel Valls. Depuis l’annonce de la diminution du nombre de régions par François Hollande en janvier, une poignée de hauts fonctionnaires cogitaient sur un nouveau découpage administratif de l’Hexagone. Confirmé par le nouveau Premier ministre le 8 avril, le chantier revient en tête des priorités du gouvernement. Plusieurs scénarios ont été mis sur la table, mais le plus réaliste est celui d’une France métropolitaine à 12 régions, présenté à l’Elysée le 10 mars et dont « Challenges » s’est procuré la carte.

L’ambition est d’aboutir à des ensembles comparables en termes de population et de richesses, sans ‘charcuter’ les entités existantes”, décrypte un proche du dossier. Le PIB et la population moyenne des futures régions doubleraient quasiment par rapport aux anciennes.

Trois ensembles demeureraient intacts : l’Île-de-France, la Provence-Alpes Côte d’Azur et la Corse. Cinq fusions seraient opérées : la Bourgogne et la Franche-Comté, la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais, la Basse Normandie et la Haute Normandie, le Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, l’Auvergne et Rhône-Alpes. Deux entités regrouperaient trois anciennes régions : l’Alsace, la Lorraine et la Champagne-Ardennes, ainsi que le Poitou-Charentes, l’Aquitaine et le Limousin.

La carte secrète du redécoupage des régions

La région Pays de Loire démantelée

Seule une région serait démantelée : les Pays de la Loire. Trois de ses actuels départements – la Mayenne, la Sarthe et le Maine et Loire – seraient intégrés à une nouvelle région baptisée Vallée de la Loire. Le département Loire-Atlantique passerait, lui, dans le giron de la Bretagne, tandis que la Vendée rejoindrait le bloc Aquitaine-Poitou-Limousin.

Nul doute que c’est cette suppression de la région Pays-de-Loire qui concentrera les critiques. Un scénario alternatif, étudié de près à Matignon, consisterait d’ailleurs à rattacher les deux départements à la région Vallée de la Loire. Manuel Valls pousserait aussi pour un rattachement de la Corse à la région Provence, ce qui permettrait de tenir sa promesse d’une division par deux du nombre des régions.

Un dossier sensible politiquement

Politiquement, le dossier est sensible. En 2009, l’ancien Premier ministre Edouard Balladur, missionné par Nicolas Sarkozy, avait proposé une diminution du nombre de régions de 22 à 15. Il s’était heurté à une levée de boucliers des élus locaux contre le démantèlement de la région Poitou-Charentes et la fusion de l’Auvergne et de Rhône-Alpes. Un collectif baptisé « Touche pas à ma Picardie » avait même recueilli une dizaine de milliers de signatures. Plus récemment, le rapport des sénateurs Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger, qui recommande la constitution de huit à dix régions et a été cité par Manuel Valls, a aussi suscité de vives inquiétudes.

Car si les Français sont majoritairement favorable à un redécoupage territorial (68%), ils sont aussi très attachés à leurs régions (74%) ! Interrogés par LH2 pour la presse régionale et France Bleu, quelque 54 % rejettent la fusion de leur région avec une autre et 51 % sont contre le rattachement de nouveaux départements.

Les Alsaciens, les Bretons et les Franc-comtois se sentent plus liés à leur région que la moyenne – respectivement 84%, 83% et 83% – les Franciliens et les habitants de la Champagne-Ardenne étant eux beaucoup plus détachés. Bonne nouvelle pour le gouvernement : ce sont les habitants des Pays de la Loire qui sont le plus conciliant, 22% étant même favorable à la disparition de leur région.

Reste que le calendrier est serré. Le gouvernement doit présenter un projet de loi de décentralisation dans les semaines à venir et les prochaines élections régionales se tiendront en mars 2015. D’ici là, le gouvernement compte sur les conseils régionaux, tous à majorité socialiste sauf l’Alsace, pour opérer des rapprochements volontaires. Ensuite, nombre de conseils régionaux auront sans doute basculé à droite et Manuel Valls imposera aux récalcitrants son nouveau découpage. Avec une entrée en vigueur prévue le 1er janvier 2017. De quoi animer la campagne présidentielle…


Pourquoi votre région doit (peut être) disparaitre ?

Un article publié en janvier sur Slate.fr

“La grande passion française pour la délimitation de périmètres territoriaux –ou charcutage– est de retour.

François Hollande a relancé, lors de sa conférence de presse du 14 janvier, la grande partie de puzzle territorial en affirmant que le nombre de régions «peut évoluer». Le député de l’Essonne et porte-parole du groupe PS à l’Assemblée Thierry Mandon a précisé le lendemain que de 22, le nombre de régions métropolitaines pourrait passer à une quinzaine.

Pour les géographes que nous avons interrogés, revoir le découpage des régions françaises n’est pas forcément une mauvaise chose. D’une part, «elles font face à des entités politiques préexistantes qui sont bien plus enracinées qu’elles (communes et départements) et qui disposent d’une reconnaissance forte du fait de leur mode d’élection et du rapport direct aux habitants, citoyens ou usagers», explique Philippe Estèbe, enseignant au CNAM et directeur de l’Institut des hautes études de développement et d’aménagement des territoires en europe (IHEDATE). D’autre part, leurs compétences, «hormis les TER et les lycées, sont très abstraites (production de schémas tous azimuts)».

 Qu’est-ce qu’une région?

«Ce qui fait « région », analyse le géographe, ce n’est pas l’institution régionale mais les relations (économiques, sociales, culturelles) entre la capitale régionale et les territoires environnants. Ce sont en fait les grandes villes qui organisent le territoire régional et qui, de plus en plus, tendent à le fédérer.»

La proposition de faire évoluer le périmètre et le nombre des régions prolonge donc logiquement la création, votée définitivement au Parlement en décembre dernier, de treize métropoles françaises au 1er janvier 2015, considérées dans le cadre de la mondialisation comme les centres économiques qui organisent le territoire et produisent la plus grande part de sa richesse:

«Politiquement, les régions sont d’ailleurs aujourd’hui relativement marginalisées par rapport à la montée en puissance des grandes villes et à l’institutionnalisation des métropoles.»

Pour Jacques Lévy, professeur à l’Ecole polytechnique de Lausanne, directeur du Laboratoire Chôros et auteur de Réinventer la France, le découpage actuel des régions est problématique:

«Au-delà des économies liées à des fusions d’institutions, c’est vrai que ces régions ne sont pas cohérentes par rapport à leurs missions.»

Pour le géographe, elles devraient coïncider avec ce qu’il appelle un «espace biographique», c’est-à-dire «qui offre des opportunités à l’échelle de la vie d’un individu, pour qu’il puisse développer sa vie individuelle sans avoir besoin de la quitter».

Comment redécouper?

En 2009, un comité présidé par Edouard Balladur avait déjà rendu à Nicolas Sarkozy un rapport sur le redécoupage des régions, mais la proposition avait rejoint le cimetière des rapports et des comités spéciaux… A l’époque, l’idée était de fusionner Auvergne et Limousin, les deux Normandie, Alsace et Lorraine, Bourgogne et Franche-Comté, ou encore de dessiner un vaste Val de Loire (Pays de la Loire et Centre) au sud-ouest de l’Ile-de-France.

Plusieurs régions (Picardie, Pays de la Loire…) se voyaient donc littéralement démembrées, leurs départements étant rattachés aux régions limitrophes. Le sort de certains départements (Aisne, Nièvre, Lozère, Vendée…) était en balance entre plusieurs grandes régions.

Voilà donc que la nouvelle majorité remet le projet à l’ordre du jour. A quoi pourrait ressembler cette nouvelle organisation? Ni le président de la République ni les élus PS n’ont précisé ses contours pour l’instant.

En revanche, Jacques Lévy, qui propose justement dans son dernier livre «un nouveau contrat géographique» pour réconcilier la représentation de l’espace national avec sa réalité, a une idée sur la question, qui aboutirait à un redécoupage en 10 grandes régions.

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Pour lui, un grand «Bassin parisien» tiré par l’économie de la capitale pourrait intégrer les deux Normandie, la Picardie, une partie des Pays de la Loire, la Champagne-Ardenne, la Bourgogne –moins la Saône-et-Loire, qui rejoindrait plutôt la région Rhône Alpes– et s’étendre jusqu’au Centre. Une grande région Sud-Ouest regrouperait Poitou-Charentes, Limousin et Aquitaine, avec Bordeaux comme capitale, grignotant l’Aude et les Pyrénées-Orientales à la région Languedoc-Roussillon, tandis que l’Auvergne serait rattachée au territoire rhône-alpin. La Lorraine et la Franche Comté fusionneraient, Rennes et Nantes se retrouvent dans une grande région «Ouest Bretagne».

PACA et l’Est de Languedoc-Roussillon pourraient former une grande région Méditerranée, à la condition qu’Aix-en-Provence et Marseille se constituent déjà en métropole. Mais, avertit Jacques Lévy, remanier les limites des territoires est un art qui exige de respecter l’histoire et les identités régionales:

«La Corse a peu de ressources, mais une forte identité. Le Nord-Pas-de-Calais, l’Alsace, la Bretagne, sont aussi des régions où la question de l’identité ne peut être ignorée.»

En finir avec l’organisation homogène du territoire?

Pour Philippe Estèbe, le fait d’agrandir les régions actuelles pose la question de la disparité du territoire :

«Des périmètres très larges seraient en même temps peu denses, et gouverner un espace vide ne procure pas de véritable capacité à agir. La question pour moi est moins le périmètre que la ou les fonctions des régions dans le paysage politique. En réalité, on n’a pas besoin de régions partout, de la même façon qu’on n’a pas besoin de départements partout.»

Les départements pourraient se substituer aux régions dans les territoires peu denses et, inversement, ces départements disparaîtraient au profit de métropoles dans les zones très denses, comme dans le Grand Lyon, où une nouvelle collectivité aura les compétences de la métropole et du département à partir de 2015. Le député Thierry Mandon a d’ailleurs parlé d’une «digestion des départements par les métropoles».

C’est donc une petite révolution qui s’annonce, comme l’explique Béatrice Giblin, professeure à l’Institut français de géopolitique (Paris 8), directrice de la revue Hérodote et qui a dirigé la rédaction de Nouvelle géopolitique des régions françaises:

«Pour la première fois, le territoire national ne sera pas traité de façon aussi homogène qu’avec la création des départements.»

Il serait d’ailleurs temps d’ouvrir «la possibilité à une grande diversité d’organisation, sous réserve de consultations démocratiques, poursuit Philippe Estèbe, plutôt qu’une réforme jacobine et colbertiste qui perpétue le mythe du jardin à la française d’une organisation apparemment uniforme du territoire».

Le géographe Christophe Guilluy, auteur de Fractures françaises, considère lui aussi que «la question n’est pas de supprimer des échelons ou de faire ou non des regroupements, mais de savoir quelle est la pertinence de l’échelle de l’action publique en fonction des réalités économiques et sociales locales»:

«La région Île-de-France doit se transformer en « région-métropole » susceptible de rivaliser avec les grandes métropoles mondiales et, inversement, le département apparait comme une échelle pertinente de l’action publique dans bon nombre de territoires ruraux et/ou industriels. En fonction du contexte, l’échelle sera donc la région, le département ou la métropole.»

«Je ne suis pas pour l’idée de supprimer systématiquement les départements. Sur certains territoires, ils restent la seule armature présente», renchérit Béatrice Giblin. C’est le cas, par exemple, dans des petits départements comme la Haute-Marne ou la Haute-Saône, mais aussi dans des territoires denses comme le Nord qui, bien qu’ayant sa métropole avec Lille, conserverait des compétences utiles à la population.

Au final, tous les géographes interrogés sont d’accord sur au moins deux points: l’ère de l’organisation territoriale à la carte est ouverte car les questions doivent être traitées en fonction des spécificités du territoire, et surtout, il ne faut pas, ou plus, découper en comité restreint mais bien partir des aspirations des habitants. Même si le dernier référendum sur le sujet, portant sur la fusion des deux départements et de la région d’Alsace, s’est soldé par un échec et a montré le manque d’intérêt populaire pour ces sujets vus, à tort, comme techniques”

Un article de Jean-Laurent Cassely publié sur Slate.fr en janvier 2014.

Lire aussi sur ce sujet  :

30 ans de décentralisation : une infographie de La Gazette des communes

Les élus à la manoeuvre pour dessiner la nouvelle carte régionale

Un rapprochement entre la Haute Normandie et la Picardie ?

Le Big Bang territorial de Manuel Valls

Les départements à nouveau sur la sellette

Les régions favorables à une réforme territoriale ambitieuse

L’Association des départements de France, abasourdie

Les régions applaudissent, les départements s’étranglent

La Grande région Ouest de Jacques Auxiette

André Vallini veut en finir avec le jardin à la française

Les scénarios identifiés par le journal “Ouest France”

Le faux Big Bang de Martin Vanier

L’observatoire des politiques régionales (ARF)

Le Rapport des sénateurs Krattinger et Rafarin “Des territoires responsables pour une république effiface”

Le rapport du Comité Balladur

VanierFigaro

 

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