L’Assemblée nationale attaque ce mardi 24 février l’examen du texte de loi sur les responsabilités locales, l’acte II de la décentralisation.
Le rapport rendu par Marc-Philippe Daubresse, d’un peu plus de 400 pages, peut parfois entraîner une légère indigestion, là où l’on devrait trouver de la simplification…

Il est probable que les rapports préalables aux cinq lois qui constituèrent l’acte I de la décentralisation, en 1982 et 1983, étaient aussi peu digestes. Mais la lecture exhaustive du rapport, pourtant clair et complet, du député Daubresse nous laisse un peu chancelant.

http://www.assemblee-nat.fr/12/rapports/r1435-t1-1.asp

Les trois idées directrices de cette réforme sont synthétisées ainsi par le rapporteur : clarifier, économiser, expérimenter.

Pour la clarification, il faudra bien évidemment juger à terme les effets de cette réforme. Mais là où les lois Deferre avaient déjà échoué, en aditionnant les compétences et en organisant, de fait, l’imbrication des niveaux de décision, la loi en cours ne se donne guère les moyens d’aboutir à un autre résultat. Faute de réflexion avancée sur la subsidiarité et faute surtout d’une spécialisation des compétences, voire d’une hiérarchisation des collectivités, régions, départements, communes et aujourd’hui intercommunalités, pourrront tour à tout tout faire, tout expérimenter ou presque. Même si des rapports réguliers au Parlement permettront, à posteriori, de voir qui fait quoi, l’électeur sera particulièrement brillant s’il s’y retrouve. On peut craindre que les élus locaux auront eux-aussi le plus grand mal à s’éclairer sur cette jungle.

Il est maintenant clair que les départements, sauf à crouler sous la charge des transferts conséquents dont ils vont “bénéficier”, sont remis au coeur du dispositif public pour les prochaines années. Même si la focalisation de la presse nationale, en cette période électorale, pourrait laisser à penser que la structure “moderne” est la région, elle ressort bien mal menée de cette deuxième étape de la décentralisation. D’aucuns diront que le sénateur Raffarin a gagné sur l’ancien président picto-charentais, nous ne savons. Mais, dans cette recherche d’économie, c’est la collectivité qui en avait les moyens, le département, qui raflera la mise. Souhaitons lui que ce “cadeau” ne soit pas empoisonné et le transfert dès 2004 du RMI-RMA n’est pas pour rassurer les présidents de conseils généraux, de droite comme de gauche. Il y a sûrement, et c’était souhaitable, de l’économie pour l’Etat et les germes d’une réforme de l’Etat, souhaitons que ce ne soit pas un marché de dupes.

La décentralisation apparaîssait comme le vecteur idéal d’une refondation de l’acte politique et c’est tout naturellement sur ce terrain que le Premier ministre a placé le débat : la réforme proposée est née de « l’exaspération exprimée le 21 avril devant l’impuissance du politique » et inversement « de l’attachement aux valeurs de la République exprimée le 5 mai ». Deux valeurs sont peu reprises dans ce texte : l’égalité (des territoires) et la citoyenneté (individuelle et collective). Dans la redéfinition des responsabilités de l’Etat, une clarification sur les nouvelles fonctions des préfets, une réforme possible du contrôle de légalité, mais pas de trace d’une réelle définition de la péréquation et du rôle de l’Etat en la matière. Quant à la citoyenneté, les consultations supprimées par le Sénat et rétablies par la Commission de l’Assemblée, masquent mal la maigreur des avancées démocratiques, tout au plus quelques aménagements et un élargissement des possibilités de référendums “indicatifs” aux intercommunalités.

Pour le reste, ce catalogue à la Prévert, qui passe des missions locales aux aéroports, des offices de tourisme au social, de la formation professionnele aux structures routières et ferrées, de l’éducation aux déchets ménagers, clarifie sûrement beaucoup, mais pour l’instant il complexifie tout autant. Et cette réforme doit pour s’imposer parier sur le dynamisme, la volonté des futurs conseillers généraux et régionaux, élus dans quelques semaines. Ils sont à eux seuls visiblement les représentants des “initiatives locales”, ce sont eux qui avaient été essentiellement conviés aux “Assises des libertés locales”. Ce sera à eux de vivifier ce texte de loi.

Alphonse Allais, grand penseur loufoque de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, lui qui voulait transférer les villes à la campagne, écrivait : “Un homme qui sait se rendre heureux avec une simple illusion est infiniment plus malin que celui qui se désespère avec la réalité”. Nous souhaitons donc aux élus territoriaux d’être heureux, nous serons quelques uns à être des soutiens vigilants de la décentralisation, sans être désespérés, mais quelque peu inquiets.

Auteur Olivier Dulucq

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