Projet de loi « engagement et proximité »
Note de Christine Brémond, administratrice de l’Unadel, septembre 2019
(Conseil des ministres du 17 juillet 2019 en débat au Sénat début octobre et en procédure accélérée)
Ce projet de loi est dans la droite ligne du débat national en réponse au mouvement de contestation de cette dernière année ou encore comment se réconcilier avec les élus locaux à quelques mois des élections municipales et remettre la commune au cœur de la démocratie.
Il répond également aux crispations de nombreux élus suite à la mise en œuvre de la loi NOTRe de 2015 votée par le gouvernement précédent et du schéma de coopération intercommunale ayant entraîné de nombreuses fusions de communautés.
Il comporte 4 titres. 3 au nom des libertés locales :
– Titre I : Conforter chaque maire dans son intercommunalité
– Titre II : Renforcer les pouvoirs de police du maire
– Titre III : Simplifier le quotidien du maire
Et le titre IV : Reconnaître aux élus un véritable cadre d’exercice de leur travail
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Le volet intercommunal
Les fusions réalisées suite au schéma de coopération intercommunale en créant des grandes communautés contre l’avis des élus et en imposant de nouvelles compétences obligatoires comme l’eau et l’assainissement ont cristallisé un climat de contestation voire de découragement.
Aussi le projet de loi avance sur ce chantier en offrant la possibilité de revenir sur les périmètres de ces grandes communautés en donnant la possibilité de les scinder en deux voire plus à condition de respecter les seuils démographiques imposées par la loi et avec l’accord des communes membres. Cette modification de périmètre sera accompagnée d’un document sur son impact financier.
Il permet également à des communes de se retirer. Notamment le retrait dérogatoire est étendu aux communes membres des communautés d’agglomération.
Le débat parlementaire risque d’être très nourri sur ces points délicats de révision des périmètres. Par ailleurs la révision du Schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI) prévue tous les 6 ans est supprimée.
De même la question des compétences est reprise avec le choix d’introduire de la souplesse pour les sujets qui fâchent comme l’eau et l’assainissement pour les dates limites. En matière d’urbanisme il élargit les pouvoirs des communes sur le PLUI (plan de secteur, avis des communes sur l’évaluation du PLUI au bout de 9 ans, pouvoir pour procéder à une modification du PLUI) et concernant le tourisme les classées pourront récupérer leur office de Tourisme. De même il y aura plus de souplesse dans l’exercice des compétences en ayant la possibilité de les déléguer à d’autres collectivités ce qui permet d’avoir des solutions différenciées en fonction de la réalité des territoires.
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Les relations des communes avec leur EPCI
La rédaction d’un pacte de gouvernance en début de mandat avec la possibilité de créer un conseil des maires et des conférences territoriales des maires et les conditions dans lesquelles les maires peuvent décider de certaines dépenses courantes ou disposer de certains services de l’intercommunalité.
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Renforcement des droits des élus locaux
Ces mesures concernent l’extension à toutes les communes de nombreux droits : droits au congé pendant la campagne, autorisation d’absence des conseillers des communautés de communes, prise en charge des frais de garde des enfants pour les adjoints des communes de moins de 20 000 habitants, droit au remboursement des frais de mission pour les élus bénéficiant d’une indemnité, souscription d’une assurance obligatoire « protection des élus » compensée par L’État dans les communes de moins de 1 000 habitants, droit individuel de formation amélioré tout au long du mandat.
Ce résumé sera à compléter par toutes les précisions et nuances qu’apportera le débat parlementaire.
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Christine Brémond, septembre 2019
Municipales 2020 : un nouvel élan pour l’action publique locale ?
D’un mandat à l’autre…
« Quel mandat ! ». C’est un peu ce que j’entends ici et là de la part d’élus locaux, de maires, de conseillers municipaux ou communautaires du territoire où je suis élue et plus largement du Grand Est via l’association Citoyens et Territoires où je travaille. Certains insistent sur le fait qu’« il-elle n’avait pas signé pour ça » en 2014. Et pour cause, la réforme territoriale, déjà entamée fin 2010, s’est fortement accélérée bousculant les périmètres, les compétences, les modes de gouvernance, les finances du « bloc local ». Plus profondément, c’est le sens de l’action publique locale, le rôle de l’élu de proximité, sa capacité de répondre aux attentes des citoyens et de faire avec eux qui semblent avoir été bousculés ces dernières années. Occupés par les fusions des territoires, la mise en place de compétences obligatoires nouvelles au niveau des intercommunalités (instruction du droit des sols, urbanisme, eau, GEMAPI, PCAET, habitat social, etc.), les contraintes au niveau des communes, les élus ont eu du mal à bâtir un vrai projet de territoire quand celui-ci n’a pas été reporté sine die. On constate partout que les projets et les investissements en ont pâti, faute de temps et d’énergie. De moyens financiers aussi et je ne vais pas revenir sur ce vaste sujet de la compression des finances publiques locales, des finances publiques de manière générale, issue en bonne partie de la crise de la sphère financière privée depuis 2008, …c’est un autre sujet.
Et en cette fin de mandat, la séquence des gilets jaunes a sonné comme un rappel à l’ordre, remettant quelque peu en cause la légitimité des élus et, de manière générale, des « corps intermédiaires ». Pas étonnant que certains ne souhaitent pas y retourner.
Et pourtant…. Il me semble que l’action publique locale est déjà en train de se réinventer. Les impératifs écologiques, les aspirations à renouer les liens de proximité et de solidarité, la force des initiatives portées par de nombreux citoyens dans des domaines très variés, initient sur les territoires des dynamiques très intéressantes et porteuses de sens, d’innovation, de coopération. Et ce, à toutes les échelles. Certaines dynamiques ont appris à faire sans les institutions locales tant celles-ci étaient engluées dans leurs problématiques internes, mais c’est sans doute l’occasion de remettre à plat des manières de faire, et aussi d’« être » élu local. Et là encore, des aventures municipales très intéressantes ont vu le jour (voir par exemple l’initiative Des Communes et des Citoyens).
Comme le disait Hannah Arendt (que Michel DINET aimait tant citer) : « Le pouvoir correspond à l’aptitude à agir de façon concertée ». Ça, il nous faut vraiment le retrouver, à commencer par l’échelon de proximité, l’interlocuteur de base restant pour les citoyens le maire… Bref, le prochain mandat s’annonce passionnant. Et je pressens que de nouveaux liens vont se tisser entre les communes et leur intercommunalité, avec les forces vives au sein d’instances participatives locales, en lien avec les citoyens dans les villes et villages. C’est en tous cas nécessaire.
Mais revenons un peu en arrière… sur les Terres Touloises et au-delà, en Lorraine du moins.
Les années 90 et l’émergence de l’intercommunalité de projet
Dans les années 90, certaines intercommunalités commençaient à s’organiser sur de vrais bassins de vie. Ce fut le cas dans le Toulois, le district urbain fusionne avec l’EPCI rural pour créer la communauté de communes du Toulois (CCT). L’idée est de promouvoir une vraie solidarité au sein d’un territoire structuré avec une ville centre. Ce territoire n’a jamais vraiment élaboré de projet au sens du développement local : dès le départ, la plus-value et les actions se sont plus portées sur les grands services et équipements (gestion des déchets, zones d’activités économiques, grands équipements sportifs…) que sur les services de proximité ou l’accompagnement des dynamiques locales. Ce, contrairement aux intercommunalités voisines : Moselle et Madon et Colombey Sud Toulois qui ont élaboré, au cours de ces années, un projet de territoire partagé. Quoi qu’il en soit, la solidarité territoriale au sein d’un même bassin de vie prenait tout son sens.
Les années 2000 : la montée en puissance de l’intercommunalité et l’affirmation des pays
La carte des intercommunalités de Lorraine, et d’ailleurs, a de moins en moins de « trous », même en Moselle et dans les Vosges… A Citoyens et Territoires, nous constatons cette évolution avec en corollaire une plus forte structuration et une spécialisation des métiers autour des nouvelles compétences communautaires : gestion et traitement des déchets, eau/assainissement, développement économique, aménagement, habitat, etc. Les fonctions support s’étoffent également : finances, GRH (Gestion des ressources Humaines), direction, communication… De fait la fonction d’« agent de développement local » a peu à peu disparu des organigrammes. Le directeur d’une intercommunalité, qui souvent portait aussi la stratégie globale du développement, a vu ses fonctions évoluer vers plus de tâches administratives et le pilotage de « maisons » de plus en plus importantes. Cette vision globale du territoire, de la transversalité des enjeux et des actions, aux côtés des élus, a de ce fait parfois pu faire défaut dans les années qui ont suivi.
La CCT est passée en Taxe Professionnelle Unique en 2007, juste avant le « choc » de la fermeture de l’usine Kléber à Toul qui a laissé sur le carreau plus de 800 salariés et provoqué une perte de fiscalité économique de plus de 2 millions d’euros/an. On peut dire que la solidarité territoriale permise par la fiscalité unique est tombée à point nommé… Plus de 10 ans après et avec la ré -industrialisation progressive du site, la contribution de chaque commune via les attributions de compensation fait débat, c’est normal. Le temps est venu de bâtir un nouveau « pacte financier et fiscal » entre les communes et la communauté.
Autre fait marquant des années 2000, la création en 2005 du pays « Terres de Lorraine ». Réunissant les communautés du Saintois, du Toulois, de Colombey Sud Toulois et de Neuves Maisons dans le Sud-Ouest de la Meurthe et Moselle, le pays se pense dès le départ comme une « coopérative » mettant en avant l’innovation et la coopération entre les territoires sur un bassin de 100 000 habitants. Progressivement, va se construire à cette échelle un projet de territoire et une belle mobilisation des acteurs autour du tourisme, de l’accompagnement des porteurs de projets économiques, des jeunes, de la transition écologique. Des outils communs se mettent en place ou se mutualisent à cette échelle, dans une structuration souple : maison du tourisme, agence de développement économique, espace info-énergie, mission locale, maison de l’emploi… Le pays devient un haut lieu de l’innovation en matière d’action publique locale sur notre secteur, avec la belle impulsion de son président, le député Dominique POTIER.
Années 2010 : le «big bang territorial»
La CCT tient le cap de ses actions en faveur du développement du territoire mais nous avons tout de même vécu 2 fusions en 3 ans (2014 et en 2017) et leur lot de grincements, d’ajustements, de concessions, d’harmonisation… sans compter les nouvelles prises de compétences obligatoires que j’évoquais plus haut. Il faut bien le reconnaître, on s’est tous un peu perdus dans ce bazar : le récit commun a du mal à trouver son chemin, les élus locaux en perdent parfois leur latin, il est difficile d’impliquer convenablement les citoyens et les acteurs locaux même si l’on s’y emploie au travers de comités de pilotages élargis (sur l’habitat, l’économie, etc.), de concertations sur l’urbanisme, de projet culturel…
Un aspect important concerne la gouvernance : de par la loi, nous sommes passés de 2 à 1 représentant au conseil communautaire pour la plupart des communes (rurales) de notre territoire, ce qui a été mal vécu d’autant qu’au même moment la ville centre gagnait des sièges. Donc l’intercommunalité grossit, elle gère de plus en plus de choses et la représentation démocratique s’amenuise… problème ! A l’instar de nombreux territoires nous avons tenté de mettre en place une gouvernance locale plus inclusive (commission des maires, commissions thématiques ouvertes à l’ensemble des conseillers municipaux, etc.) mais l’édifice reste fragile et la distanciation aux élus municipaux et aux citoyens est quand même là.
L’interdépendance entre les territoires est mieux prise en compte
Ces dernières années ont vu s’ouvrir une table de dialogue et de concertation très importante sur l’« aire urbaine » du Grand Nancy qui compte 570 000 habitants, 476 communes, sur tout le Sud de la Meurthe et Moselle. Nous sommes partis de l’élaboration d’un Schéma de Cohérence Territorial (SCoT). Celui-ci a fait prendre conscience aux élus des interdépendances de nos territoires (interdépendances vécues par les entreprises, les habitants depuis de nombreuses années !) et de la nécessité de changer de manière de penser l’aménagement du territoire et l’utilisation des sols. Peu à peu, des pistes de coopérations concrètes sont apparues, au-delà même du SCoT. Ainsi est née la Multipôle Nancy Sud Lorraine. Chaîne des équipements de santé, Programme alimentaire territorial, intermodalité dans les transports, attractivité du territoire, tourisme, sont autant de sujets qu’il est pertinent de penser à cette échelle, en lien avec la Métropole du Grand Nancy. Même si ce n’est pas un long fleuve tranquille…
Le pays Terres de Lorraine a quant à lui poursuivi son chemin avec de belles dynamiques participatives autour de l’énergie (dans le cadre de Territoire à Énergie Positive), de la santé (avec la mise en place de deux contrats locaux de santé), de l’alimentation (un programme alimentaire territorial avec notamment un axe sur l’accès à une nourriture saine pour les plus démunis, développé avec ATD Quart Monde). Les associations, les élus municipaux, les entreprises, les professionnels de santé, les partenaires qui le souhaitaient ont pu s’investir sur ces sujets. Je m’aperçois que c’est à cette échelle, et dans cette période intense de réforme territoriale, que nous avons fait « projet de territoire » et que les réelles innovations territoriales ont pu s’exprimer. Quel bol d’air ! Pour le prochain mandat, il nous faudra poursuivre, remettre en place le conseil de développement, communiquer, impliquer, inviter encore plus de « forces vives » à rejoindre la dynamique.
L’heure est donc à la coopération à différentes échelles
Je pense qu’il ne faut pas craindre les coopérations entre les territoires. Un des défis du prochain mandat est aussi de repenser quoi faire à quelle échelle pour être le plus pertinent possible et en phase avec la société et les défis actuels. Et en l’expliquant aux habitants. Le « mille-feuille » territorial tant honni reste pertinent si tant est que l’on mette en avant une vraie subsidiarité. Certaines compétences se jouent sur un large bassin de vie (sécurisation de l’approvisionnement en eau sur un bassin versant, tourisme, attractivité…), d’autres à l’échelle de la commune voire d’un quartier (services de proximité, production d’énergie locale, solidarité…) : et alors ? Si les projets voient le jour, que les gens sont au courant et impliqués, que la courroie de transmission est fluide entre les échelles de collectivités, que les financements se trouvent, c’est l’essentiel. Certes, ce n’est pas encore toujours le cas d’où cette impression d’accumulation des strates de décisions. A mon sens, il ne faut pas chercher à tout prix à redonner du « pouvoir » aux communes ou à l’opposé construire de grandes interco « XXL ». Cela n’a plus de sens. Ce n’est pas là que cela se joue. Il nous faut plus penser « système » que « chapelle », « Liens » plus que « Lieux » comme j’ai pu l’entendre ici et là… L’heure est à la coopération, on n’a pas le choix en fait !
Il est sans doute nécessaire d’assouplir le principe d’exclusivité pour retrouver une vraie capacité de coopérer entre communes et communauté, pour casser ce « syndrome de Bruxelles », cette distanciation que l’on a vu poindre ces dernières années, la commune se désolidarisant de ce qui peut se passer dans les étages supérieurs…
Pour illustrer, sur Pierre-la-Treiche, nous réfléchissons avec deux autres communes à la mise en place d’un réseau de chaleur avec une chaufferie en cogénération à partir de la gazéification du bois issu de nos forêts (qui n’est plus du tout valorisé aujourd’hui). La dynamique est locale, dans une proximité permettant l’implication et l’investissement des habitants, mais elle est aussi intercommunale dans le cadre du plan climat-air-énergie, et sans doute aussi pour la nécessité de penser à l’avenir l’approvisionnement en bois-énergie de l’ensemble du territoire. La dynamique « Territoire a énergie positive » du pays nous permet d’avoir accès à des financements et à la nécessaire ingénierie qu’il faut pour déployer un tel projet. En l’occurrence nous bénéficions des précieux avis du Conseiller en Énergie Partagée et du chargé de mission « Transitions » mutualisé à l’échelle du Pays.
L’ingénierie territoriale : un vrai investissement
L’ingénierie… elle fait souvent défaut, particulièrement en rural, générant cette inégalité territoriale mise à l’index par les gilets jaunes. Comment répondre à tel ou tel appel à projets régional, comment concevoir des services, des équipements, comment animer une concertation locale sans des équipes de techniciens au bon niveau ? L’ingénierie est enjeu de « mise en capacité » de tous les territoires et de solidarité entre eux. C’est aussi un réel et nécessaire investissement, chose loin d’être acquise par tous les élus, ni suffisamment soutenue par les partenaires financiers des collectivités à commencer par l’État. C’est dommage…
« Réinventer l’action publique locale »
On peut citer aussi cette expérimentation que la Communauté de communes de Moselle et Madon va mettre en place pour « réinventer l’action publique locale ». L’idée est de remettre à plat les finances, les compétences, les modes de gouvernance du bloc local et de repenser le « qui fait quoi », « qui finance quoi » entre communes et communauté dans un contexte financier tendu et pour une meilleure efficacité et lisibilité de l’action publique. Pour cela, L’État doit aussi se réinventer et vraiment développer le principe de différenciation territoriale, accompagner les expérimentations, soutenir financièrement par contrat, plutôt que donner des injonctions…
A l’aube de cette nouvelle décennie et alors que va s’ouvrir un nouveau mandat, il paraît urgent à de nombreux élus et acteurs locaux de faire une pause dans la réforme territoriale, pour pouvoir la « digérer », pour que chacun trouve son rôle, et notamment la commune qui reste l’échelon de proximité auquel tiennent les habitants.
Demain : réussir les transitions écologique et citoyenne !
La communauté de communes Terres Touloises et le pays Terres de Lorraine, comme ailleurs, misent sur les transitions écologiques, numériques, économiques, alimentaires, démocratiques. Et on voit bien que pour y parvenir il y a des décisions systémiques à prendre mais aussi des liens de proximité et de concertation avec les habitants à retrouver. La commune a sans doute une nouvelle partition à jouer pour emmener tout un chacun dans ces transitions, pour ne laisser personne sur le bord du chemin. De gestionnaire, l’élu local devient alors plus que jamais animateur, entraîneur, courroie de transmission aussi avec le reste du territoire, les partenaires, les financeurs… Conseils de quartiers, comités consultatifs, conseils citoyens, commissions ouvertes, conseils de développement, etc., les outils de la concertation locale ne manquent pas. Et on peut en inventer d’autres, qu’est ce qui nous en empêche ? Si je me représente comme élue municipale en mars 2020, ce sera dans l’optique d’une démocratie plus coopérative, pour retrouver du sens, se réapproprier ensemble notre espace de vie et agir collectivement sur ce qui nous semblera important.
Il ne faut pas se leurrer, notre modèle de société actuel ne peut pas perdurer en l’état et il nous faudra bien réapprendre à produire et consommer local, à prendre soin les uns des autres, à sauver ce qui peut l’être de notre écosystème…. Seules les communautés vivantes, conscientes de leur environnement sauront développer les solutions résilientes.
En cela, nous avons besoin de retrouver un récit commun, en gardant en tête cette phrase de Margaret Mead, anthropologue américaine : « Ne doutez jamais qu’un petit groupe de citoyens engagés et réfléchis puisse changer le monde. D’ailleurs, rien d’autre n’y est jamais parvenu ».
Kristell Juven
Citoyens et Territoires Grand Est, réseau UNADEL
Communauté de communes Terres Touloises
Commune de Pierre-la-Treiche
www.terresdelorraine.org
Nouvelles communautés de communes XXL : la fin du développement local rural ?
Par François Tacquard, président de la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin (13 000 habitants et 15 communes). Directeur d’un bureau d’études en développement rural qui a accompagné la création et /ou le développement de plus de 100 communautés de communes rurales dans toute la France.
Partout en Europe, les petites communes se sont regroupées pour développer de nouveaux services. L’attachement à l’échelon communal en France a conduit à des regroupements intercommunaux, préservant ainsi l’échelon communal. L’évolution législative actuelle vient bousculer le bon exercice démocratique qui existait jusqu’alors.
Dans l’Europe de l’après-guerre, les habitants des campagnes ont souhaité bénéficier des services modernes, comme dans les villes : de l’eau potable, des services à l’enfance, de la culture, etc. Mais les petites communes rurales ne pouvaient y répondre. Aussi, presque partout en Europe, les États ont obligé les communes à fusionner en ensemble de 5 000 à 15 000 habitants. Sauf en France, où l’attachement des habitants à leurs petites communes rurales a bloqué les fusions. L’État a donc encouragé les regroupements intercommunaux, seuls aptes à créer ces nouveaux services. Les premiers syndicats de communes ont été créés dès les années 1950. Mais c’est surtout à partir des années 1980, avec la décentralisation, que des syndicats d’aménagement et de développement (devenus plus tard communautés de communes) ont organisé la vie locale. Ce mouvement, puissant, a été apprécié par les ruraux qui voyaient une chance pour le développement local. Il s’est organisé sur des espaces de taille restreinte, les bassins de vie ruraux, avec de 10 à 40 communes rassemblant de 5 000 à 20 000 habitants, polarisées en général autour d’un bourg-centre où se trouvent le collège et le supermarché. Les habitants, qui fréquentent les mêmes services communs, s’y reconnaissent.
Vivre et travailler au pays
Dans ces territoires de taille restreinte, le slogan « vivre et travailler au pays » a été mis en pratique par des élus militants et des groupes d’habitants engagés. Des centaines de projets économiques, sociaux et culturels ont été mis en œuvre et ont changé la vie des habitants. Tout cela avec une bonne démocratie territoriale, les petites communes ayant presque autant de voix que les grandes, ce qui obligeait à un très grand consensus. Les 22 régions de France, collectivités à part entière à partir de 1982, ont puissamment appuyé ce mouvement. Cette révolution des campagnes a commencé à s’affaiblir à partir des années 2000, avec l’affaiblissement du mouvement du “développement local” et une certaine technocratisation départementale et régionale.
Une évolution législative peu démocratique
Mais c’est surtout les lois récentes, portées à priori par de bons sentiments, qui vont dans le sens contraire d’une bonne organisation du milieu rural.
Pour favoriser théoriquement une meilleure démocratie représentative, il faut à présent que le nombre de délégués des communes corresponde à la taille de la population, ce qui déstructure la démocratie territoriale : 3 à 4 grandes communes sur 20 peuvent à elles seules prendre des décisions contre l’avis des autres. Le consensus n’est plus nécessaire : le clientélisme et les baronnies peuvent s’exprimer ! Et des portions de territoire n’ont plus droit à la parole.
Pour corriger la faible taille de certaines communautés de communes et parfois leur incohérence géographique, la loi oblige maintenant à faire des regroupements minimums de 15 000 habitants (5 000 habitants en zone de montagne). Ainsi, par exemple, une communauté de communes de 10 000 habitants en plaine, qui fonctionne bien et qui mutualise de plus en plus de services communaux, se voit obligée d’intégrer une grande communauté d’agglomération, où elle n’est qu’un « hinterland ».
Des regroupements « poids lourds » encombrants
Encore plus grave, dans certains secteurs, la commission départementale de coopération intercommunale a poussé à la création d’énormes communautés de communes rurales (XXL), rassemblant entre 80 et 120 communes pour dépasser les 50 000 habitants, avec le prétexte « d’avoir un poids dans la Grande Région ». Le pouvoir y sera probablement concentré aux mains de quelques « barons locaux » et les petites communes seront marginalisées. Il faudrait créer une nouvelle administration, coûteuse, pour gérer ces grands espaces. La mutualisation croissante des services communaux, constatée jusqu’à présent dans les communautés rurales, s’arrêtera : les communes seront réticentes à donner de nouvelles compétences à ces grands ensembles lointains. Et il faudra au contraire recréer des syndicats intercommunaux locaux pour gérer ce qui n’intéresse que quelques communes. Et l’investissement bénévole de nombreux élus sera découragé ! Quant aux habitants, ils ne se reconnaîtront plus dans ces très grands espaces.
Bref, tous les avantages de la révolution intercommunale rurale des années 1980 s’affaibliront. Et le spleen des campagnes continuera à s’accroître. Tout cela suite à de bonnes intentions qui méconnaissent les réalités locales. C’est désolant ! J’en appelle à un sursaut d’intelligence territoriale et à moyen terme de l’avenir du rural. Cela est encore possible. F.T. 15062016
Ne pas confondre bassin de vie rural et bassin d’emploi
Le bassin du vie rural est une réalité géographique évidente, dont l’abandon comme base des communautés rurales est une grande erreur. Les études de l’Insee le montrent bien, l’échelon moderne pour servir la population rurale est le bassin de vie rural, comprenant de 10 à 40 communes, polarisé autour d’un bourg centre ou d’une petite ville, où se trouvent en général un supermarché, un collège et d’autres services courants. C’est à cette échelle que, spontanément, se sont organisées la plupart des communautés communes. Les habitants s’y connaissent parce qu’ils fréquentent beaucoup d’équipements communs, comme l’école de musique, le gymnase, la médiathèque etc. Il y en a plus de 1 200 dans la France rurale, hors des grandes agglomérations. C’est le canton du 21e siècle. Le bassin d’emploi a une taille beaucoup plus grande. Il comprend de 60 à 150 communes, polarisées autour d’une ville moyenne, et offre des services structurants comme le lycée et l’hypermarché. La ville concentre beaucoup d’emplois et donc structure les déplacements domicile travail (et les besoins en transport). La création, à, partir de 1990, des syndicats de « Pays », rassemblant trois à six communautés de communes rurales, a tenté d’organiser cette deuxième échelle, très différente : les questions de transport, de formation et d’emploi, de promotion économique et d’aménagement du territoire (dont le Scot) y trouvent leur place évidente. Il y a 300 bassins d’emploi en France, hors de la région parisienne. C’est l’arrondissement du 21e siècle.
Il est vrai que les syndicats de « Pays » ont du mal à exister face à la dynamique forte des communautés de communes rurales, qui n’y délèguent que des compétences légères, comme, par exemple, le plan climat énergie. Mais organiser des communautés de communes rurales à une telle grande échelle, c’est abandonner la dimension de proximité des habitants qu’offre le bassin de vie rural.
Le nouveau zonage en bassins de vie de 2012 par Chantal Brutel, division Statistiques régionales, locales et urbaines et David Levy, pôle Analyse territoriale, Insee.
En France, les bassins de vie sont définis comme les plus petits territoires au sein desquels les habitants ont accès aux équipements et services les plus courants. C’est dans ces contours que s’organise une grande partie du quotidien des habitants. En 2012, 1 666 bassins de vie structurent le territoire national, dont 1 287 sont qualifiés de ruraux au sens des critères adoptés par la Commission européenne. Les bassins de vie ruraux sont naturellement plus étendus et moins densément peuplés que les bassins de vie urbains ; les équipements y sont moins variés. C’est pourtant dans ces bassins que la population a le plus augmenté au cours de la dernière décennie.
La France a mis en œuvre (jusqu’il y a peu) une organisation originale du territoire rural.
Presque tous les pays d’Europe ont obligé leurs communes rurales à fusionner en des ensembles de taille suffisante pour développer des services modernes à la population. La France a choisi un modèle original qui a le mérite d’allier efficacité et « démocratie communale de proximité ». Les 32 000 communes rurales, animées par près de 500 000 conseillers municipaux, se sont groupées dans des communautés de communes, capable de développer des services nouveaux. La démocratie locale y est restée vive grâce à ce réseau d’élus locaux, mais également de citoyens militants qui trouvent un appui à leurs projets dans les communautés de communes, dotées d’une bonne puissance technique et financière. Les agents de développement animent le territoire, riche acteurs voulant « vivre et travailler au pays », très nombreux à partir des années 1980. Incitées par des mécanismes financiers (le fameux CIF, coefficient d’intégration fiscale), les communes ont progressivement transféré des compétences techniques aux communautés, ce qui a permis de rationaliser une partie des services locaux. Certes, le mouvement est aujourd’hui inachevé puisque des compétences importantes et coûteuses, comme la voirie et l’école primaire, restent souvent communales. Comme le rappelle chaque année la Cour des Comptes, il faut continuer à rationaliser l’action publique locale pour éviter les surcoûts importants constatés aujourd’hui. De mon point de vue, il faudrait aller au bout de la logique en confiant à la communauté de communes la gestion de l’ensemble des services locaux, tout en préservant le rôle du maire et de ses conseillers dans l’animation du tissu local, ce qu’ils font très bien.
La création de très grandes communautés de communes rurales XXL va à l’encontre ce mouvement. Les maires ne souhaiteront plus donner de nouvelles compétences à des énormes structures lointaines, gérées par une technocratie puissante. Au contraire, la tentation sera forte de préserver dans son pré carré le maximum de compétences. Il faudra créer de nouveaux SIVU pour gérer les problèmes locaux. Et l’investissement personnel de nombreux élus ruraux, source d’économies observées dans les communautés de taille raisonnable, sera inhibé dans ces grands ensembles.
Les premières communautés de communes rurales ont mis en place un modèle de gouvernance « horizontale», favorisant les initiatives de développement local. Ce modèle est aujourd’hui en cours de disparition.
Les lois de 1992 et de 1999, incitant à la création des communautés de communes, ont laissé beaucoup de liberté aux territoires pour leur organisation politique, avec en particulier une grande marge quant au choix du nombre de délégués des communes. Pour rassurer les petites communes, la plupart des communautés ont fondé des « pactes de gouvernement » très « horizontaux » : les grandes communes avaient à peine quelques délégués de plus que les petites, ce qui obligeait à un consensus pour toutes les décisions. Chaque maire était représenté au Bureau où se pratiquait une grande concertation. Le président n’était que le premier parmi ses pairs. Souvent, les conseils municipaux envoyaient à la communauté de communes des délégués innovants (et même remuants), motivés par les projets intercommunaux, qui avaient donc une position d’influence. Ces derniers ont favorisé de nombreux projets de développement local, en général en collaboration avec des groupes de « citoyens amis », eux-mêmes imprégnés de la culture du « vivre et travailler au pays », très présente dans les années 1970/1980. C’est ainsi qu’ont été créés des services à l’enfance, des projets d’agriculture de circuits courts, des espaces culturels, etc. La campagne s’est mise à bouger !
Ce modèle vertueux est en train de disparaître aujourd’hui, au nom de la démocratie représentative et d’une augmentation déraisonnable de la taille de certaines communautés. La loi oblige à présent à prévoir un nombre de délégués presque proportionnel à la population de chaque commune. Les grandes communes qui peuvent avoir jusqu’à 10 fois plus de délégués que les petites communes, qui n’en n’ont plus qu’un seul, le maire, désigné automatiquement. Les petites baronnies en sont favorisées puisque quelques grandes communes peuvent prendre le pouvoir à elle seules ! Et les délégués innovants disparaissent du circuit ! Dans les très grandes communautés de communes rurales, la nécessaire technocratie se trouve bien loin des citoyens porteurs de projet. Eux-mêmes ne reconnaissent plus comme proches ces institutions. C’est la fin du développement local, pourtant jamais aussi nécessaire dans les campagnes qui ont souvent le spleen, faute d’un avenir lisible. La crise grave que vivent les paysans gestionnaires de l’espace rural, mais également les postures de plus en plus juridiques et technocratiques des institutions supérieures, amplifient le désarroi. Et finit d’achever le développement local./h5>
Rapport Lebreton : une nouvelle ambition territoriale pour la France en Europe
Durant plusieurs mois, à la demande du Premier ministre Manuel Valls en juin 2015, Claudy Lebreton, Marjorie Jouen et Clara Boudehen se sont attelés à la tâche de réfléchir à la concrétisation d’une nouvelle politique d’aménagement et de développement durable des territoires de France dans une perspectives de renforcement de l’Union européenne.
Pour réaliser ce travail, la mission a auditionné de nombreux acteurs du monde politique, universitaire, social, économique, associatif et a mobilisé pratiquement 400 internautes grâce à la plateforme numérique Parlement & Citoyens.
Nous vous proposons de découvrir le rapport final, remis au Premier Ministre le 3 juin dernier.
Restructuration de l’interco : études de cas
Restructuration de l’intercommunalité : études de cas
La loi NOTRe du 7 août 2015, prescrit, pour le 31 décembre 2016 au plus tard, l’établissement d’un nouveau Schéma Départemental de la Coopération Intercommunale (SDCI). Un projet de Schéma doit être établi par le préfet de département avant le 31 octobre 2015. Nous tentons ici de comprendre la logique qui les anime, à partir d’un échantillon de 14 cas, pas forcément représentatif, mais assez diversifié. Ce travail est synthétisé par Georges Gontcharoff dans les 3 trois notes ci-dessous.
La deuxième restructuration de l’intercommunalité. Les propositions des préfets pour les Commissions Départementales de la Coopération Intercommunale (octobre 2015).
1ère partie. Manche, Eure, Côte d’Armor, Gironde, Hérault.
2ème partie : Alpes de Haute-Provence, Hautes Alpes, Gard, Haute Savoie.
3ème partie : Meurthe-et-Moselle, Meuse, Moselle, Vosges et Aisne.
Participation citoyenne : quoi de neuf avec la loi NOTRe ?
L’article 88 qui porte sur les conseils de développement est tout ce qui subsiste de tous les efforts d’amendements qui ont été menés par diverses associations, dont l’Unadel, pour introduire le citoyen et la participation dans l’acte III de la décentralisation. Retour sur ce travail de longue haleine et ce qui est finalement adopté dans la loi NOTRe.
C’est une longue histoire qu’il faut résumer. Dès 2008 et les premiers textes relatifs à l’acte III présentés sous le quinquennat précédent, de nombreux réseaux associatifs ont constaté que le citoyen et la démocratie participative étaient totalement absents de la démarche. La loi était conçue par les élus pour les élus. Des démarches séparées ont été conduites par diverses associations, auprès du gouvernement et des législateurs pour pallier cette lacune.
L’Unadel a pris l’initiative de tenter de les fédérer en une plate-forme inter-associative appelée « Décentralisons autrement ». Ainsi, avec des degrés d’engagement divers, ont pu travailler ensemble, entre autres, l’Unadel, avec la Coordination Nationale des Conseils de Développement, la Fédération Nationale des Foyers Ruraux, la Fédération des Centres Sociaux et Socio-culturels, le collectif « Pouvoir d’Agir », le collectif des Associations Citoyennes, le Comité d’Étude et de Liaison des Associations à Vocation Agricole et Rurale (CELAVAR), l’Union Fédérale d’Intervention des Structures Culturelles (UFISC) et quelques autres, plus occasionnellement.
La plate-forme, dans une sorte de veille législative, a suivi pas à pas les étapes du cheminement de la réforme : projets gouvernementaux successifs, lectures parlementaires, lois à décortiquer et à expliquer pédagogiquement pour le plus grand nombre. Il en a résulté des rencontres, des réunions d’information et d’explication dans toute la France qui faisaient aussi remonter les réactions du terrain, et la rédaction de notes analytiques dont celle que nous présentons constitue la 162 ème !
L’engagement citoyen pour plus de démocratie locale
Nous avons continué de constater que ce qui tenait le plus à cœur à ces acteurs de terrain était l’engagement citoyen pour plus de démocratie locale, l’importance du mouvement ascendant dans les politiques publiques de développement, la reconnaissance de la créativité citoyenne dans tous les domaines, autant de volontés qui étaient totalement absentes des débats parlementaires et des textes votés.
Après le changement de majorité présidentielle, nous avons redoublé d’efforts, pensant que nous trouverions une oreille plus favorable au sommet. C’est alors que Michel Dinet, ancien président fondateur de l’Unadel, ancien député socialiste et alors président du Conseil général de la Meurthe et Moselle est entré en lice. Il a vigoureusement interpellé le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, affirmant que la nouvelle étape de la décentralisation, conduite par la gauche, ne pouvait pas s’effectuer sans que l’engagement du citoyen soit reconnu et fortement encouragé par la loi. Son initiative a provoqué un sursaut des associations citoyennes qui ont organisé à Paris une grande rencontre, sous l’ égide de Michel Dinet, avec les associations de la plate-forme « Décentralisons Autrement », mais aussi avec beaucoup d’autres. (21 mai 2013). Il en résulte la décision de rédiger des amendements aux projets de loi gouvernementaux et d’organiser un véritable lobbying à leur sujet auprès des parlementaires. Un groupe de travail est mis en place pour écrire ces amendements. Michel Dinet obtient un rendez-vous avec Jean-Marc Ayrault, puis avec Marylise Lebranchu, ministre chargée de cette réforme, et recueille la promesse que les lois à venir contiendront bien un chapitre sur le démocratie locale.
Janvier 2015, loi MAPTAM : rien en vue !
C’est l’époque où le gouvernement a présenté un texte unique et gigantesque pour mener la réforme et où la majorité socialiste du Sénat l’oblige à le scinder en trois morceaux. Le premier morceau est finalisé et nous en avons la version adoptée par le Conseil des Ministres en avril 2013. Il deviendra la loi de Modernisation de l’Action Publique Territoriale et d’Affirmation des Métropoles (MAPTAM), du 27 janvier 2015, après avoir occupé la fin de l’année 2013 et une grande partie de l’année 2014 par des débats parlementaires très longs et complexes. On n’y trouve pas une partie concernant la démocratie. Par contre nous avons obtenu, par amendements, la présence obligatoire de conseils de développement auprès des conseils métropolitains et auprès des conseils des pôles d’équilibre territoriaux et ruraux. De nouveaux contacts au sommet nous assurent que ce sera pour le morceau suivant.
La délimitation des régions s’invite dans les débats
Le deuxième morceau est adopté par le conseil des ministres, en juin 2014. Non prévu initialement, il correspond à une nouvelle approche du dossier de la décentralisation, voulue par le nouveau premier ministre Manuel Valls (nommé le 31 mars 2014), après le virage de François Hollande, en janvier-février 2014. Ce texte deviendra la loi sur la délimitation des régions et sur les élections régionales et départementales du 16 janvier 2015. Il n’y a toujours rien sur la démocratie. Nous redoublons d’efforts : ce sera pour le troisième morceau, du moins on nous le promet. Mais Manuel Valls n’est pas obligé de tenir les promesses de François Ayrault !
Dans l’intervalle une tragédie nous frappe, Michel Dinet, le fer de lance de notre combat démocratique, se tue dans un accident de voiture (29 mars 2014). Lors de la cérémonie en son hommage à Nancy, le 4 avril 2014, Marylise Lebranchu promet solennellement qu’il y aura bien dans la loi à venir « un amendement Dinet », en mémoire de ce grand défenseur de la démocratie, et même, peut-être un chapitre entier dans la loi.
Nouveau projet de loi, deux amendements adoptés
Quand le nouveau projet gouvernemental est connu, nous constatons, une fois de plus, que la démocratie est absente. Nous terminons la rédaction des amendements sous la houlette de Dominique Pottier, député socialiste de Meurthe-et-Moselle et proche ami de Michel Dinet, et l’aide de Denis Vallance du Conseil général de Meurthe-et-Moselle, pour écrire nos idées dans une langue juridique. La note n° 157 rend compte, en détail du sort de ces 11 amendements lors des débats parlementaires et surtout lors de la première lecture à l’Assemblée Nationale. Six amendements ne franchissent pas la barrière de la commission des lois. Des cinq amendements discutés en séance plénière, un est rejeté, deux sont retirés et deux sont adoptés. Le principal porte sur les Conseils de développement et il résiste aux quatre lectures parlementaires pour finalement constituer l’article 88 de la loi que nous allons analyser maintenant. La Coordination Nationale des Conseils de Développement a joué un rôle majeur dans la rédaction et dans la défense de ce texte.
La note d’analyse Loi NOTRe, partie 3, questions diverses, que nous vous proposons ici détaille l’article 88 sur l’engagement et la participation, puis les délégations ou transferts de compétences des départements aux métropoles (articles 89 et 90) jusqu’aux dispositions transitoires et finales (133 à 136).
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Analyse détaillée loi NOTRe : les intercommunalités
Les intercommunalités se sont multipliées, de manière anarchique depuis les lois de 1990 et 1992, selon les volontés des élus communaux. Le mouvement a connu un succès ample et rapide. L’État a ensuite posé ses obligations pour mettre de l’ordre dans ce système spontané.
Cette note fait le point sur l’achèvement de la carte intercommunale, la réduction du nombre de syndicats, les modifications qui affectent les communes isolées, les communes nouvelles, ainsi que les compétences intercommunales. Enfin, les situations particulières des métropoles d’Aix-Marseille-Provence et du Grand-Paris sont évoquées.
Analyse détaillée de la loi NOTRe : la Région
Contrairement à toutes les prévisions, l’Assemblée Nationale et le Sénat ont réussi à se mettre d’accord le 16 juillet dernier. La loi NOTRe a été promulguée le 7 août 2015 et est parue au Journal Officiel du 8 août. Un recours devant le Conseil Constitutionnel déposé par soixante députés et soixante sénateurs a retardé la promulgation.
Finalement, le Conseil Constitutionnel n’a censuré qu’une mesure concernant les élections des conseillers métropolitains à la métropole du Grand Paris, le 6 août 2015.
De cette loi gigantesque, -93 pages, 136 articles -, et techniquement très complexe, nous vous proposons une analyse aussi synthétique que possible, en trois notes successives dont voici la première.