Retour sur les Rencontres de l’interrogation Démocratique de Kingersheim (2ème édition- mai 2019)

Le maire de Kingersheim, Joseph SPIEGEL est un compagnon de route de l’Unadel. C’est aussi un passionné du fonctionnement démocratique et des expériences qui font sens. Il parle souvent de son expérience locale de la démocratie d’implication. Pour la 2ème année consécutive, il accueille dans sa commune les Rencontres de l’interrogation Démocratique. Jean Maillet, Axel Othelet et Claude Grivel y étaient en 2018. Axel y est retourné cette année avec Citoyens et Territoires-Grand Est. Cora Klein, qui a connu l’Unadel par Odile-Alsace, a accepté de nous faire un petit retour après son passage à Kingersheim et nous propose de nous transformer en crapauds fous.

Un texte de Cora KLEIN

Ambiance chaleureuse et sentiment de communauté lors de la 2ème édition des Rencontres de l’Interrogation Démocratique organisées par la ville de Kingersheim en mai dernier.

On pourrait se dire pourquoi, encore et toujours, échanger sur la démocratie, la co-construction…

Quoi de neuf au final dans ces rencontres ? Paroles de participants : « nous étions enthousiastes à se redire ensemble que les expériences présentées nous font du bien parce qu’elles permettent de montrer que l’humanité, quand on ouvre ses portes, est en capacité de coconstruire, de collaborer ». Un vieux monsieur est revenu aux Rencontres, malgré une prise de parole qui laisse paraître une démotivation: « je voudrais m’excuser, dit-il, j’étais beaucoup engagé dans ma vie. Mais aujourd’hui je suis fatigué et j’ai du mal à y croire encore ».

Est-on dans un optimisme béat ? Non, bien entendu, s’appuyer sur le positif n’empêche en aucun cas de s’intéresser aux questions de fond et notamment la suivante :

Par quoi commencer ? Comment sensibiliser aux démarches collaboratives et de co-construction toute une frange de population non intéressée à priori et pourtant concernée par les défis de la planète ?

Des réponses partagées :

  • Partir des besoins réels des gens, une clé pour réussir à engager les habitants et l’expérience de Solucracy : http://www.solucracy.com/

  • Pour créer du bien commun : L’importance du trans… : transgénérationnel, transfrontières, transculture,… Ne pas hésiter dit Thanh Nghiem à créer des groupes improbables qui travaillent ensemble

« Ne doutez jamais qu’un petit groupe de gens réfléchis et engagés puisse changer le monde. En fait, cela se passe toujours ainsi », cette citation de Margaret Mead fait écho aux propos de Thanh Nghiem, co-fondatrice du mouvement des Crapauds fous, qui préconise la transformation sociale et écologique en partant des idées novatrices portées par des personnes à contre-courant. Elle était l’invitée phare lors des RID ce 10 mai à Kingersheim.

Ce nom des « crapauds fous » est une analogie qui s’appuie sur l’observation de ces batraciens dans leur environnement : lors de la saison des amours, ils vont dans l’eau pour se reproduire et traversent les routes. Certains de ces crapauds font bande à part : des originaux, des fous…, qui inventent de nouvelles voies, et qui sont souvent ceux qui, parce qu’ils ne meurent pas écrasés sur les routes, assurent la survie de l’espèce. Le « Crapaud fou » traduit l’idée que la survie d’une espèce donnée passe par un changement des comportements.

S’appuyant sur cette analogie dans la nature, l’association des « crapauds fous » invite au pas de côté, à penser autrement et à réhabiliter les utopies face aux 3 tsunamis planétaires qu’elle identifie et qui peuvent toucher (mobiliser) beaucoup de monde :

  • Le péril écologique 

  • Le péril démocratique face aux phénomènes de viralité des Fake news et des silos communautaires apparus avec les réseaux sociaux et qui menacent la démocratie. « Une fake new est 6 fois plus virale qu’une information orale : comment lutter contre ce fléau ? »

  • L’Intelligence artificielle susceptible d’échapper à tout contrôle. Les écrans sont partout comment se les réapproprier ?

Il est nécessaire de provoquer un déclic, une prise de conscience et donner des clés pour que chacun puisse devenir acteur de ce nouveau monde qui arrive. Aujourd’hui sur les territoires en France, des « cohortes » de gens s’emparent des problèmes locaux et cherchent des solutions différentes. « Il faut des groupes de fous qui disent que c’est possible ! » s’exclame Thanh Nghiem. https://crapaud-fou.org/

L’association des crapauds fous partage tout ce qui se fait selon cette idée : « Je sais quelque chose qui marche pour moi, pourquoi ne pas le partager avec les autres » : Copier pour faire boule de neige et rendre viral les choses positives ?

Un temps apprenant où les participants ont pu se questionner sur les ressources et les obstacles pour construire une démocratie de participation en partant de leur expérience sous la forme d’histoires apprenantes. Ils n’ont pas hésité à proposer des thèmes ou des projets à explorer ensemble en sous-groupes avec des méthodes du co-développement pour faciliter ce cheminement du « je » au « nous » sur les territoires. Voici quelques exemples de projets ou thèmes :

  • Préparer les élections de 2020 avec l’approche de participant

  • Comment faire reconnaître la vérité aux climato-septiques ?

  • Comment développer le pouvoir d’agir des personnes fragiles ?

  • Comment créer du lien à Kingersheim dans les endroits où cela manque ?

  • Comment un territoire peut-il se mobiliser avec les citoyens sur un projet climatique ?

  • Etc…

Il reste du chemin à parcourir : utopiste et un peu fou, pourquoi pas vous ?

NDLR : si comme Cora KLEIN, vous participez à un évènement, une rencontre, une action en région qui peut intéresser le réseau et les acteurs du développement local, n’hésitez pas à nous proposer vos notes…pour que nous puissions les diffuser dans notre newsletter. Vos analyses, vos contributions peuvent aussi intéresser le réseau.

L’édito de Claude Grivel #1

« Quand tu cherches ton chemin, souviens-toi d’où tu viens » ! Ce proverbe africain souvent cité par Michel Dinet*, nous rappelle l’importance de l’enracinement dans une histoire et des valeurs pour donner sens à une trajectoire de vie ; la vie de celles et ceux qui individuellement ou collectivement partagent des engagements, des projets, des combats parfois, pour construire l’avenir des territoires.

S’enraciner en tenant compte de l’action de celles et ceux qui ont ouvert des portes, tracé des sillons, ne veut pas dire se renfermer sur la certitude que c’était mieux avant.  Mais pour savoir où l’on va, il faut pouvoir se dire d’où on part et trouver des modes de faire adaptés à l’époque et à une société dont les processus de changement s’accélèrent. On connaît désormais la finitude du monde et les risques que les humains font courir à la survie de la planète. On connaît aussi l’avidité d’une économie essentiellement financière, peu préoccupée du bien-être collectif, de la réduction des inégalités et de l’injustice et pas davantage de la survie de la biodiversité. Pourtant quand la planète Terre aura implosée, les banquiers et les spéculateurs pourront-ils s’offrir une arche spatiale pour aller reconstruire une vie et une monnaie sur Mars ?

Le développement local c’est d’abord une forme de résistance, de résilience. C’est aussi la conviction que les vraies richesses ne sont pas dans le coffre des banques ou de la dizaine de milliardaires qui possèdent 99% de la fortune du monde.

La résistance naît souvent d’une indignation, d’une agression subie et de crises d’origines multiples. Elle s’organise en réseau sur la base d’une prise de conscience : nous ne sommes pas seuls à vivre la même chose. Le renoncement n’est pas une fatalité, la soumission à l’adversité n’ouvre aucune fenêtre.  Des femmes et des hommes de toutes origines et de toutes conditions retroussent les manches  et choisissent la créativité, l’imagination et l’intelligence collective pour entreprendre et trouver des voies d’avenir.  « Seul, on va plus vite, mais ensemble on va plus loin… ».

Depuis 26 ans désormais, dans les pas des pionniers du développement rural ou de l’éducation populaire, dans les villes, les quartiers de banlieues ou les villages, l’Unadel est à l’écoute des innovations sociales et des constructions démocratiques originales ; celles qui ont fait émerger la coopération intercommunale et toutes les formes de participation à la gouvernance des territoires et des communes en mobilisant les citoyens de tous horizons, habitants, jeunes ou plus âgés, élus associatifs ou élus locaux, bien décidés à inventer de nouvelles formes de développement plus respectueuses des personnes et de l’environnement, dans une République démocratique décentralisée et reliée au monde.

Il s’agit aujourd’hui comme hier de favoriser la mise en mouvement des acteurs locaux. Chacun a un rôle à jouer pour faire ensemble société.

Être à l’écoute des territoires et de leurs animateurs, capitaliser les expériences, contribuer à la formation et à l’émancipation des citoyens acteurs en soutenant l’ingénierie de projet et d’animation transversale et globale du quartier, de la ville, de la commune ou de territoires plus vastes, organisés et reliés, c’est la vocation de notre très modeste association des acteurs locaux mais pas seulement. L’Unadel est aussi reliée à d’autres au sein d’un véritable écosystème.

Alors que la communication prend désormais la place de l’information voire de la politique, l’Unadel se doit de mieux faire connaître ses réflexions, ses productions ou celles des réseaux proches avec lesquels elle agit. Ce nouveau support doit aussi faire lien entre nous et donner envie de communiquer sur les expériences de terrain que vous avez à connaître.

N’hésitez pas à diffuser et à faire connaître cette lettre et à devenir contributeur ou contributrice. Le réseau existe grâce à vous. Participez à écrire le récit du développement local.

Claude Grivel

Président de l’Unadel

* Michel Dinet, président fondateur de l’Unadel, décédé brutalement en 2014

Rapport Lebreton : une nouvelle ambition territoriale pour la France en Europe

Durant plusieurs mois, à la demande du Premier ministre Manuel Valls en juin 2015, Claudy Lebreton, Marjorie Jouen et Clara Boudehen se sont attelés à la tâche de réfléchir à la concrétisation d’une nouvelle politique d’aménagement et de développement durable des territoires de France dans une perspectives de renforcement de l’Union européenne.

Pour réaliser ce travail, la mission a auditionné de nombreux acteurs du monde politique, universitaire, social, économique, associatif et a mobilisé pratiquement 400 internautes grâce à la plateforme numérique Parlement & Citoyens.

Nous vous proposons de découvrir le rapport final, remis au Premier Ministre le 3 juin dernier.

loi NOTRe : la participation encore à défendre

La loi NOTRe a été votée le 10 mars en première lecture à l’Assemblée Nationale. Les amendements soutenus par le groupe interassociatif dont l’Unadel est partie prenante ont été défendus pied à pied par Dominique Potier, député (PS) député de la 5ᵉ circonscription de Meurthe-et-Moselle. Bilan d’étape.

Sur les amendements proposés par le groupe de travail interassociatif, défendus par le député Dominique Potier, un nouveau chapitre est ouvert, Engagement citoyen et participation.

Au final, deux amendements – n° 1407 sur les missions d’information et d’orientation et n° 1412 sur les mesures d’assouplissement aux conseils de développement- ont été adoptés sur neuf proposés par le groupe. Certains pourront avoir une suite en seconde lecture.

Irrecevabilité. Six amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, qui dispose que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ».

Il s’agit de ceux portant sur l’allégement de normes pour les projets citoyens, l’extension des conseils de développement à tous les EPCI de projet, l’observatoire, la mise en ligne du rapport d’activité, la compétence éducation populaire, les lieux d’accueil de porteurs de projets citoyens.

L’amendement portant sur le compte rendu de mandat a été rejeté.

Deux amendements encore à l’étude

Deux amendements ont été retirés et font l’objet d’engagement de réflexion par la Ministre:

– celui sur le Projet de territoire : la Ministre s’est engagée à travailler sur l’idée d’un remembrement projet-planification dans les intercommunalités.

– celui portant sur les subsidiarités des compétences : engagement de la Ministre à faire une proposition pendant la navette parlementaire.

Enfin, la Ministre s’est engagée, en dehors de l’hémicycle, à travailler sur l’amendement portant sur l’extension des Conseils de développement à toutes les communautés de communes.

Les principaux amendements significatifs du groupe interassociatif sont tombés. L’Unadel constate le retour de la dimension très restrictive et normée de la « participation » dont le but est de s’extraire. Rendez-vous est pris à la seconde lecture.

Blanche Vandecasteele