L’alliance des territoires au service des transitions : retour sur le colloque du 18 juin à Rennes
Sabine Hutareck et Valérian Poyau, de l’Unadel, ont participé au Colloque national « L’alliance des territoires au service des transitions / Urbain, périurbain, rural / Dialoguer, expérimenter et agir ensemble » organisé par le le Pôle métropolitain Loire-Bretagne le 18 juin 2019 à Rennes.
Dans le contexte de crise et fractures sociales qu’a connu le pays (mouvement des gilets jaunes), il y a un retour vers le local et le renforcement des coopérations entre les métropoles et leurs territoires environnants engagés depuis deux ans.
Certains éléments énoncés sur les métropoles sont infondés :
- il n’y a aucun effet mécanique/automatique au ruissellement des métropoles vers les autres territoires. Le modèle de développement territorial équilibré est d’abord volontariste et ne doit pas être descendant,
- le fait que les métropoles capteraient toutes les richesses même si l’emploi qualifié est effectivement concentré dans les métropoles. Le taux de chômage est plus élevé dans la métropole de Rennes qu’à ses portes. Les métropoles concentrent les quartiers prioritaires au titre de la politique de la ville.
Il faut bâtir des coopérations dans un rapport gagnant/gagnant via les nouveaux enjeux liés aux nouvelles transitions (les sociétés post carbone, les mobilités à une plus grande échelle). Il faut également prendre en compte la réalité des besoins des habitants, faire confiance au local, avoir conscience du défi climatique et ne pas oublier la dimension économique et sociale.
Le local est le lieu de toutes les expérimentations et coopérations sectorielles autour de dispositifs et/ou processus (comme le plan climat-air-énergie territorial), démarches de développement durable, gouvernance polycentrique à l’œuvre autour des communs, dans l’économie sociale et solidaire….
La coopération localisée reste un chantier prometteur mais émergent : il y a encore beaucoup de freins à ce qu’elle se développe massivement (opposition urbain/rural, fief à tenir, peur de perdre du pouvoir, des prérogatives…).
Il y a un lien justice sociale/justice spatiale. La question d’équité territoriale se pose en France car notre État keynésianiste a fracturé spatialement les territoires. Il est nécessaire de mettre en œuvre des gouvernances horizontales à l’inverse de notre culture verticale. Cela ramène aux questions d’organisation de l’État et où l’on situe la justice sociale.
En conclusion sur ce thème : pour réussir les coopérations/alliances entre les territoires, il faut
- faire évoluer les mentalités (la peur de la grande ville qui « mange » les petits territoires),
- établir un rapport d’égalité entre les élus quel que soit la nature et taille de leur territoire,
- se donner du temps pour se rencontrer et travailler ensemble,
- prévoir des temps réguliers de travail en commun,
- ne pas oublier que si la notion de dialogue est importante, les objectifs communs que l’on vise, le sont aussi,
- se donner le doit à l’expérimentation et ne pas oublier que l’on expérimente,
- faire une place aux citoyens, qui reste à inventer,
- évaluer les politiques publiques.
Les territoires évoqués en exemple :
- le Pays de Retz et Nantes Métropole,
- Angers Métropole et le pôle Métropolitain Loire/Angers,
- la Région Bretagne et la Breizh Coop,
- les Mauges,
- le Pays de Vitré,
- Brest Métropole,
- les villes de Rennes et Nantes.
Grand Est #2 / Rencontre avec avec Xavier Loppinet (Colombey-les-Belles et Sud Toulois)
Xavier Loppinet est directeur de la Communauté de Communes du Pays de Colombey-les-Belles et du Sud Toulois. Sylvain Adam, délégué national de l’Unadel, a pu le rencontrer à Colombey-les-Belles le 25 février 2019.
Sylvain Adam, pour l’Unadel / mars 2019
Durant notre entretien, Xavier Loppinet revient sur l’histoire du développement local de ce territoire depuis 40 ans. Une multitude de projets ont pu naître et cette dynamique est toujours bien vivante, avec notamment les créations récentes d’un centre de retraitement textile et de « la Fabrique », entreprise à but d’emploi du dispositif « territoire zéro chômeur de longue durée ». Comment garder le cap et porter des projets qui font sens (à la fois pour la démocratie, l’emploi, l’écologie, le culturel, la santé, la solidarité…) dans un contexte global marqué par un manque d’horizon commun et désirable, une technicisation croissante et un éloignement entre institutions et habitants ?
La nécessité de contrer l’exode rural
La démarche intercommunale est ancienne ici, elle date de 1978. Élu au Conseil général de Meurthe et Moselle, Michel Dinet lance une démarche de diagnostic territorial et publie un livre blanc (un livre noir !) avec écrit sur la première page « Votre canton est en train de mourir, le savez-vous ? ». S’ensuit une série de rencontres qui vont préciser des axes prioritaires d’intervention pour contrer la désertification de ce territoire rural. A partir de cette étape naissent une multitude d’initiatives : aide à la reprise d’exploitations agricoles, développement d’une offre en d’habitat locatif en milieu rural, organisation d’événements culturels pour développer le vivre ensemble, création de l’association « Avenir et défense du canton de Colombey », mise en place de services pour les personnes âgées…
Dès le début des années 80, l’intercommunalité se structure sous la forme d’un SIVOM (syndicat intercommunal à vocations multiples, qui s’appellera EPCI, Établissement public de coopération intercommunale et deviendra plus tard communauté de communes). Les groupes de travail mis en place incluent des habitants du territoire et les décisions sont prises par celles et ceux qui participent à ces groupes de travail, pas uniquement par des élus.
Des projets plutôt que de la gestion
Aujourd’hui la Communauté de communes est constituée de 38 communes (en Meurthe et Moselle et Vosges) et de près de 12 000 habitants. Même si Michel Dinet a passé la main en 1998, la dynamique de développement local est toujours bien présente, avec le souhait de trouver un équilibre entre l’adaptation nécessaire aux contraintes réglementaires et l’évolution de la société tout en restant en continuité avec l’esprit d’origine. Colombey tente ainsi de rester un territoire de projets plus qu’un territoire de services.
Parmi les projets structurants depuis les années 1990, on peut citer :
– la MARPA (Maison d’accueil rurale pour les personnes âgées, étendue aujourd’hui avec une unité Alzheimer) ;
– deux crèches intercommunales et bientôt trois;
– trois maisons de santé,
– un Relais Familles (lieu d’écoute parents-enfants et relais d’assistances maternelles ainsi qu’un projet de mobilité solidaire avec transport bénévole ;
– un ESAT (Établissements et services d’aide par le travail) avec une soixantaine de travailleurs handicapés ;
– un Centre Européen de Recherches et de Formation aux Arts Verriers avec, en plus des activités de formation et de recherches, un Fab Lab, un lieu d’hébergement et de restauration ainsi que de sensibilisation du public (à Vannes-le-Châtel, à côté de la Compagnie Française du Cristal Daum) ;
– un centre de tri textile ;
– une agence de développement économique Terres de Lorraine (Pays) avec l’accompagnement des porteurs de projets et l’aide pour l’immobilier d’entreprise ;
– trois compagnies de théâtre professionnelles avec une grosse programmation culturelle, une trentaine de spectacles par an et un festival de contes…
Pour que la Communauté de communes reste dans le développement et le travail partenarial, la gestion de chacun de ces lieux et projets est en général confiée à d’autres structures (les groupements d’intérêt public pour les crèches, la MARPA, et l’ESAT ; Familles rurales pour le Relais familles, des associations…). L’opération programmée d’amélioration de l’habitat, en direction des propriétaires bailleurs et occupants, est en revanche animée en interne.
La vitalité en milieu rural
Cette dynamique a permis de stopper l’exode rural : en perte de population en 1978 à l’arrivée de Michel Dinet, la Communauté de communes est désormais attirante. L’accroissement de sa population est ainsi deux fois supérieur à celui du département.
De réputation internationale, Le CERFAV (Centre européen de recherches et de formation aux arts verriers) par exemple est un attracteur puissant.
Le travail partenarial se traduit par une habitude de « se causer » même si on n’est pas toujours d’accord et permet de continuer d’exister avec une petite taille, en conservant ses spécificités. C’est aussi ce qui permet de surmonter des difficultés souvent rencontrées en milieu rural : ici les maisons de santé ouvrent alors qu’ailleurs elles ont tendance à fermer.
En contrepoint, ces réussites n’éclipsent pas totalement des tendances lourdes : le repli sur soi et le sentiment d’abandon continuent d’exister. On manque d’un horizon qui fait rêver à l’échelle planétaire et européenne et l’État est désormais plus dans un rôle de sanction que d’accompagnement. Sur l’entretien des routes par exemple, le laisser faire entraîne une dégradation visible (la facture sera salée si rien n’est fait) et une perte de savoir-faire. Pour la Communauté de communes, la mise en place de projets est de plus en plus complexe avec la lourdeur bureaucratique des dossiers à monter et la raréfaction des financements.
Le rôle d’animateur et de médiateur
Le directeur de la Communauté de Communes est à l’interface entre les élus et les techniciens. Il participe à entretenir la dynamique de développement local qui existe ici depuis trente ans. Ce n’est pas toujours simple : une fois que beaucoup de choses ont été mises en place, la nouvelle idée qui surgit n’est plus exceptionnelle. Michel Dinet disait à ce propos que “l’on remarque plus une fleur qui pousse dans le désert qu’un arbre dans une forêt “.
Il faut toujours être vigilant pour ne pas s’enfermer dans une logique de gestion, qui prend de fait de plus en plus de temps. Le principe de contractualisation avec l’État par exemple n’est pas mauvais en soi, mais on assiste bien à une « technocratisation » des dossiers : le remplissage monotone d’une série de cases et d’objectifs au détriment du fond. Dans ce contexte de déshumanisation, il est impératif de garder du temps pour l’innovation et la mobilisation de l’ensemble des habitants et acteurs du territoire.
Ainsi, le festival de contes s’appuie sur des groupes de lecture très dynamiques et mobiles. Sur le sujet de l’habitat et de l’urbanisme, un gros travail est fait en lien avec les référents habitat de chaque commune pour repérer les logements vacants, et inciter à lancer des travaux de rénovation et les remettre sur le marché. L’expérimentation « Territoire zéro chômeurs de longue durée » mobilise aussi de nombreuses personnes, autour de la Fabrique à Bulligny. L’intuition qui prévaut de partir des compétences des gens pour un retour durable à l’emploi est une bonne logique qui s’inscrit pleinement dans la philosophie du développement local.
Le lien entre l’intercommunalité et les mairies des 38 communes fonctionne bien, au moins dans 80 % des cas. Il permet notamment la mutualisation des services. Peu importe aux habitants de savoir qui a initié tel ou tel projet, du moment que ces projets voient le jour. Avec la région, le lien est quant à lui plus distendu depuis l’émergence de la nouvelle Région Grand Est : au lieu des déplacements à Metz, il faut désormais se rendre à Strasbourg, ce qui prend plus de temps. Cette nouvelle région regroupe trois anciennes régions (Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne) aux fonctionnements très différents, avec un nouvel équilibre à construire : on est toujours en phase de transition. Le chantier le plus tangible aujourd’hui est la connexion à venir de tous les foyers à la fibre optique.
Le développement local, passé et avenir
Aujourd’hui le développement local n’est plus forcément repris dans les politiques publiques (l’intitulé de la nouvelle Agence nationale met heureusement en avant la « cohésion territoriale » et non la « compétitivité des territoires » comme ça a été le cas à une époque). Faut-il garder ce terme et ce qu’il renferme ou le déconstruire et se battre autrement ? En tout cas, la philosophie est toujours là et les initiatives attirent le grand public et les média : en témoigne le succès de l’Entreprise à but d’emploi (EBE) « De laine en rêves » qui permet de nouvelles embauches et la valorisation de la laine locale, auparavant bradée sur les marchés asiatiques, pour la fabrication locale de matelas. Ce projet a du sens !
La communauté de communes du Pays de Colombey-les-Belles et du Sud Toulois a prouvé qu’il était possible de faire beaucoup avec peu de moyens, à condition de se retrousser les manches et de mouiller collectivement sa chemise. C’est avant tout dans les territoires aux ressources financières limitées, que ce soit en ville ou dans les secteurs ruraux, que le développement local s’est le plus développé.
Nouvelles communautés de communes XXL : la fin du développement local rural ?
Par François Tacquard, président de la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin (13 000 habitants et 15 communes). Directeur d’un bureau d’études en développement rural qui a accompagné la création et /ou le développement de plus de 100 communautés de communes rurales dans toute la France.
Partout en Europe, les petites communes se sont regroupées pour développer de nouveaux services. L’attachement à l’échelon communal en France a conduit à des regroupements intercommunaux, préservant ainsi l’échelon communal. L’évolution législative actuelle vient bousculer le bon exercice démocratique qui existait jusqu’alors.
Dans l’Europe de l’après-guerre, les habitants des campagnes ont souhaité bénéficier des services modernes, comme dans les villes : de l’eau potable, des services à l’enfance, de la culture, etc. Mais les petites communes rurales ne pouvaient y répondre. Aussi, presque partout en Europe, les États ont obligé les communes à fusionner en ensemble de 5 000 à 15 000 habitants. Sauf en France, où l’attachement des habitants à leurs petites communes rurales a bloqué les fusions. L’État a donc encouragé les regroupements intercommunaux, seuls aptes à créer ces nouveaux services. Les premiers syndicats de communes ont été créés dès les années 1950. Mais c’est surtout à partir des années 1980, avec la décentralisation, que des syndicats d’aménagement et de développement (devenus plus tard communautés de communes) ont organisé la vie locale. Ce mouvement, puissant, a été apprécié par les ruraux qui voyaient une chance pour le développement local. Il s’est organisé sur des espaces de taille restreinte, les bassins de vie ruraux, avec de 10 à 40 communes rassemblant de 5 000 à 20 000 habitants, polarisées en général autour d’un bourg-centre où se trouvent le collège et le supermarché. Les habitants, qui fréquentent les mêmes services communs, s’y reconnaissent.
Vivre et travailler au pays
Dans ces territoires de taille restreinte, le slogan « vivre et travailler au pays » a été mis en pratique par des élus militants et des groupes d’habitants engagés. Des centaines de projets économiques, sociaux et culturels ont été mis en œuvre et ont changé la vie des habitants. Tout cela avec une bonne démocratie territoriale, les petites communes ayant presque autant de voix que les grandes, ce qui obligeait à un très grand consensus. Les 22 régions de France, collectivités à part entière à partir de 1982, ont puissamment appuyé ce mouvement. Cette révolution des campagnes a commencé à s’affaiblir à partir des années 2000, avec l’affaiblissement du mouvement du “développement local” et une certaine technocratisation départementale et régionale.
Une évolution législative peu démocratique
Mais c’est surtout les lois récentes, portées à priori par de bons sentiments, qui vont dans le sens contraire d’une bonne organisation du milieu rural.
Pour favoriser théoriquement une meilleure démocratie représentative, il faut à présent que le nombre de délégués des communes corresponde à la taille de la population, ce qui déstructure la démocratie territoriale : 3 à 4 grandes communes sur 20 peuvent à elles seules prendre des décisions contre l’avis des autres. Le consensus n’est plus nécessaire : le clientélisme et les baronnies peuvent s’exprimer ! Et des portions de territoire n’ont plus droit à la parole.
Pour corriger la faible taille de certaines communautés de communes et parfois leur incohérence géographique, la loi oblige maintenant à faire des regroupements minimums de 15 000 habitants (5 000 habitants en zone de montagne). Ainsi, par exemple, une communauté de communes de 10 000 habitants en plaine, qui fonctionne bien et qui mutualise de plus en plus de services communaux, se voit obligée d’intégrer une grande communauté d’agglomération, où elle n’est qu’un « hinterland ».
Des regroupements « poids lourds » encombrants
Encore plus grave, dans certains secteurs, la commission départementale de coopération intercommunale a poussé à la création d’énormes communautés de communes rurales (XXL), rassemblant entre 80 et 120 communes pour dépasser les 50 000 habitants, avec le prétexte « d’avoir un poids dans la Grande Région ». Le pouvoir y sera probablement concentré aux mains de quelques « barons locaux » et les petites communes seront marginalisées. Il faudrait créer une nouvelle administration, coûteuse, pour gérer ces grands espaces. La mutualisation croissante des services communaux, constatée jusqu’à présent dans les communautés rurales, s’arrêtera : les communes seront réticentes à donner de nouvelles compétences à ces grands ensembles lointains. Et il faudra au contraire recréer des syndicats intercommunaux locaux pour gérer ce qui n’intéresse que quelques communes. Et l’investissement bénévole de nombreux élus sera découragé ! Quant aux habitants, ils ne se reconnaîtront plus dans ces très grands espaces.
Bref, tous les avantages de la révolution intercommunale rurale des années 1980 s’affaibliront. Et le spleen des campagnes continuera à s’accroître. Tout cela suite à de bonnes intentions qui méconnaissent les réalités locales. C’est désolant ! J’en appelle à un sursaut d’intelligence territoriale et à moyen terme de l’avenir du rural. Cela est encore possible. F.T. 15062016
Ne pas confondre bassin de vie rural et bassin d’emploi
Le bassin du vie rural est une réalité géographique évidente, dont l’abandon comme base des communautés rurales est une grande erreur. Les études de l’Insee le montrent bien, l’échelon moderne pour servir la population rurale est le bassin de vie rural, comprenant de 10 à 40 communes, polarisé autour d’un bourg centre ou d’une petite ville, où se trouvent en général un supermarché, un collège et d’autres services courants. C’est à cette échelle que, spontanément, se sont organisées la plupart des communautés communes. Les habitants s’y connaissent parce qu’ils fréquentent beaucoup d’équipements communs, comme l’école de musique, le gymnase, la médiathèque etc. Il y en a plus de 1 200 dans la France rurale, hors des grandes agglomérations. C’est le canton du 21e siècle. Le bassin d’emploi a une taille beaucoup plus grande. Il comprend de 60 à 150 communes, polarisées autour d’une ville moyenne, et offre des services structurants comme le lycée et l’hypermarché. La ville concentre beaucoup d’emplois et donc structure les déplacements domicile travail (et les besoins en transport). La création, à, partir de 1990, des syndicats de « Pays », rassemblant trois à six communautés de communes rurales, a tenté d’organiser cette deuxième échelle, très différente : les questions de transport, de formation et d’emploi, de promotion économique et d’aménagement du territoire (dont le Scot) y trouvent leur place évidente. Il y a 300 bassins d’emploi en France, hors de la région parisienne. C’est l’arrondissement du 21e siècle.
Il est vrai que les syndicats de « Pays » ont du mal à exister face à la dynamique forte des communautés de communes rurales, qui n’y délèguent que des compétences légères, comme, par exemple, le plan climat énergie. Mais organiser des communautés de communes rurales à une telle grande échelle, c’est abandonner la dimension de proximité des habitants qu’offre le bassin de vie rural.
Le nouveau zonage en bassins de vie de 2012 par Chantal Brutel, division Statistiques régionales, locales et urbaines et David Levy, pôle Analyse territoriale, Insee.
En France, les bassins de vie sont définis comme les plus petits territoires au sein desquels les habitants ont accès aux équipements et services les plus courants. C’est dans ces contours que s’organise une grande partie du quotidien des habitants. En 2012, 1 666 bassins de vie structurent le territoire national, dont 1 287 sont qualifiés de ruraux au sens des critères adoptés par la Commission européenne. Les bassins de vie ruraux sont naturellement plus étendus et moins densément peuplés que les bassins de vie urbains ; les équipements y sont moins variés. C’est pourtant dans ces bassins que la population a le plus augmenté au cours de la dernière décennie.
La France a mis en œuvre (jusqu’il y a peu) une organisation originale du territoire rural.
Presque tous les pays d’Europe ont obligé leurs communes rurales à fusionner en des ensembles de taille suffisante pour développer des services modernes à la population. La France a choisi un modèle original qui a le mérite d’allier efficacité et « démocratie communale de proximité ». Les 32 000 communes rurales, animées par près de 500 000 conseillers municipaux, se sont groupées dans des communautés de communes, capable de développer des services nouveaux. La démocratie locale y est restée vive grâce à ce réseau d’élus locaux, mais également de citoyens militants qui trouvent un appui à leurs projets dans les communautés de communes, dotées d’une bonne puissance technique et financière. Les agents de développement animent le territoire, riche acteurs voulant « vivre et travailler au pays », très nombreux à partir des années 1980. Incitées par des mécanismes financiers (le fameux CIF, coefficient d’intégration fiscale), les communes ont progressivement transféré des compétences techniques aux communautés, ce qui a permis de rationaliser une partie des services locaux. Certes, le mouvement est aujourd’hui inachevé puisque des compétences importantes et coûteuses, comme la voirie et l’école primaire, restent souvent communales. Comme le rappelle chaque année la Cour des Comptes, il faut continuer à rationaliser l’action publique locale pour éviter les surcoûts importants constatés aujourd’hui. De mon point de vue, il faudrait aller au bout de la logique en confiant à la communauté de communes la gestion de l’ensemble des services locaux, tout en préservant le rôle du maire et de ses conseillers dans l’animation du tissu local, ce qu’ils font très bien.
La création de très grandes communautés de communes rurales XXL va à l’encontre ce mouvement. Les maires ne souhaiteront plus donner de nouvelles compétences à des énormes structures lointaines, gérées par une technocratie puissante. Au contraire, la tentation sera forte de préserver dans son pré carré le maximum de compétences. Il faudra créer de nouveaux SIVU pour gérer les problèmes locaux. Et l’investissement personnel de nombreux élus ruraux, source d’économies observées dans les communautés de taille raisonnable, sera inhibé dans ces grands ensembles.
Les premières communautés de communes rurales ont mis en place un modèle de gouvernance « horizontale», favorisant les initiatives de développement local. Ce modèle est aujourd’hui en cours de disparition.
Les lois de 1992 et de 1999, incitant à la création des communautés de communes, ont laissé beaucoup de liberté aux territoires pour leur organisation politique, avec en particulier une grande marge quant au choix du nombre de délégués des communes. Pour rassurer les petites communes, la plupart des communautés ont fondé des « pactes de gouvernement » très « horizontaux » : les grandes communes avaient à peine quelques délégués de plus que les petites, ce qui obligeait à un consensus pour toutes les décisions. Chaque maire était représenté au Bureau où se pratiquait une grande concertation. Le président n’était que le premier parmi ses pairs. Souvent, les conseils municipaux envoyaient à la communauté de communes des délégués innovants (et même remuants), motivés par les projets intercommunaux, qui avaient donc une position d’influence. Ces derniers ont favorisé de nombreux projets de développement local, en général en collaboration avec des groupes de « citoyens amis », eux-mêmes imprégnés de la culture du « vivre et travailler au pays », très présente dans les années 1970/1980. C’est ainsi qu’ont été créés des services à l’enfance, des projets d’agriculture de circuits courts, des espaces culturels, etc. La campagne s’est mise à bouger !
Ce modèle vertueux est en train de disparaître aujourd’hui, au nom de la démocratie représentative et d’une augmentation déraisonnable de la taille de certaines communautés. La loi oblige à présent à prévoir un nombre de délégués presque proportionnel à la population de chaque commune. Les grandes communes qui peuvent avoir jusqu’à 10 fois plus de délégués que les petites communes, qui n’en n’ont plus qu’un seul, le maire, désigné automatiquement. Les petites baronnies en sont favorisées puisque quelques grandes communes peuvent prendre le pouvoir à elle seules ! Et les délégués innovants disparaissent du circuit ! Dans les très grandes communautés de communes rurales, la nécessaire technocratie se trouve bien loin des citoyens porteurs de projet. Eux-mêmes ne reconnaissent plus comme proches ces institutions. C’est la fin du développement local, pourtant jamais aussi nécessaire dans les campagnes qui ont souvent le spleen, faute d’un avenir lisible. La crise grave que vivent les paysans gestionnaires de l’espace rural, mais également les postures de plus en plus juridiques et technocratiques des institutions supérieures, amplifient le désarroi. Et finit d’achever le développement local./h5>
Loi NOTRe : compromis difficiles en vue
Le projet de loi relatif à la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe), adopté en 1ère lecture par le Sénat le 27 janvier dernier, est à nouveau dans le camp des députés. Son adoption définitive est prévue avant l’été.
Quels impacts le passage au Sénat a-t-il eus sur le texte ? Que peut-on espérer en termes de décentralisation et de gouvernance, alors que les élections départementales se profilent ? Interview croisée de Georges Gontcharoff, qui suit la réforme depuis 2008 et de Claude Grivel, président de l’Unadel.
Selon vous, ce texte atteint-il ses ambitions en matière de clarification des compétences et de renforcement du fait régional ?
Georges Gontcharoff : le marathon législatif est loin d’être terminé. La première lecture devant le Sénat a complètement défiguré le projet du gouvernement. La commission des lois a fait…la loi ! On ne sait pas ce que cela va donner, ces jours-ci, devant une Assemblée nationale plus frondeuse que jamais. Répondre à cette question serait répondre à celle de savoir si le gouvernement a encore une majorité devant le Parlement.
Manuel Valls a fait preuve d’un autoritarisme croissant. Sera-t-il intraitable sur ce dossier ou lâchera-t-il du lest ?
Le gouvernement a déjà beaucoup reculé principalement sur la disparition des départements annoncée en premier. Puis, de déclaration en déclaration, il a édulcoré son projet, pour finalement y renoncer. L’évaporation des départements n’est plus à l’ordre du jour. À la lecture des débats, on peut dire que le gouvernement n’a pas résisté à l’assaut des départementalistes (il y en a beaucoup chez les socialistes), mais qu’il a, à peu près, préservé son projet sur les régions.
Néanmoins des éléments auxquels tenait le gouvernement semblent acquis, dans cette loi ou dans les précédentes : le nombre de régions a été réduit, les régions ont été renforcées dans leurs compétences de développement économique et d’aménagement du territoire, les métropoles “ordinaires” ont été mises en place le 1er janvier 2015, la clause de compétence générale devrait être supprimée pour les départements et les régions, en dépit des moqueries sur les revirements successifs des socialistes.. Mais il reste encore de grosses choses à faire passer.
Claude Grivel : En effet, ce qui est clair, c’est qu’il n’y aura pas de suppression d’une couche du soit disant mille-feuille, mais bien le maintien des différents niveaux d’organisation territoriale avec la réalité nouvelle des métropoles et des communes nouvelles. La répartition des compétences entre État, régions et départements sera-t-elle totalement clarifiée ? Si la suppression de la clause de compétence générale est maintenue pour les deux niveaux, cela posera le problème du financement de tout ce qui ne figure pas dans le champ des compétences expressément dédiées. La question du renforcement du fait régional en matière stratégique et économique reste d’actualité. Mais comment cela se traduira à l’échelle de la proximité dans les grands espaces régionaux constitués ? La loi ne pourra pas tout dire de la réalité vécue qui déboussole plus d’un élu et qui éloigne encore un peu plus les citoyens de la sphère publique.
Quels sont les principaux amendements adoptés par la commission des lois ?
GG : La commission des lois du Sénat a déshabillé le projet gouvernemental. Les points principaux sont les suivants.
Le Sénat ne veut pas que l’on confie des compétences gestionnaires aux régions en les retirant aux départements. Les transports scolaires, les collèges, les routes départementales, le tourisme sont des compétences de proximité qui sont nécessairement mieux traitées par les départements que par les régions. D’ailleurs, sur tous ces points, la gestion des départements est, dit-on, exemplaire et cela serait aberrant de les leur retirer. Par ailleurs le Sénat pense que les régions doivent être chargées de missions stratégiques, prospectives, au travers des schémas qu’elles élaborent. Leur confier des tâches gestionnaires serait alourdir les régions et les empêcher de mener correctement leurs missions à plus long terme. Par exemple, il faudrait mieux confier les lycées aux départements que les collèges aux régions.
Le Sénat reste très réticent à tout ce qui pourrait ressembler à une tutelle de la région sur les collectivités territoriales infrarégionales. Il tient farouchement à la libre administration des collectivités et rechigne donc devant des notions telles que “le chef de filat”, le caractère prescriptif des schémas régionaux, le moindre pouvoir règlementaire donné aux régions. Bref, le Sénat reste farouchement jacobin. La République est une et indivisible, même si son organisation est décentralisée. Donner trop de pouvoir aux régions, c’est s’acheminer dangereusement vers le modèle des Länder et, par conséquent instiller un fédéralisme intolérable dans les institutions de la République.
Le Sénat refuse catégoriquement que le seuil minimal pour les intercommunalités soit porté à 20 000 habitants. Si ce seuil est parfois pertinent en zone urbaine, il est intolérable en zone rurale et principalement en zone de faible densité démographique et en zone de montagne.
D’une manière générale le Sénat s’est montré, une fois de plus, comme un grand défenseur de la ruralité et accuse le gouvernement d’abandonner cet espace au profit du tout urbain.
Bien entendu, le Sénat reproche au gouvernement de ne pas dire, simultanément, quels sont les moyens financiers, fiscaux, humains des collectivités territoriales pour leur permettre de gérer correctement les compétences réorganisées. Il ne faut jamais oublier que le débat se déroule sur fond de restrictions budgétaires que les sénateurs ne cessent de dénoncer. Le gouvernement peut-il repousser éternellement la réforme en profondeur de la fiscalité locale ?
Il a promis une réforme de la Dotation Globale de Fonctionnement qui en a bien besoin pour l’année prochaine.
Quels sont les points de vigilance, ceux à améliorer ?
GG : Tous les points qui viennent d’être énumérés vont devoir être surveillés lors du débat devant les députés. Des points de blocage très forts rendent difficiles des compromis. Mais sur d’autre points, il est certain qu’une discussion ouverte pourrait permettre des améliorations : définition plus claire de la proximité, rôle assigné à l’intercommunalité (sont-elles seulement des instruments entre les mains des communes, et donc des établissements publics, ou admet-on qu’elles glissent peu à peu vers un statut de collectivités territoriales, avec l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct, afin de répondre enfin à l’émiettement communal ?) La majorité des élus de droite comme de gauche sont communalistes (et départementalistes) et veillent farouchement à ce que la commune soit totalement préservée. Le Sénat représente cette tendance puissante.
On peut aussi progresser sur la manière de coordonner l’action des différents niveaux de collectivités pour mettre les politiques locales d’action publique en cohérence et pour réaliser des économies.
CG : Nous avons travaillé au sein des réseaux associatifs à l’introduction dans la loi NOTRé d’un chapitre « Dinet » suite aux démarches qu’il avait initiées en direction du gouvernement et du président de la République pour que le volet participation et engagement citoyen renforce et ré enchante la République et le fonctionnement démocratique. Ce chapitre ne figure pas dans le texte de loi. Il n’est pas certain que les députés soutiendront les amendements qui seront proposés et d’ores et déjà signés par une trentaine de députés entrainés par ceux de Meurthe et Moselle et particulièrement par Dominique Potier. Or le secteur associatif attend un signe fort dans ce domaine. L’Unadel et la coordination des conseils de développement ont plus particulièrement portés des amendements qui réaffirment le rôle et l’extension souhaitable de conseils de développement indépendants dans les territoires de projet et pas seulement dans les métropoles et les PETR. D’autres amendements devraient aussi être proposés pour renforcer le pouvoir d’agir des citoyens et être associé aux décisions publiques.
L’esprit du projet de loi tient-il compte des spécificités des territoires ?
CG : La loi ne peut pas tout dire, mais elle peut inciter à traiter de manière plus équitable l’ensemble des territoires sans renforcer ce qui les sépare. Il n’est pas certain que la loi NOTRé réduira les écarts et les inégalités territoriales, notamment parce qu’elle n’aborde pas les aspects de la fiscalité et renforce le traitement catégoriel des collectivités (sur la base de critères de population notamment) sans interroger sur les fonctions et les usages des différents types de territoires.
GG : Un gros dossier est aussi constitué par la différenciation institutionnelle. Le jacobinisme veut que l’on n’ait qu’un seul modèle institutionnel et que tout le monde fasse partout pareil. Depuis un certain temps on a commencé à explorer des modèles spécifiques à certains territoires : les départements d’outre-mer, la Corse, la métropole de Lyon… Faut-il poursuivre dans ce sens et admettre que les élus peuvent inventer eux-mêmes des gouvernances mieux adaptées à leurs spécificités ? Autrement dit, le mouvement ascendant et la subsidiarité pourront-ils un jour prendre le pas sur le mouvement descendant et sur l’uniformisation ?
Peut-on parler d’une véritable nouvelle étape de décentralisation ?
CG : Pas véritablement d’un nouvel acte en tout cas. Il s’agit davantage de donner satisfaction aux lobbys des grandes associations d’élus sans vraiment jamais poser la question de la fonction communale aujourd’hui et demain selon la taille et les moyens. L’introduction du suffrage direct pour l’élection intercommunale va toutefois dans le bon sens et fera évoluer les choses. La parité également. La question de la décentralisation de l’État qui va départementaliser davantage les services et les moyens qui lui restent après les avoir régionalisés n’est pas traitée dans cette loi. Si la loi donne la possibilité d’une concertation réelle et d’une décision concertée de répartition des rôles et des deniers publics dans l’intérêt général, tout en laissant une part de créativité et d’innovation dans la transformation sociale, on pourra évoquer la décentralisation. Mais n’est-ce pas trop utopique ?
L’ambition initiale d’un 3ème acte de décentralisation a été nettement revue à la baisse avec le saucissonnage en plusieurs textes et le vote fortement symbolique d’un premier texte portant affirmation des métropoles et la création compensatoire de pôles d’équilibre territoriaux ruraux. Ce second texte portant sur la nouvelle organisation de la République est d’abord et avant tout un texte de réforme de l’organisation territoriale locale en région, sans que soit abordé le contenu d’une réforme de l’État en région. Une loi de décentralisation devrait agir simultanément et concomitamment sur les deux plans. Ce constat posé, un texte a été proposé, discuté et largement amendé au Sénat en 1ère lecture ; il revient à l’assemblée largement modifié et repartira au Sénat sans doute dans un état plus conforme à son état initial.
GG : Le Sénat affirme, à juste titre, que le projet de loi n’est pas un projet décentralisateur. La décentralisation consiste à retirer des compétences à l’État et les confier à l’un des trois niveaux de collectivités territoriales. Rien de tel ici. L’État n’abandonne aucune nouvelle compétence, Le projet clarifie, réorganise les compétences mais entre les seules collectivités territoriales. Le Sénat a déployé un forcing pas possible pour que l’État confie aux régions le service public de l’emploi. Le gouvernement a résisté en invoquant l’impossibilité de décentraliser, au moins pour le moment, un Pôle-Emploi en pleine crise.
Plus généralement, le Sénat reproche au projet de loi ne rien dire en ce qui concerne la réorganisation des services déconcentrés de l’État; s’il faut réformer les collectivités territoriales, il faut aussi réformer l’État ; la déconcentration doit être parallèle à la décentralisation. Ce sont les doublons de service et de fonctionnaires entre l’État et les collectivités qui sont le plus budgétivores. Il y a un réel gisement d’économies à réaliser si l’État renonce à un certain nombre de ses services et agences. Mais cela suppose que l’État ait confiance dans les élus et ne passe pas son temps à les surveiller et à les doubler.
Concernant la gouvernance des territoires : y a-t-il des avancées en termes de prise en compte des savoirs citoyens dans la décision publique ?
GG : jusqu’à présent il n’y a pas un mot dans la loi concernant la démocratie locale et la place des citoyens. Les amendements des Verts sur ce sujet, devant le Sénat, ont été retirés ou rejetés, sauf un qui était purement formel. Et le gouvernement a nettement marqué son refus d’aborder cette question. Cela n’est pas de bon augure pour les amendements que nous faisons présenter devant l’Assemblée. Manifestement, les élus, de quelque bord qu’ils soient, sauf les Verts, n’ont aucune ambition à l’égard d’une amélioration de la démocratie locale. Il faut que nous fassions confiance aux élus. Ils sont spontanément démocrates et n’ont pas besoin qu’une loi les contraigne à tenir compte du peuple.
CG : Je ne me prononcerai sur cette question que lorsque le texte définitif sera voté. Pour le moment, les textes, que ce soit celui proposé par le gouvernement, celui voté en 1ère lecture au Sénat ou celui issu de la commission des lois, nous laissent perplexes.
En somme, le projet de loi est vidé de sa substance par le Sénat qui défend les départements et refuse de donner trop de pouvoirs aux régions ; il ne propose rien sur la réforme des services déconcentrés de l’État, reste en désaccord sur l’intercommunalité (seuil), ne présente pas d’avancées démocratiques, dans un contexte où rien n’est amorcé sur la réforme de la fiscalité locale… Les seules mesures significatives restant concernent les transports et l’encadrement de la compétence économique ! Tout ça pour ça… Comment les électeurs vont-ils pouvoir voter fin mars, sans savoir quelles compétences seront dévolues aux futurs conseillers ?
CG : Deux lois ont été votées dont l’application aura un réel impact : la première, la loi Mapam avec la création des métropoles d’une part et des PETR d’autre part qui ont l’obligation de mise en œuvre d’un conseil de développement et de définir un projet de territoire dans l’année suivant leur installation; la seconde sur le calendrier électoral et la carte des régions qui ne seront plus que 13 au 1er janvier prochain. Dans les régions concernées par les fusions, il est difficile de dire qu’il ne va rien se passer. Transfert probable du transport scolaire et des mobilités aux régions d’un côté, de l’autre maintien des routes aux départements : cela conforte la répartition et la spécificité des compétences régionales et départementales. La suppression de la clause de compétence générale est confirmée par la commission des lois de l’Assemblée et a été votée en 1ère lecture. Cela va modifier clairement le rapport entre les assemblées régionales, départementales et locales qui auront de plus en plus de mal à boucler des budgets amputés par les baisses de dotation. Cela étant je vous rejoins entièrement sur la question du citoyen qui va devoir voter fin mars pour une assemblée départementale dont les compétences et les moyens d’agir ne sont pas stabilisés. Ce n’est pas l’idéal pour réconcilier le citoyen avec la politique ! Mais cela n’est pas réellement nouveau. Les couples de candidats aux départementales et leurs remplaçants devront faire de la pédagogie pendant la campagne. À charge pour ceux qui sont élus de conserver ensuite un lien avec leur territoire d’élection qui n’est ni un territoire de gestion de services, ni un territoire d’administration ou d’organisation des politiques publiques.
L’Unadel attend d’une loi de décentralisation qu’elle ne concerne pas que les seuls élus; justement parce que la décentralisation doit permettre des prises de décisions au plus près des concitoyens. L’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques, décentralisées ou non, concernent les citoyens et devraient donc les associer à chacune des étapes, parce qu’ils sont les experts d’usage ; les décisions appartiennent évidemment aux élus qui, pour autant doivent informer et consulter avant de décider, puis rendre compte après en s’appuyant sur une évaluation de l’impact des décisions prises. Il est bon de rappeler des évidences qui semblent parfois bien loin de l’exécutif gouvernemental et des postures parlementaires.
On peut aussi s’interroger sur la fonction du Sénat de représentation des collectivités locales. Ne devrait-il pas être d’abord une chambre de représentation des territoires et donc des collectivités et des citoyens et non pas celle des associations d’élus et des maires ?
Propos recueillis par Blanche Vandecasteele