Le 28 janvier dernier, Thierry Geffray est décédé après un long et courageux combat contre la maladie. Nous l’avons côtoyé dans le pays Diois et au sein de Mairie Conseils. Au travers de ce texte, nous souhaitons saluer sa capacité à cultiver les idées, les mettre en débat, en œuvre, les transmettre.

Paysan chercheur

Originaire de Normandie, Thierry était Ingénieur en agronomie tropicale. Après deux années de coopération en Amérique du Sud, il s’installe dans le Haut Diois en 1976, dans un milieu en déprise. Il n’aura de cesse d’y vivre le métier de paysan, de le relier au pays Diois. Dès les années 1980, sur le hameau de Montlahuc, avec Camille Brochier et deux associés, ils développent un élevage de moutons Préalpes. Leur système de gestion des espaces pastoraux fait modèle. Le GAEC expérimente : énergie renouvelable, compostage, permaculture, vente directe… Il est aujourd’hui transmis à une équipe de jeunes, le hameau compte 40 habitants à l’année. De 1985 à 1995, Thierry préside le Groupement des CETA du Diois. Il en fait un lieu de dialogue entre agriculteurs de tous métiers et origines. Ils pensent un développement agricole où les connaissances circulent « du bas vers le haut », qui transforme le territoire. Au sein du comité de développement Agricole du Diois, il développe l’agriculture biologique et fait du Diois le moteur du « 1er département bio de France ».

Bâtisseur du Pays Diois

Il exerce deux mandats d’élu de 1995 à 2008. Délégué de Bellegarde en Diois, vice-président, puis président en 2004, il contribue à construire la communauté des communes du Diois d’aujourd’hui, toujours en partant de la base. Il pilote un projet de territoire patiemment élaboré avec 2.000 habitants, 600 conseillers municipaux, les scolaires, des artistes. Un conseil de développement est créé. Il multiplie schémas et slogans, les fait vivre en aidant le Diois à « passer de l’arrière-pays de l’époque productiviste à l’avant pays de l’époque qualité » et à « décrocher des pompons financiers sur le manège de l’aménagement du territoire ». Il témoigne, fait connaître et implique le Diois dans de nombreux réseaux, l’enseignement et la recherche.

Tisseur de liens

Avec d’autres, il comprend que le projet du territoire doit reposer sur la qualité des relations entre ses habitants, anciens ou nouveaux. Il s’agit de respecter les singularités de chacun, de créer des liens et des moments conviviaux, symboliques. En cela, fête de la transhumance et festival Est-Ouest contribuaient à son bonheur. A partir de 2000, il propose de poursuivre cette dynamique au sein de la Biovallée qu’il a construite avec élus et acteurs de la basse vallée. Après 2008, dans l’association Biovallée, il contribue à inventer une gouvernance unique, où les non-humains auraient une voix, où ceux qui le souhaitent contribuent à transformer le territoire, face aux défis du futur. L’ambition était et demeure de passer de La Biovallée POUR tous à la Biovallée PAR tous !

Animateur de réseaux

Au sein de Mairie Conseils (Caisse des dépôts et consignations), Thierry a participé à un groupe d’élus locaux qui se réunissait de régulièrement. Deux fois par an à Paris , le groupe était reçu par le directeur de la Caisse des dépôts pour lui expliquer la réalité du développement des zones rurales et de leurs collectivités. Il y a trouvé toute sa place aux côté des élus qui ont marqué le développement local : Michel Dinet, Eric Andrieu ou encore Thierry Burlot. Le réseau fédérait plusieurs pays engagés dans des démarches de projets de territoire. Les élus analysaient la réalité du développement des zones rurales et revendiquaient la capacité des acteurs du territoire à devenir les auteurs de leurs propres projets de territoire. Il a participé à de nombreuses rencontres sur l’intercommunalité. Il a accueilli plusieurs rencontres d’élus sur la Biovallée et a participé à nombre de reportages réalisés sur place. A l’international, il a participé à plusieurs missions en Amérique latine : A Rosario, en Argentine sur la collecte des déchets, et avec le peuple de la Terre, les Mapuches, au Chili.

Aventurier du vivant

A la fin de sa carrière d’éleveur, il est confronté au loup. Avec l’Ecole de la Nature et des Savoirs, à partir de la culture des indiens Kogis, il replace le vivant au cœur des pratiques agricoles. Il imagine que demain, les « paysans deviendront des paysculteurs », en lien avec la nature de chaque territoire. L’expérience vécue du Diois et du projet Biovallée a fondé en lui une interpénétration profonde, physique et spirituelle avec l’eau, l’air, le sol, l’énergie, telle qu’elle est devenue existentielle. C’est le « Génie » de la vallée qui a fait du paysage dans lequel il a vécu un « Pays Sage » qui l’a enveloppé, élevé, augmenté.

Le territoire est devenu un sujet, un corps territorial, la Terre Mère, qui fait comprendre qu’en prendre soin c’est prendre soin de son épanouissement personnel. C’est une posture symbiotique avec son territoire et son projet de transition écologique et social qui l’a transformé en « Payculteur » comme il aime se définir. Thierry n’a pas arrêté d’ouvrir des horizons et de nouveaux chemins qu’il nous transmet pour les poursuivre et pour passer d’un arrière-pays du pacte écologique de l’Anthropocène à un avant-pays du Symbiocène par le Contrat Naturel.

Christine Brémond, Yves Gorgeu, Pierre-Antoine Landel
(administrateurs de l’unadel)
et Philippe Méjean
(ancien Chef de Projet de La Biovallée)

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