Le Sénat veut conclure ses Etats généraux de la démocratie territoriale les 4 et 5 octobre prochains, à la Sorbonne. Voulus par Jean-Pierre Bel, son président socialiste, ils ont été lancés par un questionnaire adressés aux 550 000 élus locaux, et devraient être précédés de rencontres régionales en septembre, pour inspirer l’Acte III de la décentralisation qui sera conduit par Marylise Lebranchu. Cette semaine, le Premier Ministre, Jean-Marc Ayrault, rencontrera les grandes associations d’élus pour leur indiquer la méthode qui sera suivie.

Responsables associatifs, citoyens et citoyennes engagés dans leurs territoires, agents de développement local, à l’écoute des espaces ruraux comme des quartiers, nous ne résistons pas à reprendre à notre compte le libelle de l’abbé Sieyès, paru en Janvier 1789, lors de la convocation des Etats Généraux.

« 1° Qu’est-ce que le Tiers-État ? Tout. – 2° Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? Rien. – 3° Que demande-t-il ? À y devenir quelque chose. »

 

Sieyès était injuste ! Lors des précédents Etats généraux, la royauté prévoyait, aux côtés de la noblesse et de l’aristocratie, la présence mesurée du Tiers Etat. Le Sénat, probablement plus par maladresse que par malignité, a prévu de réunir 900 participants : tous les sénateurs, tous les présidents de conseils régionaux et généraux, trois maires par département et les présidents d’associations d’élus. Pour représenter la société civile, le mercredi 11 juillet, le sénateur Yves Krattinger, de Haute-Saône, chargé de mener le groupe de pilotage qui prépare cette manifestation, nous a rassuré : « des consultants et des universitaires représenteront la société civile ».

 

Notre histoire, ce sont 110 ans de vie associative, 50 années de développement local à travers les Pays et Parcs Naturels Régionaux, 40 années de « luttes urbaines », 30 années de citoyenneté locale à travers les premiers Groupes d’Action Municipale, 20 années de lutte contre les discriminations, 10 années d’Agenda 21. C’est notre histoire, c’est avec elle que nous avons fait l’apprentissage de la force et des vertus du « mouvement ascendant », issu de populations en retard de développement, mais qui établissent un diagnostic partagé de leurs forces et de leurs faiblesses, et construisent un projet de développement pour leur territoire. Nous savons depuis tout ce temps que le développement ne peut se faire qu’en mobilisant les différentes catégories d’acteurs et en particulier en établissant un dialogue entre élus et non-élus de la société civile.

 

Messieurs les clercs, messieurs les nobles, sans déterminer qui est qui, entre le sénateur et l’élu local, nous vous le disons respectueusement, sereinement, amicalement mais aussi fermement : pas de décentralisation sans nous !

 

A l’heure où l’Etat ne peut plus, où les collectivités ne savent pas, il vous revient, il nous revient, d’imaginer un Acte III de la décentralisation qui ne soit pas une vente à la découpe, comme elle fut initiée par Jean-Pierre Raffarin.

 

Pour s’assurer que les 16 millions de bénévoles, que le million de salariés associatifs, que les milliers d’agents de développement soient entendus, et avec eux les citoyens qui s’engagent, un certain nombre d’associations et de collectifs, nationalement, comme territorialement, viennent de lancer un appel « Décentralisons autrement – plateforme pour une citoyenneté active dans les territoires ».

 

Nous sommes conscients des crises qui frappent notre société et qui multiplient les défis à relever. Mais nous mesurons avec réalisme le décalage croissant entre le mode de vie des populations et les structures institutionnelles qui les encadrent. Nous acceptons une réforme, car nous voulons aussi plus de décentralisation, mais pas n’importe laquelle. Il est grand temps de mettre en œuvre une décentralisation conçue pour renforcer le pouvoir d’agir des citoyens, pour accroître les dynamiques de développement des territoires, des solidarités et des responsabilités. Nous attendons de ce nouvel élan décentralisateur qu’il porte un souffle démocratique à la hauteur des enjeux contemporains et non le seul renforcement des pouvoirs locaux.

 

Louis XVI, avant de perdre la tête, écrivit : « C’est une maxime bien essentielle dans le gouvernement de prévenir que les peuples ne tombent dans une sorte d’indifférence qui leur fasse penser qu’il est égal de vivre sous une domination ou sous une autre. »

 

Abstentions, montée des extrémismes à travers toute l’Europe, devraient inciter à lutter contre l’indifférence. Nous, qui voyons chaque jour, en France et ailleurs, les signes d’un désir de vivre autrement, de comprendre les réalités complexes de la gestion du monde, de repenser les règles du partage, de participer, de faire croître la démocratie, nous savons qu’il ne faut pas décevoir cette espérance.

 

Une décentralisation, certes. Mais pas sans le Tiers Etat !

Tribune rédigée par Olivier Dulucq, administrateur de l’Unadel.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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