Les associations dénoncent un gel massif des subventions publiques. Elles regrettent un manque de maturité des relations avec les pouvoirs publics. Elles demandent de parvenir avec eux à un véritable partenariat.
Rien ne va plus entre les pouvoirs publics, l’Etat au premier chef, et les associations. Au cœur de l’été, Olivier Dulucq, le délégué général de l’Union nationale des acteurs et des structures du développement local (Unadel), publiait sur son site internet un éditorial constatant l’absence des subventions publiques promises, plaçant l’association au bord du gouffre financier. Les mêmes cris d’alarme émanent de différentes fédérations associatives et même d’associations locales de proximité.
« C’est une situation sans précédent, et paradoxale, s’inquiète Jean-Marc Roirant, secrétaire général de la Ligue de l’enseignement. Quand Jean-François Lamour a pris en charge la vie associative dans son ministère, il a dit, en particulier lors de son discours du 8 juillet 2004 devant le Conseil économique et social, des choses très importantes. Pour la première fois, un ministre a reconnu la qualité de “corps intermédiaire” aux associations. Il a aussi fait des annonces très concrètes sur le bénévolat et le volontariat. Il a même annoncé la création de la Conférence nationale de la vie associative. Malheureusement, cela s’est dégradé. Depuis le début de 2005, les mauvaises nouvelles tombent les unes après les autres. »
Dans un premier temps, certains services ministériels annoncent que la reconduction des conventions pluriannuelles d’objectifs, qui donnent aux associations une visibilité financière à trois ans, n’est plus possible à cause de la mise en œuvre de la Lolf (loi organique relative aux lois de finances). « Aucune convention pluriannuelle n’est aujourd’hui respectée, étant donné que les ministères gèlent leurs subventions », relève Olivier Dulucq, dont l’association est membre du Comité d’étude et de liaison des associations à vocation agricole et rurale (Celavar, 700 associations).
« Nous avons ensuite appris la suppression des postes Fonjep (Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire), puis Bercy nous a annoncé un “gel républicain”, par précaution, mais en nous promettant un dégel. En fait, nous avons été informés d’un “surgel” en juin, s’amuserait presque Jean-Marc Roirant, qui poursuit : « Nous avons été informés au cœur de l’été des dernières décisions. Dans notre cas, la baisse des crédits représente 75 %, soit 300 000 euros. Cette annonce intervient en juillet, alors que nous avons lancé nos actions depuis le début de l’année. Le pire est que ces décisions ne vont pas toucher que les têtes de réseau, mais aussi les associations locales de proximité. »
De simples prestataires. « Notre impression, synthétise Olivier Dulucq, c’est qu’il n’y a pas de maturité dans les relations entre les pouvoirs publics et les associations. Et cela ne tient pas à tel ou tel gouvernement. La dérive date d’une dizaine d’années. Cela vient peut-être, pour une part, du fait qu’il n’existe plus de formation au fait associatif pour les fonctionnaires, d’Etat ou des collectivités locales, alors que nous sommes un partenaire majeur pour la mise en œuvre des politiques publiques. » De là découlerait une confusion entre les raisons d’être des associations et celles des opérateurs privés dans le secteur marchand.
Ainsi, au sein de la Conférence permanente de la vie associative (CPCA, qui rassemble 16 coordinations représentant plusieurs milliers d’associations), beaucoup déplorent le développement de la technique de l’appel à projets, qui ne tient pas compte du rôle social joué par les associations. « Nous devenons de simples prestataires : les politiques vont prendre des décisions qui vont avoir un impact sur nous, sur le fond de nos actions, sur les moyens dont nous disposons, mais ce ne sera jamais discuté avec nous », constate Olivier Dulucq.
Climat tendu. Le rapport « Decool », de juillet 2005 (lire ci-contre), préconise d’ailleurs que dans les financements affectés aux appels à projets, il soit tenu compte des frais de fonctionnement des associations.
Dans ce climat tendu, l’appel du gouvernement aux associations pour créer 45 000 emplois exaspère un peu plus. Adjera Lakehal, coordinatrice de l’Association des femmes de Francs-Moisins (Saint-Denis, Seine-Saint-Denis), relève ainsi que « nous avons toujours contribué au traitement social du chômage. Ces salariés quittent nos associations dotés d’une formation, mais l’association se retrouve en situation précaire pour poursuivre ses actions si elle doit recruter des gens non formés ». D’autres acteurs font valoir que les projets menés nécessitent de plus en plus de technicité, ce qui n’est pas compatible avec l’intégration régulière de nouveaux salariés.
« Nous allons en appeler aux élus locaux, afin qu’ils agissent auprès du gouvernement, car dans la situation où nous sommes, des licenciements sont inévitables, estime Jean-Marc Roirant. Or, selon les régions, l’emploi associatif peut représenter de 7 à 11 % du total. Si cette année est perdue, peut-être pourrons-nous connaître les intentions de l’Etat pour le futur. »
La Conférence nationale de la vie associative, qui a fait l’objet de travaux préparatoires salués par tous et devrait se tenir en décembre, pourrait être le lieu de la réconciliation
Les principales propositions du rapport « Decool »
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« Les vertus de la contractualisation sont multiples » Comment expliquez-vous la tension qui existe aujourd’hui entre les associations et les pouvoirs publics ? Comment améliorer le respect des contrats ? Pourtant, les associations se plaignent du non-renouvellement des conventions… Propos recueillis par Romain Mazon (*) Loi organique relative aux lois de finances. |
Auteur : Olivier Dulucq