Si les élus locaux portant un projet de commune nouvelle ne réagissent pas cette année, ils devront attendre 2020.
En France, une commune nouvelle est définie comme le regroupement volontaire de plusieurs communes existantes (1). Le mouvement de création de communes nouvelles pourrait être relancé en 2018 après une année d’attente liée au contexte électoral (2). Cette intuition est confortée par plusieurs dispositions de la loi de finances 2018 (prolongement des garanties de dotations pour les communes nouvelles créées cette année et extension du dispositif à celles allant jusqu’à 150 000 habitants alors que le compteur était jusque-là bloqué à 10 000). Et, enfin, il ne sera pas possible d’en créer en 2019 car, d’après le code électoral, les limites des communes ne peuvent être modifiées l’année qui précède les élections municipales (3).
Saisir l’opportunité
En dehors des aspects financiers, cette démarche volontaire de regroupement peut permettre aux élus de petites ou moyennes communes de répondre à plusieurs défis. Ceux qui l’ont fait témoignent d’une meilleure prise en compte de leurs projets dans les intercommunalités toujours plus grandes où les villes-centres et leurs préoccupations « dominent ». Dans beaucoup d’intercommunalités, les communes rurales n’ont plus qu’un délégué ce qui renforce la domination des communes plus importantes. Certains élus réorganisent totalement le niveau local en prévoyant d’avoir demain, au sein de leur intercommunalité, des communes de tailles quasi identiques. C’est le cas dans le Pays des Mauges (Maine-et- Loire) où six communautés de communes regroupant 65 communes ont décidé, en 2016, que chacune devenait une seule commune et que ces six communes nouvelles seraient réunies dans une communauté d’agglomération. Ces recompositions bouleversent les relations historiques. Par exemple, dans la Communauté de communes du Pays d’Ancenis (Loire-Atlantique), Ancenis, le bourg centre, a désormais la même population qu’une des communes nouvelles et certains élus entendent à terme avoir un nombre réduit de communes de taille comparable. Ces créations entraînent aussi une réduction considérable du nombre d’élus dans les conseils communautaires devenus pléthoriques à l’issue des fusions.
Mutualisations
Les communes nouvelles peuvent également mieux gérer la reprise des compétences de proximité (enfance, scolaire, social, personnes âgées, santé…) dont certaines grandes intercommunalités ne veulent pas. Il est donc encore temps, en 2018, d’utiliser ce dispositif « communes nouvelles » pour préserver l’exercice des compétences de proximité en les redonnant à des communes « agrandies » qui ont davantage les moyens de les gérer. De plus, tous les élus qui se sont lancés dans une fusion de communes soulignent qu’ils ont réussi une mutualisation à « 100 % » sans être tenus, comme auparavant, de rédiger de multiples conventions pour la gestion des services à la population. Cette mutualisation aboutit à des gains financiers sur tous les contrats et groupements de commandes et permet une véritable rationalisation de la gestion. Les détracteurs de ce dispositif mettront toujours en avant les difficultés et les échecs dont ils ont connaissance ou entendu vaguement parler. Il est évident qu’on ne peut modifier un ordre établi depuis plus de deux siècles (l’organisation des communes) sans essuyer une salve de critiques.
Oser le changement
Toutes les difficultés signalées venant de blocages juridiques ou financiers ont été prises en compte par le législateur pour faciliter le projet des élus. Depuis la loi de 2010 instaurant les communes nouvelles, il y a eu de nombreux ajustements législatifs, comme en témoigne la loi Pélissard- Pires Beaune de 2015 (4) ou encore la loi Sido (5). Ce que ni la loi, ni les discours, ni les arguments les plus rationnels ne pourront gérer, ce sont les mentalités, les querelles historiques et la peur du changement. Les élus pionniers ont souvent su s’appuyer sur les habitants et leurs demandes en matière de services et équipements publics. Dans certains cas, les habitants se mobilisent au moment du choix du nom de la commune nouvelle ; dans d’autres, ils s’étonnent que ce projet n’ait pas vu le jour plus tôt ! Il reste cependant un point délicat concernant la représentation des communes « historiques » dans les futurs conseils municipaux. Pour l’instant, rien ne garantit que les listes qui l’emporteront comportent des candidats venant des différentes communes historiques. La constitution de listes intégrant un minimum de représentants des anciennes communes pourrait être une solution.
(1) Statut défini par la Loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010.
(2) En 2017, il y a eu une trentaine de créations de communes nouvelles, alors qu’on en avait dénombré près de 560 l’année précédente.
(3) Un arrêté de création pris en 2019 prendrait effet au 1er janvier 2020, soit moins de six mois avant les élections municipales, à moins qu’elles ne soient repoussées à 2021 comme le proposent certains.
(4) Loi du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes.
(5) Loi du 8 novembre 2016 tendant à permettre le maintien des communes associées, sous forme de communes déléguées, en cas de création d’une commune nouvelle.
Retrouvez cet article dans les pages de la revue Transrural Initiatives de mars-avril 2018