Le gouvernement a voté en loi de finances 2018 une mesure annoncée pendant la campagne électorale : l’exonération de la taxe d’habitation pour 80% des contribuables d’ici 2020 en fonction des revenus (1).
L’annonce suivie d’explications plus ou moins floues a surpris pour plusieurs raisons :
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Cette taxe était peu contestée et, quand elle l’était, c’est plus sur son mode de calcul de la base devenue obsolète depuis longtemps que sur le montant à payer.
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Les élus locaux n’ont pas été consultés or il s’agit d’un des 4 impôts locaux qui assurent une part de l’autonomie financière des communes et intercommunalités à fiscalité propre (23 milliards dans les budgets locaux 2016). Cette autonomie avait déjà été bousculée par la réforme de la taxe professionnelle puisque depuis 2011 les élus ne votent plus le taux de la part la plus importante de la cotisation (CVAE)
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L’administration de Bercy ne semblait pas plus avertie et n’avait visiblement pas simulé les effets de cette annonce.
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La compensation de cette exonération par une dotation de compensation de l’État (10 milliards en 2020) n’améliore pas la réduction du déficit public. L’État devra emprunter pour couvrir cette nouvelle dépense.
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Il a fallu un certain temps pour que l’État précise que cette exonération ne concernait que les résidences principales.
Les politiques qui sont « montés au filet » pour défendre la proposition de « campagne » pour séduire un électorat sensible à toute annonce de baisse d’impôt, ont brandi l’iniquité de cette taxe sans dire que 5 millions d’habitants bénéficiaient déjà d’exonérations en fonction de leurs revenus et qu’il y avait aussi des allègements pour tenir compte des charges de famille ou de la situation des personnes en résidence principale.
De même ils ont tous dit que rien n’avait été fait depuis plus de 40 ans. C’est faux la majorité précédente (loi de finances rectificatives 2013) avait lancé une étude sur la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation dans 5 départements dans la foulée de celle des locaux professionnels qui entrent en application cette année et le rapport a été publié (2). Certes aucune mise en œuvre de cette révision n‘avait été débattue .Il suffisait de reprendre les propositions, d’étudier les résultats, de mesurer les distorsions, d’en débattre et d’en déduire les modifications à apporter au système actuel.
Par ailleurs aucun politique appelé en renfort pour défendre cette proposition de campagne électorale n’a précisé que la taxe sur le foncier bâti (30 milliards en 2016) reposait sur la même base que la taxe d’habitation c’est donc les deux tiers de la fiscalité locale qui dépendent de calculs obsolètes et injustes particulièrement entre les logements anciens de centre ville et les logements collectifs des communes des couronnes des villes. Tout le monde est d’accord pour reconnaître que la batterie de critères initiés en 1970 pour évaluer le « confort » est beaucoup trop complexe et impossible à actualiser régulièrement.
L’exonération proposée maintient toutes les iniquités dénoncées et pire elle les fait reposer demain sur 20% de la population. Après la période d’étonnement les simulateurs ont commencé à crépiter et on découvre que des communes auront désormais moins d’une dizaine voire une ou deux personnes non exonérées sur lesquelles reposera les augmentations de taux. Est-ce tenable ? Est-ce équitable ?
L’État compense l’exonération au niveau des impôts perçus en 2017 (donc des taux votés en 2017) et n’actualisera pas cette dotation de compensation si la collectivité augmente ses taux par la suite ce qui correspond à un gel d’une part très importante du montant de la taxe d’habitation.
C’est également le sens de cet impôt qui est bousculé. La taxe d’habitation a été conçue sur le lien entre l’habitant et les collectivités qui leur fournissent les services et équipements publics. En la supprimant pour 80% d’entre eux il y a une rupture de ce lien historique ce que soulignent les élus locaux.
Comment sortir de cette initiative intempestive ?
Amorcer comme l’a dit la ministre des collectivités locales la suppression de ces impôts locaux en les remplaçant par un autre impôt ? Ce qui lui a été vivement reproché et l’a obligée à corriger aussitôt ses propos.
Reprendre l’initiative sur la révision des bases (valeurs locatives) en conjuguant des nouveaux critères comme prix du foncier et revenu de l’occupant ?
S’inspirer d’autres modèles étrangers avec une redistribution de l’impôt sur le revenu au niveau local ?
Christine Brémond
(1) Revenu fiscal de référence après abattement des 10% pour frais réels
- 27 000€ pour une personne seule
- 43 000€ pour un couple sans enfant et 6000€ de plus par personne à charge.
(2) Rapport en ligne de la Direction générale de finances publiques : Expérimentation révision des valeurs locatives des locaux d’habitation (Article 74 Loi de finances du 29/12/2013)