L’Unadel se fait le relai de différentes contributions pour alimenter le débat public. Ces contributions sont sous la responsabilité de leurs auteurs.

L’heure est à la rupture avec le centralisme tout puissant, à la prise en compte de la diversité des territoires et des individus, à la coopération pour la coconstruction des politiques publiques de santé.
L’exemple de l’Allemagne.

On compare à de nombreuses reprises la manière dont l’Allemagne gère avec son système de santé, l’épidémie du covid 19, avec ce qui se passe dans notre pays. C’est intéressant en ces temps de confinement de prendre le temps de comparer les 2 organisations et de se faire sa propre idée. 

Alors que les dépenses de santé sont équivalentes pourquoi une si grande différence entre les 2 pays dans la gestion du Covid 19. L’Allemagne est mieux équipée avec plus de lits d’hôpitaux et plus de lits en réanimation. 

L’Allemagne a toujours eu une politique de santé dynamique. Rappelons-nous que les départements de la Moselle (57), du Haut-Rhin (60) et du Bas-Rhin (67) ont été soumis  en  1884 à un régime d’assurance maladie obligatoire lorsque l’Allemagne avait annexé cette partie de la France en 1870. En France ce n’est que beaucoup plus tard que l’assurance maladie verra le jour, en 1928, complétée en 1930. C’est une ordonnance de 1945 qui créera le régime général. 

Autre différence avec la France, la prévention plus développée en Allemagne. Contrairement à l’adage, en France on préfère souvent guérir… que prévenir.

Mais la grande différence entre les 2 pays, c’est l’organisation du système de santé, l’un est centralisé (France), l’autre est décentralisée (Allemagne). Et c’est là que nous avons des leçons à prendre

De nombreux rapports ont dénoncé, ces dernières années, la complexité de la gouvernance du système de santé et d’assurance maladie français et ses difficultés de pilotage, liées notamment à la répartition des responsabilités entre l’État et l’assurance maladie. Et si on rajoute les Ehpad, les départements, là on est dans la gestion à 3. 

A la différence de l’Allemagne qui a une gestion très décentralisée de son système de santé, la France a une culture beaucoup plus centralisée. Une caractéristique fondamentale du système en Allemagne est le partage du pouvoir de décision entre le gouvernement fédéral, les gouvernements territoriaux (Länder) et les organisations de la société civile  (notamment, pour le système de santé, les assureurs maladie et les professionnels de santé).

En Allemagne, la planification et la régulation des structures hospitalières ainsi que le financement des investissements hospitaliers sont de la compétence des régions (Länder), tandis que les coûts de fonctionnement sont supportés par les caisses d’assurance maladie. Un pouvoir important est délégué à ces caisses et aux organisations professionnelles et établissements, qui négocient et contractualisent, en application du principe « d’auto-administration ». On comprend mieux pourquoi l’Allemagne est mieux doté.

Autre différence entre l’Allemagne, le rôle des organisations professionnelles et leur implication dans la régulation du système : la France a une tradition de régulation administrée et une fragmentation des syndicats médicaux qui contrastent avec la culture allemande d’« auto-administration » par la négociation collective, allant de pair avec une organisation très unifiée de la profession médicale.

Je l’ai écrit à de nombreuses reprises depuis près de 20 ans en lien avec mes différents mandats et responsabilités, si la France continue dans une gestion centralisée et bureaucratique , si elle continue de vivre dans la concurrence entre différents acteurs, Etat central, collectivités et organismes sociaux paritaires, entre collectivités elles-mêmes (plus d’une dizaine d’associations de collectivités), on continuera de s’enfoncer dans les difficultés avec des conséquences dramatiques.

Il est temps également de décloisonner les savoirs. A juste titre, Edgar Morin dans “Introduction à une politique de l’Homme” écrit, “Le problème crucial de notre temps est celui de la nécessité d’une pensée apte à relever le défi de la complexité du réel”. Il n’est donc pas possible de ne penser la gestion de cette crise du Covid 19 qu’à l’aulne de la médecine. Certes celle-ci joue un rôle important pour lutter contre le coronavirus qui frappe des dizaines de milliers d’individus, mais ces individus comme des millions d’autres confinés sont des êtres humains avec leur sensibilité, leur fragilité, leur situation sociale, leur imaginaire. En rester seulement à la médecine, c’est comme le notent dans Le Monde du 16 avril 2020 Eric Caumes, chef du service de maladies infectieuses à la Pitié-Salpêtrière et Mathurin Maillet interne en maladies infectieuses à la Pitié-Salpêtrière – diplômé d’un master en philosophie, la “dépendance inouïe de l’homme envers la médecine, que dénonçait déjà Ivan Illich. Cette emprise a grandi à un tel point qu’elle est aujourd’hui capable d’arrêter le cours du monde. Un nombre incalculable de vies souffriront, voire s’effondreront, sous les effets secondaires de cette crise sanitaire…” Il est clair que la crise sanitaire ne peut être pensée que dans une vision multidimensionnelle des diverses connaissances, intégrant la médecine, la psychologie, la sociologie, l’anthropologie, etc.

L’heure est à la rupture avec le centralisme tout puissant, à la prise en compte de la diversité des territoires et des individus, à la coopération pour la coconstruction des politiques publiques de santé.

Il doit en être ainsi face au Covid-19, pour le confinement et le dé-confinement. On ne peut plus les gérer de Paris, de la même manière partout. L’exemple de l’Allemagne est intéressant, où ce sont les Länder qui ont la main. Pourquoi il n’en serait pas de même en France avec les départements? Jusqu’à maintenant on a imposé à toutes les communes les mêmes règles, alors qu’un grand nombre n’ont eu aucune contamination. Il serait d’ailleurs intéressant d’en connaître le nombre. ll serait aussi intéressant de connaître les Ehpad non contaminés. On va me dire que c’est au nom de l’égalité! Mais de quelle égalité parle-t-on? Une égalité qui n’existe pas. On pourrait parler peut-être d’égalitarisme, un égalitarisme qui a tué l’URSS. Car même la Chine pays centralisée et bureaucratique, a eu une gestion différenciée selon les provinces et même à l’intérieur des provinces.

Pour le dé-confinement les françaises et les français, ne sont pas simplement des nombres ou des matricules, ce sont des êtres vivants, c’est en tant que tel qu’il faut les considérer. Emmanuel Hirsch  professeur d’éthique médicale à la faculté de médecine de l’université Paris-Saclay dans l’Obs du 11 avril 2020 écrit  “S’il y avait dans un premier temps urgence à agir, l’importance est désormais d’associer les citoyens aux délibérations de l’après, de développer une pédagogie de la responsabilité partagée. L’acceptabilité des mesures de sortie encadrées et progressives de la phase aigüe de la crise, ne pourra pas s’envisager sans créer les conditions d’un débat public, sous une forme à définir au plus vite. Il est évident que s’agissant des choix politiques qui détermineront notre vie sociale au moins ces prochains mois, l’exigence de démocratisation des arbitrages conditionnera leur recevabilité. Nous ne pourrons pas admettre des mesures imposées sur un temps indéterminé, relevant d’expertises qui ne tiendraient pas compte d’idées, d’expériences, d’attentes mais également de besoins, d’inquiétudes, d’obstacles et de réticences légitimes.”

Prendre en compte la situation de chaque individus implique également de prendre en compte la réalité de chaque territoire par sa population et par la réalité du Covid-19. Cela implique d’avoir une approche non plus globale de Paris, même si le gouvernement et le Parlement ont à donner des orientations, mais une approche diversifiée du dé-confinement. Cela vaut pour l’Éducation Nationale, comme pour les autres strates de la population, notamment ces 17 ou 18 millions de personnes que le président du Conseil scientifique veut continuer de confiner après le 11 mai. En fonction de la réalité de l’épidémie à cette date, pourquoi ne pas organiser la réflexion et le dé-confinement par département avec un co-pilotage Préfet et Président du département en liaison avec le Président de la Région, les maires, les présidents d’intercommunalités et les secteurs de santé? Et comme le propose Emmanuel Hirsch, en faisant confiance aux citoyens et à leur esprit de responsabilité. Avec l’ensemble des mesures sanitaires indispensables (masques, dépistage, gel, mesures barrières, etc). Il y aura certes des différences entre départements et territoires, certains étant plus impactés que d’autres par l’épidémie, mais elles seront d’autant mieux acceptées qu’elles correspondront à la réalité du terrain. 

Une telle approche du développement territorial devrait être la norme dans l’avenir et dans tous les domaines. Le centralisme tout puissant devrait être la victime du Covid 19 !

Jean Claude Mairal, adhérent de l’Unadel, le 16 avril 2020

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