Tribune rédigée par l’ADELS et l’UNADEL à paraître dans quelques jours dans la presse quotidienne nationale.

À l’heure où la démocratie vacille entre abstention et extrémisme, les territoires sont le lieu où s’invente le nouveau contrat social. Une nouvelle vague de décentralisation qui oublierait ce fait majeur ne serait qu’un leurre incertain. Les citoyens auraient des raisons de s’en méfier et de ne voir dans cette agitation qu’une régression de l’action publique.

 

Les acteurs du développement local attendaient de la “loi sur les responsabilités locales”, qui sera débattue à l’Assemblée nationale ce mois-ci,  un souffle nouveau pour la décentralisation : ce sera plutôt le calme plat. Les débats sénatoriaux de décembre ont éteint les espoirs qu’ils pouvaient nourrir. Au chevet du défunt État-providence, ce n’est pas de mesures de gestion – de gauche ou de droite – dont la décentralisation a besoin, mais d’une profonde inspiration politique visant au renouveau démocratique de nos institutions.

 

Le souffle initial de la décentralisation – rapprocher les citoyens des lieux de décision – s’est perdu. Après la première vague de 1982-83, la réforme actuelle fait pâle figure. On ne trouve pas trace de ce renouveau de la démocratie dans les réformes proposées, comme le réclament l’Unadel, l’Adels et de nombreux autres réseaux associatifs. Peu de clarification réelle des compétences, pas de réflexion sur la subsidiarité ou  sur un nouveau positionnement de l’État face aux collectivités locales. Rien qui permettra un rapprochement entre élus et citoyens. Trop peu de d’innovation sur l’intercommunalité alors même qu’aujourd’hui 80% des citoyens vivent dans des intercommunalités à fiscalité propre. Quant aux Pays, espaces de réflexion et d’initiative, premiers lieux qui formalisent la rencontre entre la société civile et les élus, ils sont tout simplement ignorés. Rien encore sur la contribution des associations à des pans entiers de l’intervention publique, pourtant synonyme de continuité des services, de proximité, d’innovation sociale et économique.  Les grandes avancées démocratiques de ce projet se résument à l’enfermement du  référendum local dans un cadre juridique contraignant ou à la définition d’un droit de pétition qui -heureusement – n’a pas besoin de cette loi pour exister.

 

Pendant ce temps, dans les quartiers, des citoyens portent des projets, innovent, construisent une démocratie de proximité. Dans les intercommunalités, des élus locaux fondent une décentralisation réelle, efficace et discrète. Dans des pays, des acteurs privés et publics mettent en place des projets de développement rural, avec le soutien de l’Europe.  Ce sont des acteurs comme ceux-ci qui modifient quotidiennement et en profondeur le fonctionnement de la République. Leurs traits communs : la confiance accordée à l’initiative locale, aux énergies nouvelles de la société civile aux côtés des élus et des agents la fonction publique. Ils sont souvent les plus chauds partisans de la décentralisation, mais…

 

Au prétexte de simplification, cette phase de décentralisation s’en tient à des transferts par blocs de compétences plutôt que de prendre en compte ces véritables processus de développement.

La décentralisation va s’arrêter à un jeu de chaises musicales entre l’État, les régions et les départements. Oubliés, les acteurs sociaux, les associations de développement, les groupes de citoyens ! Certains y voient une inspiration libérale, qui conduit au désengagement civique, à la concurrence des territoires et des institutions, à l’accentuation des distorsions entre collectivités riches et pauvres par défaut de réflexion et d’action sur la péréquation, aux menaces sur les services publics. Même le principe récemment réaffirmé de l’autonomie des collectivités locales est mis à bas, au détour d’une exonération de la taxe professionnelle sur les investissements des entreprises

 

Les acteurs du développement local ont des raisons d’être inquiets. Il est grand temps que la société civile s’organise et se mobilise pour une autre décentralisation où ses acteurs soient reconnus, non comme simples opérateurs de politiques publiques nationales ou territoriales mais comme créateurs de l’intérêt général. Nos deux associations se proposent de participer à cette mise en mouvement.

 

Bernard Deljarrie                                                                                      Éric Andrieu

Président de l’Adels                                                                                Président de l’Unadel

www.adels.org                                                                                         unadel.org

 

Auteur : Olivier Dulucq

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