Projet de loi « engagement et proximité »
Note de Christine Brémond, administratrice de l’Unadel, septembre 2019
(Conseil des ministres du 17 juillet 2019 en débat au Sénat début octobre et en procédure accélérée)
Ce projet de loi est dans la droite ligne du débat national en réponse au mouvement de contestation de cette dernière année ou encore comment se réconcilier avec les élus locaux à quelques mois des élections municipales et remettre la commune au cœur de la démocratie.
Il répond également aux crispations de nombreux élus suite à la mise en œuvre de la loi NOTRe de 2015 votée par le gouvernement précédent et du schéma de coopération intercommunale ayant entraîné de nombreuses fusions de communautés.
Il comporte 4 titres. 3 au nom des libertés locales :
– Titre I : Conforter chaque maire dans son intercommunalité
– Titre II : Renforcer les pouvoirs de police du maire
– Titre III : Simplifier le quotidien du maire
Et le titre IV : Reconnaître aux élus un véritable cadre d’exercice de leur travail
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Le volet intercommunal
Les fusions réalisées suite au schéma de coopération intercommunale en créant des grandes communautés contre l’avis des élus et en imposant de nouvelles compétences obligatoires comme l’eau et l’assainissement ont cristallisé un climat de contestation voire de découragement.
Aussi le projet de loi avance sur ce chantier en offrant la possibilité de revenir sur les périmètres de ces grandes communautés en donnant la possibilité de les scinder en deux voire plus à condition de respecter les seuils démographiques imposées par la loi et avec l’accord des communes membres. Cette modification de périmètre sera accompagnée d’un document sur son impact financier.
Il permet également à des communes de se retirer. Notamment le retrait dérogatoire est étendu aux communes membres des communautés d’agglomération.
Le débat parlementaire risque d’être très nourri sur ces points délicats de révision des périmètres. Par ailleurs la révision du Schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI) prévue tous les 6 ans est supprimée.
De même la question des compétences est reprise avec le choix d’introduire de la souplesse pour les sujets qui fâchent comme l’eau et l’assainissement pour les dates limites. En matière d’urbanisme il élargit les pouvoirs des communes sur le PLUI (plan de secteur, avis des communes sur l’évaluation du PLUI au bout de 9 ans, pouvoir pour procéder à une modification du PLUI) et concernant le tourisme les classées pourront récupérer leur office de Tourisme. De même il y aura plus de souplesse dans l’exercice des compétences en ayant la possibilité de les déléguer à d’autres collectivités ce qui permet d’avoir des solutions différenciées en fonction de la réalité des territoires.
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Les relations des communes avec leur EPCI
La rédaction d’un pacte de gouvernance en début de mandat avec la possibilité de créer un conseil des maires et des conférences territoriales des maires et les conditions dans lesquelles les maires peuvent décider de certaines dépenses courantes ou disposer de certains services de l’intercommunalité.
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Renforcement des droits des élus locaux
Ces mesures concernent l’extension à toutes les communes de nombreux droits : droits au congé pendant la campagne, autorisation d’absence des conseillers des communautés de communes, prise en charge des frais de garde des enfants pour les adjoints des communes de moins de 20 000 habitants, droit au remboursement des frais de mission pour les élus bénéficiant d’une indemnité, souscription d’une assurance obligatoire « protection des élus » compensée par L’État dans les communes de moins de 1 000 habitants, droit individuel de formation amélioré tout au long du mandat.
Ce résumé sera à compléter par toutes les précisions et nuances qu’apportera le débat parlementaire.
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Christine Brémond, septembre 2019
Contrat de ruralité : entre annonces et réalité
Article paru dans la revue Transrural (n°474 de mai-juin 2019)
Claude Grivel, président de l’Union nationale des acteurs du développement local, revient sur le bilan de la mise en place des contrats de ruralité1.
“Le contenu des contrats dépend beaucoup de la capacité et de la volonté des hommes et des femmes de faire projet commun”
Dans quel contexte les contrats de ruralité ont-ils émergé ?
Claude Grivel : Il était une fois une ministre qui avait commandé il y a quelques années un rapport sur le thème de l’égalité des territoires2. Les ministres passent, les tiroirs gardent la mémoire des écrits et les fonctionnaires de quelques éléments de diagnostic, dont celui-ci : les politiques de l’État et de l’Europe servent d’abord les métropoles. La ruralité se sent abandonnée, voire maltraitée et réclame une politique dédiée. À un an des Présidentielles de 2017, le gouvernement décide d’agir et propose de signer avec les intercommunalités3 des contrats de ruralité pour programmer la réalisation d’actions dès 2017 et jusqu’en 2020, fin de la mandature municipale en cours, sans prévoir, au-delà des annonces, de financements spécifiquement dédiés.
Quel est leur sens général ?
C. G. : Qui dit contrat dit projection – comment se projeter dans un avenir désirable et avec quelles priorités ? – et engagement de l’État et du local sur des actions qui répondent à des objectifs communs. En filigrane, on retrouve la question de l’aménagement et du développement des territoires. L’enjeu est de sortir, par la contractualisation, des effets de clientélisme. C’est aussi un moyen pour l’État de cibler des priorités de financement selon quelques axes, en fléchant mieux ses dispositifs.
Quels sont ces axes et que permettent concrètement ces contrats ?
C. G. : L’État a proposé six axes d’investissement figurant dans une circulaire adressée par le Commissariat générale à l’égalité des territoires aux préfets : accès aux services et aux soins ; revitalisation des bourgs-centres ; attractivité du territoire ; mobilités ; transition écologique et cohésion sociale. D’où des projets de revitalisation de centres-bourgs, le soutien à la création de commerces multi-services ou de centrales photovoltaïques, l’adaptation de bâtiments publics aux normes d’accessibilité, le développement d’espaces de co-working ou l’aide à l’équipement numérique de zones d’activités. Peu de contrats comportent des actions sur la cohésion sociale et ils n’ont pas empêché la fermeture de certains services, comme des maternités…
Les intercommunalités se sont-elles engagées massivement ?
C. G. : 485 contrats de ruralité ont été signés, parfois avec des territoires qui contractualisaient pour la première fois. La question de la généralisation reste posée : on n’a jamais une proposition qui concerne tous les territoires. Ainsi, la contractualisation dépend beaucoup des relais locaux de l’État et de la capacité du territoire à se mobiliser dans un délai court avec des dossiers prêts à être engagés.
Existe-t-il une diversité de contenus dans les contrats de ruralité ?
C. G. : Quand les périmètres des territoires sont stabilisés, les projets de territoire solides et les moyens d’ingénierie conséquents, il a été plutôt facile de contractualiser. Quand la réorganisation territoriale a été subie [du fait de la loi NOTRe d’août 2015 notamment, ndlr], que le travail entre acteurs est difficile, le contrat devient alibi, une addition de dossiers et d’actions plutôt qu’une structuration de projet. La prégnance du calendrier électoral et les délais courts pour le paiement des actions à engager ont précipité la signature des contrats et le recyclage d’actions sorties des tiroirs. Dans un contexte national mouvant, les territoires qui ont des priorités stratégiques utilisent le contrat comme une opportunité. Le contenu des contrats dépend beaucoup de la capacité et de la volonté des hommes et des femmes de faire projet commun.
Les moyens engagés sont-ils importants ou suffisants ?
C. G. : Les financements classiques aux collectivités sont en diminution et l’État choisit de réorienter des lignes de crédits existantes et dédiées aux territoires vers les contrats de ruralité. Il n’y a donc pas eu de nouveaux fonds dédiés aux acteurs locaux. L’annonce d’enveloppes allouées, de l’ordre d’un million d’euros par contrat, puis par département, laissent finalement peu de latitude aux préfets et sous-préfets qui ont pris des engagements parfois prématurés. La réalité des chiffres est celle des fonds classiques disponibles dans l’année budgétaire, déterminés par la loi de finances. On est donc loin du compte. Quelle que soit la volonté de l’État d’accompagner, le territoire doit pouvoir mobiliser sa part d’autofinancement sur les projets, allant de 20 à 30 %. Et ce n’est pas toujours possible ! Avec un contrat signé, un dossier prêt, une subvention notifiée, rien ne se passe dans les deux ans qui suivent parce que la collectivité ne parvient pas à budgétiser sa contribution. Encore un décalage entre les annonces et la réalité.
Ces contrats sont-ils vecteurs de progrès social et les habitants y sont-ils associés ?
C. G. : Pour travailler sur un projet de territoire, il faut se demander comment améliorer la vie des gens, leur donner envie de se maintenir sur place, continuer à y habiter, y travailler, éduquer leurs enfants… Mais si les politiques publiques traitaient efficacement les problèmes des gens, cela se saurait. Faisons preuve de beaucoup d’humilité, méfions-nous des effets d’annonce et de l’arrogance qui entretiennent le sentiment de mépris. Le financement de quatre ou cinq projets sur un territoire d’une superficie énorme fait-il réellement naître chez les habitants un sentiment de vivre mieux ? Il faut pouvoir développer une culture de la chose publique et de la responsabilisation de chacun pour associer davantage les gens aux actions et aux politiques publiques.
Quelles pistes suivre pour améliorer une probable nouvelle génération de contrats ?
C. G. : D’abord investir dans l’ingénierie, c’est-à-dire la matière grise qui peut aider à construire une contractualisation de bon niveau avec des projets structurants. C’est un art de faire travailler ensemble les représentants de l’État, du Département, de la Région et les autres acteurs. Il faut constituer une équipe opérationnelle qui anime le territoire, capable d’aller chercher les élus et la société civile pour déterminer des priorités stratégiques et construire des accords sur les objectifs. Le plan d’actions, dans sa mise en œuvre, doit continuer à soutenir la dynamique du projet.
Propos recueillis par Sylvain Adam (délégué national de l’Unadel)
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1/ Voir à ce sujet la synthèse de l’Unadel : https://unadel.org/wp-content/uploads/2017/12/UNADEL-contrats-de-ruralite-avec-soutien-financier-CGET.pdf
2/ Rapport public remise par l’économiste Éloi Laurent le 13 février 2013 au ministère de l’Égalité des territoires et du logement : www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/134000131
3/ Les contrats de ruralité sont conclus entre l’État (représenté par le préfet de département) et les pôles d’équilibre territorial et rural ou établissement public de coopération communale.
Lire également Mohamed Chahid et Gwénaël DORE, Le renouvellement de la contractualisation territoriale de L’État français : les contrats de ruralité : https://www.sfer.asso.fr/source/jrss2018/articles/E32_Dore.pdf
Nouvelles communautés de communes XXL : la fin du développement local rural ?
Par François Tacquard, président de la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin (13 000 habitants et 15 communes). Directeur d’un bureau d’études en développement rural qui a accompagné la création et /ou le développement de plus de 100 communautés de communes rurales dans toute la France.
Partout en Europe, les petites communes se sont regroupées pour développer de nouveaux services. L’attachement à l’échelon communal en France a conduit à des regroupements intercommunaux, préservant ainsi l’échelon communal. L’évolution législative actuelle vient bousculer le bon exercice démocratique qui existait jusqu’alors.
Dans l’Europe de l’après-guerre, les habitants des campagnes ont souhaité bénéficier des services modernes, comme dans les villes : de l’eau potable, des services à l’enfance, de la culture, etc. Mais les petites communes rurales ne pouvaient y répondre. Aussi, presque partout en Europe, les États ont obligé les communes à fusionner en ensemble de 5 000 à 15 000 habitants. Sauf en France, où l’attachement des habitants à leurs petites communes rurales a bloqué les fusions. L’État a donc encouragé les regroupements intercommunaux, seuls aptes à créer ces nouveaux services. Les premiers syndicats de communes ont été créés dès les années 1950. Mais c’est surtout à partir des années 1980, avec la décentralisation, que des syndicats d’aménagement et de développement (devenus plus tard communautés de communes) ont organisé la vie locale. Ce mouvement, puissant, a été apprécié par les ruraux qui voyaient une chance pour le développement local. Il s’est organisé sur des espaces de taille restreinte, les bassins de vie ruraux, avec de 10 à 40 communes rassemblant de 5 000 à 20 000 habitants, polarisées en général autour d’un bourg-centre où se trouvent le collège et le supermarché. Les habitants, qui fréquentent les mêmes services communs, s’y reconnaissent.
Vivre et travailler au pays
Dans ces territoires de taille restreinte, le slogan « vivre et travailler au pays » a été mis en pratique par des élus militants et des groupes d’habitants engagés. Des centaines de projets économiques, sociaux et culturels ont été mis en œuvre et ont changé la vie des habitants. Tout cela avec une bonne démocratie territoriale, les petites communes ayant presque autant de voix que les grandes, ce qui obligeait à un très grand consensus. Les 22 régions de France, collectivités à part entière à partir de 1982, ont puissamment appuyé ce mouvement. Cette révolution des campagnes a commencé à s’affaiblir à partir des années 2000, avec l’affaiblissement du mouvement du “développement local” et une certaine technocratisation départementale et régionale.
Une évolution législative peu démocratique
Mais c’est surtout les lois récentes, portées à priori par de bons sentiments, qui vont dans le sens contraire d’une bonne organisation du milieu rural.
Pour favoriser théoriquement une meilleure démocratie représentative, il faut à présent que le nombre de délégués des communes corresponde à la taille de la population, ce qui déstructure la démocratie territoriale : 3 à 4 grandes communes sur 20 peuvent à elles seules prendre des décisions contre l’avis des autres. Le consensus n’est plus nécessaire : le clientélisme et les baronnies peuvent s’exprimer ! Et des portions de territoire n’ont plus droit à la parole.
Pour corriger la faible taille de certaines communautés de communes et parfois leur incohérence géographique, la loi oblige maintenant à faire des regroupements minimums de 15 000 habitants (5 000 habitants en zone de montagne). Ainsi, par exemple, une communauté de communes de 10 000 habitants en plaine, qui fonctionne bien et qui mutualise de plus en plus de services communaux, se voit obligée d’intégrer une grande communauté d’agglomération, où elle n’est qu’un « hinterland ».
Des regroupements « poids lourds » encombrants
Encore plus grave, dans certains secteurs, la commission départementale de coopération intercommunale a poussé à la création d’énormes communautés de communes rurales (XXL), rassemblant entre 80 et 120 communes pour dépasser les 50 000 habitants, avec le prétexte « d’avoir un poids dans la Grande Région ». Le pouvoir y sera probablement concentré aux mains de quelques « barons locaux » et les petites communes seront marginalisées. Il faudrait créer une nouvelle administration, coûteuse, pour gérer ces grands espaces. La mutualisation croissante des services communaux, constatée jusqu’à présent dans les communautés rurales, s’arrêtera : les communes seront réticentes à donner de nouvelles compétences à ces grands ensembles lointains. Et il faudra au contraire recréer des syndicats intercommunaux locaux pour gérer ce qui n’intéresse que quelques communes. Et l’investissement bénévole de nombreux élus sera découragé ! Quant aux habitants, ils ne se reconnaîtront plus dans ces très grands espaces.
Bref, tous les avantages de la révolution intercommunale rurale des années 1980 s’affaibliront. Et le spleen des campagnes continuera à s’accroître. Tout cela suite à de bonnes intentions qui méconnaissent les réalités locales. C’est désolant ! J’en appelle à un sursaut d’intelligence territoriale et à moyen terme de l’avenir du rural. Cela est encore possible. F.T. 15062016
Ne pas confondre bassin de vie rural et bassin d’emploi
Le bassin du vie rural est une réalité géographique évidente, dont l’abandon comme base des communautés rurales est une grande erreur. Les études de l’Insee le montrent bien, l’échelon moderne pour servir la population rurale est le bassin de vie rural, comprenant de 10 à 40 communes, polarisé autour d’un bourg centre ou d’une petite ville, où se trouvent en général un supermarché, un collège et d’autres services courants. C’est à cette échelle que, spontanément, se sont organisées la plupart des communautés communes. Les habitants s’y connaissent parce qu’ils fréquentent beaucoup d’équipements communs, comme l’école de musique, le gymnase, la médiathèque etc. Il y en a plus de 1 200 dans la France rurale, hors des grandes agglomérations. C’est le canton du 21e siècle. Le bassin d’emploi a une taille beaucoup plus grande. Il comprend de 60 à 150 communes, polarisées autour d’une ville moyenne, et offre des services structurants comme le lycée et l’hypermarché. La ville concentre beaucoup d’emplois et donc structure les déplacements domicile travail (et les besoins en transport). La création, à, partir de 1990, des syndicats de « Pays », rassemblant trois à six communautés de communes rurales, a tenté d’organiser cette deuxième échelle, très différente : les questions de transport, de formation et d’emploi, de promotion économique et d’aménagement du territoire (dont le Scot) y trouvent leur place évidente. Il y a 300 bassins d’emploi en France, hors de la région parisienne. C’est l’arrondissement du 21e siècle.
Il est vrai que les syndicats de « Pays » ont du mal à exister face à la dynamique forte des communautés de communes rurales, qui n’y délèguent que des compétences légères, comme, par exemple, le plan climat énergie. Mais organiser des communautés de communes rurales à une telle grande échelle, c’est abandonner la dimension de proximité des habitants qu’offre le bassin de vie rural.
Le nouveau zonage en bassins de vie de 2012 par Chantal Brutel, division Statistiques régionales, locales et urbaines et David Levy, pôle Analyse territoriale, Insee.
En France, les bassins de vie sont définis comme les plus petits territoires au sein desquels les habitants ont accès aux équipements et services les plus courants. C’est dans ces contours que s’organise une grande partie du quotidien des habitants. En 2012, 1 666 bassins de vie structurent le territoire national, dont 1 287 sont qualifiés de ruraux au sens des critères adoptés par la Commission européenne. Les bassins de vie ruraux sont naturellement plus étendus et moins densément peuplés que les bassins de vie urbains ; les équipements y sont moins variés. C’est pourtant dans ces bassins que la population a le plus augmenté au cours de la dernière décennie.
La France a mis en œuvre (jusqu’il y a peu) une organisation originale du territoire rural.
Presque tous les pays d’Europe ont obligé leurs communes rurales à fusionner en des ensembles de taille suffisante pour développer des services modernes à la population. La France a choisi un modèle original qui a le mérite d’allier efficacité et « démocratie communale de proximité ». Les 32 000 communes rurales, animées par près de 500 000 conseillers municipaux, se sont groupées dans des communautés de communes, capable de développer des services nouveaux. La démocratie locale y est restée vive grâce à ce réseau d’élus locaux, mais également de citoyens militants qui trouvent un appui à leurs projets dans les communautés de communes, dotées d’une bonne puissance technique et financière. Les agents de développement animent le territoire, riche acteurs voulant « vivre et travailler au pays », très nombreux à partir des années 1980. Incitées par des mécanismes financiers (le fameux CIF, coefficient d’intégration fiscale), les communes ont progressivement transféré des compétences techniques aux communautés, ce qui a permis de rationaliser une partie des services locaux. Certes, le mouvement est aujourd’hui inachevé puisque des compétences importantes et coûteuses, comme la voirie et l’école primaire, restent souvent communales. Comme le rappelle chaque année la Cour des Comptes, il faut continuer à rationaliser l’action publique locale pour éviter les surcoûts importants constatés aujourd’hui. De mon point de vue, il faudrait aller au bout de la logique en confiant à la communauté de communes la gestion de l’ensemble des services locaux, tout en préservant le rôle du maire et de ses conseillers dans l’animation du tissu local, ce qu’ils font très bien.
La création de très grandes communautés de communes rurales XXL va à l’encontre ce mouvement. Les maires ne souhaiteront plus donner de nouvelles compétences à des énormes structures lointaines, gérées par une technocratie puissante. Au contraire, la tentation sera forte de préserver dans son pré carré le maximum de compétences. Il faudra créer de nouveaux SIVU pour gérer les problèmes locaux. Et l’investissement personnel de nombreux élus ruraux, source d’économies observées dans les communautés de taille raisonnable, sera inhibé dans ces grands ensembles.
Les premières communautés de communes rurales ont mis en place un modèle de gouvernance « horizontale», favorisant les initiatives de développement local. Ce modèle est aujourd’hui en cours de disparition.
Les lois de 1992 et de 1999, incitant à la création des communautés de communes, ont laissé beaucoup de liberté aux territoires pour leur organisation politique, avec en particulier une grande marge quant au choix du nombre de délégués des communes. Pour rassurer les petites communes, la plupart des communautés ont fondé des « pactes de gouvernement » très « horizontaux » : les grandes communes avaient à peine quelques délégués de plus que les petites, ce qui obligeait à un consensus pour toutes les décisions. Chaque maire était représenté au Bureau où se pratiquait une grande concertation. Le président n’était que le premier parmi ses pairs. Souvent, les conseils municipaux envoyaient à la communauté de communes des délégués innovants (et même remuants), motivés par les projets intercommunaux, qui avaient donc une position d’influence. Ces derniers ont favorisé de nombreux projets de développement local, en général en collaboration avec des groupes de « citoyens amis », eux-mêmes imprégnés de la culture du « vivre et travailler au pays », très présente dans les années 1970/1980. C’est ainsi qu’ont été créés des services à l’enfance, des projets d’agriculture de circuits courts, des espaces culturels, etc. La campagne s’est mise à bouger !
Ce modèle vertueux est en train de disparaître aujourd’hui, au nom de la démocratie représentative et d’une augmentation déraisonnable de la taille de certaines communautés. La loi oblige à présent à prévoir un nombre de délégués presque proportionnel à la population de chaque commune. Les grandes communes qui peuvent avoir jusqu’à 10 fois plus de délégués que les petites communes, qui n’en n’ont plus qu’un seul, le maire, désigné automatiquement. Les petites baronnies en sont favorisées puisque quelques grandes communes peuvent prendre le pouvoir à elle seules ! Et les délégués innovants disparaissent du circuit ! Dans les très grandes communautés de communes rurales, la nécessaire technocratie se trouve bien loin des citoyens porteurs de projet. Eux-mêmes ne reconnaissent plus comme proches ces institutions. C’est la fin du développement local, pourtant jamais aussi nécessaire dans les campagnes qui ont souvent le spleen, faute d’un avenir lisible. La crise grave que vivent les paysans gestionnaires de l’espace rural, mais également les postures de plus en plus juridiques et technocratiques des institutions supérieures, amplifient le désarroi. Et finit d’achever le développement local./h5>
Restructuration de l’interco : études de cas
Restructuration de l’intercommunalité : études de cas
La loi NOTRe du 7 août 2015, prescrit, pour le 31 décembre 2016 au plus tard, l’établissement d’un nouveau Schéma Départemental de la Coopération Intercommunale (SDCI). Un projet de Schéma doit être établi par le préfet de département avant le 31 octobre 2015. Nous tentons ici de comprendre la logique qui les anime, à partir d’un échantillon de 14 cas, pas forcément représentatif, mais assez diversifié. Ce travail est synthétisé par Georges Gontcharoff dans les 3 trois notes ci-dessous.
La deuxième restructuration de l’intercommunalité. Les propositions des préfets pour les Commissions Départementales de la Coopération Intercommunale (octobre 2015).
1ère partie. Manche, Eure, Côte d’Armor, Gironde, Hérault.
2ème partie : Alpes de Haute-Provence, Hautes Alpes, Gard, Haute Savoie.
3ème partie : Meurthe-et-Moselle, Meuse, Moselle, Vosges et Aisne.
Loi NOTRe : compromis difficiles en vue
Le projet de loi relatif à la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe), adopté en 1ère lecture par le Sénat le 27 janvier dernier, est à nouveau dans le camp des députés. Son adoption définitive est prévue avant l’été.
Quels impacts le passage au Sénat a-t-il eus sur le texte ? Que peut-on espérer en termes de décentralisation et de gouvernance, alors que les élections départementales se profilent ? Interview croisée de Georges Gontcharoff, qui suit la réforme depuis 2008 et de Claude Grivel, président de l’Unadel.
Selon vous, ce texte atteint-il ses ambitions en matière de clarification des compétences et de renforcement du fait régional ?
Georges Gontcharoff : le marathon législatif est loin d’être terminé. La première lecture devant le Sénat a complètement défiguré le projet du gouvernement. La commission des lois a fait…la loi ! On ne sait pas ce que cela va donner, ces jours-ci, devant une Assemblée nationale plus frondeuse que jamais. Répondre à cette question serait répondre à celle de savoir si le gouvernement a encore une majorité devant le Parlement.
Manuel Valls a fait preuve d’un autoritarisme croissant. Sera-t-il intraitable sur ce dossier ou lâchera-t-il du lest ?
Le gouvernement a déjà beaucoup reculé principalement sur la disparition des départements annoncée en premier. Puis, de déclaration en déclaration, il a édulcoré son projet, pour finalement y renoncer. L’évaporation des départements n’est plus à l’ordre du jour. À la lecture des débats, on peut dire que le gouvernement n’a pas résisté à l’assaut des départementalistes (il y en a beaucoup chez les socialistes), mais qu’il a, à peu près, préservé son projet sur les régions.
Néanmoins des éléments auxquels tenait le gouvernement semblent acquis, dans cette loi ou dans les précédentes : le nombre de régions a été réduit, les régions ont été renforcées dans leurs compétences de développement économique et d’aménagement du territoire, les métropoles “ordinaires” ont été mises en place le 1er janvier 2015, la clause de compétence générale devrait être supprimée pour les départements et les régions, en dépit des moqueries sur les revirements successifs des socialistes.. Mais il reste encore de grosses choses à faire passer.
Claude Grivel : En effet, ce qui est clair, c’est qu’il n’y aura pas de suppression d’une couche du soit disant mille-feuille, mais bien le maintien des différents niveaux d’organisation territoriale avec la réalité nouvelle des métropoles et des communes nouvelles. La répartition des compétences entre État, régions et départements sera-t-elle totalement clarifiée ? Si la suppression de la clause de compétence générale est maintenue pour les deux niveaux, cela posera le problème du financement de tout ce qui ne figure pas dans le champ des compétences expressément dédiées. La question du renforcement du fait régional en matière stratégique et économique reste d’actualité. Mais comment cela se traduira à l’échelle de la proximité dans les grands espaces régionaux constitués ? La loi ne pourra pas tout dire de la réalité vécue qui déboussole plus d’un élu et qui éloigne encore un peu plus les citoyens de la sphère publique.
Quels sont les principaux amendements adoptés par la commission des lois ?
GG : La commission des lois du Sénat a déshabillé le projet gouvernemental. Les points principaux sont les suivants.
Le Sénat ne veut pas que l’on confie des compétences gestionnaires aux régions en les retirant aux départements. Les transports scolaires, les collèges, les routes départementales, le tourisme sont des compétences de proximité qui sont nécessairement mieux traitées par les départements que par les régions. D’ailleurs, sur tous ces points, la gestion des départements est, dit-on, exemplaire et cela serait aberrant de les leur retirer. Par ailleurs le Sénat pense que les régions doivent être chargées de missions stratégiques, prospectives, au travers des schémas qu’elles élaborent. Leur confier des tâches gestionnaires serait alourdir les régions et les empêcher de mener correctement leurs missions à plus long terme. Par exemple, il faudrait mieux confier les lycées aux départements que les collèges aux régions.
Le Sénat reste très réticent à tout ce qui pourrait ressembler à une tutelle de la région sur les collectivités territoriales infrarégionales. Il tient farouchement à la libre administration des collectivités et rechigne donc devant des notions telles que “le chef de filat”, le caractère prescriptif des schémas régionaux, le moindre pouvoir règlementaire donné aux régions. Bref, le Sénat reste farouchement jacobin. La République est une et indivisible, même si son organisation est décentralisée. Donner trop de pouvoir aux régions, c’est s’acheminer dangereusement vers le modèle des Länder et, par conséquent instiller un fédéralisme intolérable dans les institutions de la République.
Le Sénat refuse catégoriquement que le seuil minimal pour les intercommunalités soit porté à 20 000 habitants. Si ce seuil est parfois pertinent en zone urbaine, il est intolérable en zone rurale et principalement en zone de faible densité démographique et en zone de montagne.
D’une manière générale le Sénat s’est montré, une fois de plus, comme un grand défenseur de la ruralité et accuse le gouvernement d’abandonner cet espace au profit du tout urbain.
Bien entendu, le Sénat reproche au gouvernement de ne pas dire, simultanément, quels sont les moyens financiers, fiscaux, humains des collectivités territoriales pour leur permettre de gérer correctement les compétences réorganisées. Il ne faut jamais oublier que le débat se déroule sur fond de restrictions budgétaires que les sénateurs ne cessent de dénoncer. Le gouvernement peut-il repousser éternellement la réforme en profondeur de la fiscalité locale ?
Il a promis une réforme de la Dotation Globale de Fonctionnement qui en a bien besoin pour l’année prochaine.
Quels sont les points de vigilance, ceux à améliorer ?
GG : Tous les points qui viennent d’être énumérés vont devoir être surveillés lors du débat devant les députés. Des points de blocage très forts rendent difficiles des compromis. Mais sur d’autre points, il est certain qu’une discussion ouverte pourrait permettre des améliorations : définition plus claire de la proximité, rôle assigné à l’intercommunalité (sont-elles seulement des instruments entre les mains des communes, et donc des établissements publics, ou admet-on qu’elles glissent peu à peu vers un statut de collectivités territoriales, avec l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct, afin de répondre enfin à l’émiettement communal ?) La majorité des élus de droite comme de gauche sont communalistes (et départementalistes) et veillent farouchement à ce que la commune soit totalement préservée. Le Sénat représente cette tendance puissante.
On peut aussi progresser sur la manière de coordonner l’action des différents niveaux de collectivités pour mettre les politiques locales d’action publique en cohérence et pour réaliser des économies.
CG : Nous avons travaillé au sein des réseaux associatifs à l’introduction dans la loi NOTRé d’un chapitre « Dinet » suite aux démarches qu’il avait initiées en direction du gouvernement et du président de la République pour que le volet participation et engagement citoyen renforce et ré enchante la République et le fonctionnement démocratique. Ce chapitre ne figure pas dans le texte de loi. Il n’est pas certain que les députés soutiendront les amendements qui seront proposés et d’ores et déjà signés par une trentaine de députés entrainés par ceux de Meurthe et Moselle et particulièrement par Dominique Potier. Or le secteur associatif attend un signe fort dans ce domaine. L’Unadel et la coordination des conseils de développement ont plus particulièrement portés des amendements qui réaffirment le rôle et l’extension souhaitable de conseils de développement indépendants dans les territoires de projet et pas seulement dans les métropoles et les PETR. D’autres amendements devraient aussi être proposés pour renforcer le pouvoir d’agir des citoyens et être associé aux décisions publiques.
L’esprit du projet de loi tient-il compte des spécificités des territoires ?
CG : La loi ne peut pas tout dire, mais elle peut inciter à traiter de manière plus équitable l’ensemble des territoires sans renforcer ce qui les sépare. Il n’est pas certain que la loi NOTRé réduira les écarts et les inégalités territoriales, notamment parce qu’elle n’aborde pas les aspects de la fiscalité et renforce le traitement catégoriel des collectivités (sur la base de critères de population notamment) sans interroger sur les fonctions et les usages des différents types de territoires.
GG : Un gros dossier est aussi constitué par la différenciation institutionnelle. Le jacobinisme veut que l’on n’ait qu’un seul modèle institutionnel et que tout le monde fasse partout pareil. Depuis un certain temps on a commencé à explorer des modèles spécifiques à certains territoires : les départements d’outre-mer, la Corse, la métropole de Lyon… Faut-il poursuivre dans ce sens et admettre que les élus peuvent inventer eux-mêmes des gouvernances mieux adaptées à leurs spécificités ? Autrement dit, le mouvement ascendant et la subsidiarité pourront-ils un jour prendre le pas sur le mouvement descendant et sur l’uniformisation ?
Peut-on parler d’une véritable nouvelle étape de décentralisation ?
CG : Pas véritablement d’un nouvel acte en tout cas. Il s’agit davantage de donner satisfaction aux lobbys des grandes associations d’élus sans vraiment jamais poser la question de la fonction communale aujourd’hui et demain selon la taille et les moyens. L’introduction du suffrage direct pour l’élection intercommunale va toutefois dans le bon sens et fera évoluer les choses. La parité également. La question de la décentralisation de l’État qui va départementaliser davantage les services et les moyens qui lui restent après les avoir régionalisés n’est pas traitée dans cette loi. Si la loi donne la possibilité d’une concertation réelle et d’une décision concertée de répartition des rôles et des deniers publics dans l’intérêt général, tout en laissant une part de créativité et d’innovation dans la transformation sociale, on pourra évoquer la décentralisation. Mais n’est-ce pas trop utopique ?
L’ambition initiale d’un 3ème acte de décentralisation a été nettement revue à la baisse avec le saucissonnage en plusieurs textes et le vote fortement symbolique d’un premier texte portant affirmation des métropoles et la création compensatoire de pôles d’équilibre territoriaux ruraux. Ce second texte portant sur la nouvelle organisation de la République est d’abord et avant tout un texte de réforme de l’organisation territoriale locale en région, sans que soit abordé le contenu d’une réforme de l’État en région. Une loi de décentralisation devrait agir simultanément et concomitamment sur les deux plans. Ce constat posé, un texte a été proposé, discuté et largement amendé au Sénat en 1ère lecture ; il revient à l’assemblée largement modifié et repartira au Sénat sans doute dans un état plus conforme à son état initial.
GG : Le Sénat affirme, à juste titre, que le projet de loi n’est pas un projet décentralisateur. La décentralisation consiste à retirer des compétences à l’État et les confier à l’un des trois niveaux de collectivités territoriales. Rien de tel ici. L’État n’abandonne aucune nouvelle compétence, Le projet clarifie, réorganise les compétences mais entre les seules collectivités territoriales. Le Sénat a déployé un forcing pas possible pour que l’État confie aux régions le service public de l’emploi. Le gouvernement a résisté en invoquant l’impossibilité de décentraliser, au moins pour le moment, un Pôle-Emploi en pleine crise.
Plus généralement, le Sénat reproche au projet de loi ne rien dire en ce qui concerne la réorganisation des services déconcentrés de l’État; s’il faut réformer les collectivités territoriales, il faut aussi réformer l’État ; la déconcentration doit être parallèle à la décentralisation. Ce sont les doublons de service et de fonctionnaires entre l’État et les collectivités qui sont le plus budgétivores. Il y a un réel gisement d’économies à réaliser si l’État renonce à un certain nombre de ses services et agences. Mais cela suppose que l’État ait confiance dans les élus et ne passe pas son temps à les surveiller et à les doubler.
Concernant la gouvernance des territoires : y a-t-il des avancées en termes de prise en compte des savoirs citoyens dans la décision publique ?
GG : jusqu’à présent il n’y a pas un mot dans la loi concernant la démocratie locale et la place des citoyens. Les amendements des Verts sur ce sujet, devant le Sénat, ont été retirés ou rejetés, sauf un qui était purement formel. Et le gouvernement a nettement marqué son refus d’aborder cette question. Cela n’est pas de bon augure pour les amendements que nous faisons présenter devant l’Assemblée. Manifestement, les élus, de quelque bord qu’ils soient, sauf les Verts, n’ont aucune ambition à l’égard d’une amélioration de la démocratie locale. Il faut que nous fassions confiance aux élus. Ils sont spontanément démocrates et n’ont pas besoin qu’une loi les contraigne à tenir compte du peuple.
CG : Je ne me prononcerai sur cette question que lorsque le texte définitif sera voté. Pour le moment, les textes, que ce soit celui proposé par le gouvernement, celui voté en 1ère lecture au Sénat ou celui issu de la commission des lois, nous laissent perplexes.
En somme, le projet de loi est vidé de sa substance par le Sénat qui défend les départements et refuse de donner trop de pouvoirs aux régions ; il ne propose rien sur la réforme des services déconcentrés de l’État, reste en désaccord sur l’intercommunalité (seuil), ne présente pas d’avancées démocratiques, dans un contexte où rien n’est amorcé sur la réforme de la fiscalité locale… Les seules mesures significatives restant concernent les transports et l’encadrement de la compétence économique ! Tout ça pour ça… Comment les électeurs vont-ils pouvoir voter fin mars, sans savoir quelles compétences seront dévolues aux futurs conseillers ?
CG : Deux lois ont été votées dont l’application aura un réel impact : la première, la loi Mapam avec la création des métropoles d’une part et des PETR d’autre part qui ont l’obligation de mise en œuvre d’un conseil de développement et de définir un projet de territoire dans l’année suivant leur installation; la seconde sur le calendrier électoral et la carte des régions qui ne seront plus que 13 au 1er janvier prochain. Dans les régions concernées par les fusions, il est difficile de dire qu’il ne va rien se passer. Transfert probable du transport scolaire et des mobilités aux régions d’un côté, de l’autre maintien des routes aux départements : cela conforte la répartition et la spécificité des compétences régionales et départementales. La suppression de la clause de compétence générale est confirmée par la commission des lois de l’Assemblée et a été votée en 1ère lecture. Cela va modifier clairement le rapport entre les assemblées régionales, départementales et locales qui auront de plus en plus de mal à boucler des budgets amputés par les baisses de dotation. Cela étant je vous rejoins entièrement sur la question du citoyen qui va devoir voter fin mars pour une assemblée départementale dont les compétences et les moyens d’agir ne sont pas stabilisés. Ce n’est pas l’idéal pour réconcilier le citoyen avec la politique ! Mais cela n’est pas réellement nouveau. Les couples de candidats aux départementales et leurs remplaçants devront faire de la pédagogie pendant la campagne. À charge pour ceux qui sont élus de conserver ensuite un lien avec leur territoire d’élection qui n’est ni un territoire de gestion de services, ni un territoire d’administration ou d’organisation des politiques publiques.
L’Unadel attend d’une loi de décentralisation qu’elle ne concerne pas que les seuls élus; justement parce que la décentralisation doit permettre des prises de décisions au plus près des concitoyens. L’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques, décentralisées ou non, concernent les citoyens et devraient donc les associer à chacune des étapes, parce qu’ils sont les experts d’usage ; les décisions appartiennent évidemment aux élus qui, pour autant doivent informer et consulter avant de décider, puis rendre compte après en s’appuyant sur une évaluation de l’impact des décisions prises. Il est bon de rappeler des évidences qui semblent parfois bien loin de l’exécutif gouvernemental et des postures parlementaires.
On peut aussi s’interroger sur la fonction du Sénat de représentation des collectivités locales. Ne devrait-il pas être d’abord une chambre de représentation des territoires et donc des collectivités et des citoyens et non pas celle des associations d’élus et des maires ?
Propos recueillis par Blanche Vandecasteele