L’actualité, quelle hiérarchie, quelles priorités ?
Par hasard, la publication de cette nouvelle lettre mensuelle de l’Unadel est bien assurée comme annoncée en ce vendredi 13 décembre, sans retard ni ajournement. Faire ce que l’on dit et dire ce que l’on fait…
En même temps, mais est-ce encore possible d’utiliser ces mots, l’annonce plusieurs fois retardée de la nomination d’un nouveau 1er ministre est enfin tombée. Le projet suivra peut-être. Il peut s’inspirer de la feuille de route rappelée ce matin par Christophe Robert et Marylise Léon au nom du Pacte du pouvoir de vivre, dans la matinale de la radio publique préférée des français. A écouter absolument si vous n’étiez pas à l’écoute à 8h20, ce vendredi 13. Cette interview prolonge le communiqué de presse publié la semaine dernière
Les événements se télescopent et se succèdent, l’un chassant l’autre dans les médias, sans que l’on sache vraiment si l’on doit se réjouir pleinement de l’un ou de l’autre. Peut-on se réjouir sérieusement de la chute en moins de trois mois d’un premier ministre sous surveillance, pour ne pas dire plus, du rassemblement national ? Peut-on se réjouir de la chute, enfin, d’une dynastie de dictateurs sanguinaires en Syrie ? Peut-on se réjouir de la présence de Donald Trump à Paris pour saluer les hommes et les femmes qui ont reconstruit en 5 ans une cathédrale dévastée par les flammes ? Peut-on se réjouir du vote empêché d’un budget qui pèsera encore plus douloureusement sur tous ceux qui n’ont pas les moyens de s’adonner au sport national de l’optimisation fiscale ? Y aura-t-il possibilité d’espérer une fin d’année plus sereine, plus apaisée, donnant de réels espoirs de paix et d’installation d’un régime plus démocratique en Syrie, sans pillage, sans terreur, sans exécutions sommaires, sans retour d’un terrorisme étatique ? Y aura-t-il en Ukraine, au Liban et à Gaza, l’ouverture de négociations sous l’égide de Nations unies, pour faire taire durablement les armes sans laisser germer de nouveaux conflits ? Y aura-t-il en France une volonté transpartisane suffisante pour imposer un changement de politique et un changement de méthode, comme le réclame le Pacte du Pouvoir de Vivre dans son dernier communiqué du 6 décembre dernier ? Peut-on traiter les urgences écologiques et sociales de ce pays sans les sacrifier à la course à l’échalote de la prochaine présidentielle ?
« Là où il y a une volonté, il y a un chemin »
Nous voulons croire qu’il est encore possible de faire un pas de côté et d’être tous acteurs de la vie de nos territoires dans la proximité et le lien social. Le pouvoir d’agir des citoyens, des habitants et des territoires où ils vivent, est une force, une mise en mouvement, une dynamique formidable. Encore faut-il pouvoir s’en saisir pour le mettre au service de la coconstruction et de la consolidation du bien commun. Comprendre pour agir ! Agir sans subir ! Agir sans attiser les haines, sans accentuer les fractures ! Construire en se concentrant sur les tolérances des personnes et leur consentement à l’impôt, au partage, au respect du vivant et de la planète, à une consommation responsable et solidaire, à l’intérêt général avant les petits avantages particuliers…
L’engagement pour le bien commun
Le 29 novembre dernier, nous étions 350 à Nancy pour approfondir nos sources d’engagement aujourd’hui. Lorsque les grands témoins évoquent en toute simplicité d’où vient leur engagement pour le bien commun, il y a de l’authenticité, pas de langue de bois, du vécu et de l’espoir pour demain, parce que les mots disent combien la Fraternité en actes peut contribuer à changer le monde en commençant par sa façon de vivre et de consommer ici et maintenant. On peut retrouver l’enregistrement de cette journée sur la chaine YouTube du conseil départemental 54.
La participation aux élections municipales et intercommunales, une belle opportunité de s’engager pour le bien commun ?
Avec l’expérience de mon engagement au sein du Carrefour des Pays lorrains devenu Citoyens & Territoires Grand-Est et de l’Unadel mais aussi et surtout avec un vécu intense pendant 19 ans de mandat municipal dont 13 comme maire et élu communautaire, cofondateur d’une communauté de communes et d’un pays, je peux affirmer combien l’échelle territoriale, quelle qu’elle soit, est un creuset pour l’engagement à contribuer au bien-être de ses concitoyens, à participer au prendre soin et à s’enrichir du point de vue et de l’angle de vision de l’autre, différent du mien.
C’est aussi un apprentissage, une montée progressive en compétences, parfois trop rapide parce que le quotidien n’attend pas. C’est l’humilité de découvrir très vite que seul, quel que soit son talent, on ne peut pas faire projet et territoire communs parce qu’on l’a décrété. C’est entrer dans un processus, une trajectoire, une aventure humaine, un engagement qui dépasse sa propre personne. C’est se poser la question de son rapport au pouvoir, de son rapport aux autres, proches ou plus éloignés, son rapport au bien commun et à l’intérêt général, aux élus de son équipe majoritaire ou de la minorité, aux habitants et aux acteurs économiques et sociaux du territoire, aux communes voisines, au territoire plus large du département, de la région, de l’Etat nation, de l’Europe et du monde. C’est accepter d’avoir tout à apprendre, de ne rien savoir ou de laisser son savoir à la porte du savoir être et du savoir-faire individuel et collectif.
En un mot, s’engager comme candidat à une élection locale, c’est une entrée en terre inconnue et on doit s’y préparer. Il y a des outils pour cela, des guides, des lieux de formation. Il y a aussi le partage d’expérience ; on n’est pas seul dans la situation, dans l’avant et dans l’après l’élection. Un réseau comme l’Unadel peut y aider, tout comme ses relais régionaux. D’autres réseaux existent aussi, plus ou moins indépendants des courants de pensée politiques, plus ou moins militants, plus ou moins complémentaires. N’hésitez pas à vous renseigner, à les contacter. Certains prônent plus de démocratie participative, d’autres préconisent de mieux décider ensemble ou de s’outiller plus pour gérer mieux.
L’engagement municipal est une entrée en politique au sens de l’engagement pour la cité. Et si l’adhésion à un parti n’est pas indispensable, entrer en responsabilité publique est un choix politique comme celui de voter des budgets, de désigner des grands électeurs, de déléguer ou non des compétences, de créer des régies municipales ou intercommunales pour gérer des services en commun tandis que d’autres préfèreront la délégation de service public au secteur privé. En somme, s’engager au niveau municipal comme intercommunal, c’est apprendre à choisir, s’inscrire dans un processus de prise de décision qui n’est pas anodin. La légitimité de l’élection n’est pas un blanc-seing. Elle oblige à la transparence des décisions, à rendre compte, à informer, à associer et à rechercher le meilleur usage possible de l’argent public en s’accordant sur ce qui est prioritaire et ce qui peut attendre. Être élu, comme envisager de l’être, c’est donner du temps à la communauté de la ville, du village, du territoire intercommunal, souvent sans réelle contrepartie financière. C’est une vraie source d’enrichissement relationnel, parfois d’emmerdements, mais cela demeure passionnant. Cela fait grandir quand cela permet d’entrer dans une communauté apprenante ou les leaders sont des ouvreurs, des animateurs, des facilitateurs. On n’est pas obligé d’être d’accord sur tout et avec tous, mais mon point de vue vaut autant que celui de l’autre et mérite autant d’être écouté que celui de l’autre pour peu qu’on ait accédé ensemble aux mêmes éléments d’information. L’engagement dans son territoire et pour le bien commun passe aussi par beaucoup d’autres espaces tout aussi importants qu’un conseil municipal, que ce soit dans la vie associative, dans un conseil de développement, une organisation syndicale ou mutualiste, un parti politique ou une société coopérative d’intérêt collectif, une organisation de l’économie sociale et solidaire, l’encadrement d’un club sportif, la protection de l’environnement ou l’action caritative…
Nos racines communes continueront à produire de nouvelles pousses : seront-elles de nouvelles graines de démocratie et de transformation écologique et sociale dans les territoires locaux ?
La commune est une des racines de l’intercommunalité. L’une ne s’oppose pas à l’autre. Il appartient aux hommes et aux femmes de redéfinir ensemble ce qu’elles et ils attendent de la fonction communale et d’organiser les coopérations entre communes pour gérer et développer ensemble ce qui peut être utilement porté à une échelle plus large. Les communes sont des lieux d’apprentissage du vivre et du faire ensemble territoire commun. Les intercommunalités sont aussi des lieux de coopération et d’apprentissage de l’organisation et de la gestion des biens communs au service de tous. On en a parfois fait des lieux de pouvoir centralisés ou d’hyper technicisation. Mais ce sont avant tout des coopératives de territoires. Reste que le mode d’élection à l’échelon intercommunal et l’articulation entre les bourgs centres et les autres villes et villages méritent d’être plus directs, plus lisibles et plus partagés avec l’ensemble des élus communaux et la population. L’opposition entre communes et intercommunalité est stérile et ne débouche jamais sur un renforcement de la démocratie locale ni sur une meilleure préparation à faire face aux crises et aux besoins essentiels des habitants et des acteurs locaux. Mieux s’écouter, mieux se parler, mieux travailler ensemble sur des objectifs clairs et négociés, permettra de consolider ce qui fonctionne bien, de pallier les insuffisances et de renforcer la formidable ressource humaine apportée par tous les élus locaux et par leurs administrations qui s’engagent sans toujours savoir comment ils peuvent être utiles.
L’Unadel a besoin de pouvoir proposer une pensée renouvelée de « la démocratie du faire ensemble société » dans une période de profonde mutation et de défiance gangrénante vis-à-vis de ceux qui prennent des responsabilités publiques, souvent avec courage et total désintéressement. Notre appel à manifestation d’intérêt sur le thème « transitions territoriale et démocratie » rencontre un vrai succès. Pour permettre d’affiner les candidatures, le délai de retour a été décalé au 20 décembre. Le choix des territoires sera fait en début d’année 2025 et nous y reviendrons donc en janvier. Nous restons à l’écoute de toutes les propositions qui pourraient être financées de manière pluri partenariale à l’échelle locale. Notre prochain jeudi du développement local consacré au rapport entre communes et intercommunalités répond à une attente forte. Il ne doit pas être un débat entre adversaires et partisans de l’intercommunalité ou de la suppression des communes ; au contraire, il doit permettre de se souvenir que nous avons contribué à développer les liens entre collectivités locales pour en faire des territoires de projet, de propositions et d’administration tout en conservant des fonctions d’animations et de reliance entres les personnes et les diverses catégories d’acteurs. Chaque échéance électorale locale est l’occasion de regarder d’où on vient et de se donner les moyens d’atteindre un objectif qu’on se donne en commun.
Communes + intercommunalité = territoires décentralisés, organisés et plus robustes pour un meilleur service public à l’échelle des départements et des régions. C’est le socle commun dont nous avons besoin pour renforcer la démocratie républicaine, une société de bienveillance, de justice écologique et sociale, une société du prendre soin de tous et de chacun, dans le respect de la laïcité et des convictions de chacun.
Pour conclure, un coup de chapeau !
Bravo aux salariés et aux administrateurs de Citoyens & Territoires Grand-Est qui viennent de conclure un processus d’expérimentation d’une nouvelle organisation du travail. Il s’agissait d’abord d’être en phase avec les valeurs de l’association en matière de transition en offrant une meilleure qualité de vie aux salariés, en favorisant la parité homme-femme, en limitant les déplacements, tout en maintenant le même niveau d’activité et la même qualité ! Il est apparu que cette mesure a également permis de mieux s’adapter aux contraintes de déplacement et aux multiples sollicitations des acteurs locaux de 10 départements de l’Est de la France (dont plusieurs transfrontaliers), dans un contexte de réduction des moyens financiers ou de désengagement de financeurs publics. L’expérimentation a duré une année avec une nouvelle organisation de travail et une réduction du temps hebdomadaire afin de tendre vers la semaine de 4 jours en 32 h.
Au terme de cette expérimentation très suivie par un comité de pilotage composé de représentants de l’Agence Régionale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (ARACT) et de l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS), les salariés et les administrateurs ont été amenés à faire le bilan et à décider ensemble de l’abandon ou de la poursuite durable de ces nouvelles dispositions dont chacun a pu mesurer l’impact sur la vie professionnelle et la vie personnelle. Le temps consacré aux engagements personnels de chacun hors de la vie professionnelle est manifestement plus important et ce n’est pas le seul bénéfice. Plus de journées d’intervention comptabilisées dans les territoires, plus de personnes rencontrées, plus d’animations assurées.
Aussi après un débat nourri entre salariés et administrateurs, une autre expérimentation, celle de la décision par consentement, a permis d’adopter définitivement cette organisation et de maintenir des outils d’accompagnement et de suivi.
Comme Citoyens & Territoires, il nous faut continuer à imaginer le futur en intégrant tous les changements sociétaux apparus notamment avec la Covid, et trouver de meilleurs équilibres entre tous nos engagements, familiaux, professionnels et militants. Un chantier passionnant dont chacun doit pouvoir sortir gagnant grâce à une approche plus collective.
Bonne fin d’année à toutes et tous