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Et si l’on faisait confiance aux habitants.

Alexandra Schwartzbrod du journal « Libération » introduit le forum des solutions solidaires organisé le 9 février par son journal et le département de la Gironde, en nous invitant à expérimenter. Je ne saurais trop vous conseiller de lire l’excellent dossier consacré à cet évènement dans l’édition datée du 2 février. Il fait une large place aux propositions du Pacte du Pouvoir de Vivre et présente l’écologie comme un bien à partager :

« Plus que jamais les territoires vont compter. Et avoir leur mot à dire. Quand on voit la facilité avec laquelle le gouvernement déclare vouloir s’affranchir des normes environnementales afin de satisfaire les agriculteurs en colère, il va y avoir besoin d’énergie, de convictions et de pédagogie sur le terrain pour donner un sens et mettre en pratique une écologie solidaire apte à mobiliser une société civile de plus en plus désabusée par le manque d’engagement, voire le désengagement du pouvoir politique. »

Comme l’indique Alexandra Schwartzbrod, les territoires sont les lieux idéaux pour expérimenter la garantie d’emplois territorialisée, comme la sécurité sociale de l’alimentation et toute autre initiative solidaire qui procure un certain bonheur local de faire ensemble.

Et si la traditionnelle présentation annuelle des activités proposées par les associations locales se transformait en forum des solutions solidaires… ?

Nous ne nous transformerons pas en fantassins du développement local.

Quitte à être à contre courant, j’invite à ne pas céder à cette mode de la métaphore militaire. Depuis la Covid notre président nous invite régulièrement à entrer en guerre. Il appelle désormais au réarmement civique. Il invite même au réarmement démographique pour inverser la courbe des naissances. Y aura-t-il des sanctions et lesquelles, en cas de non exécution ?

Soyons sérieux. La guerre, comme la violence verbale ou physique, ne sont jamais de bonnes solutions, mais bien le moyen de masquer l’impuissance, l’infertilité, l’incapacité à agir…

Le développement local est tout le contraire : c’est la fertilisation croisée, l’émergence des idées positives qui peuvent naître de la controverse, voire du conflit. J’invite les réseaux du développement local à approfondir le vocabulaire et à choisir les mots qui sauvent plutôt que ceux qui tuent.

Pourquoi le passage à l’échelle de la lutte contre les gaz à effets de serre devrait-il devoir mobiliser des cohortes de territoires plutôt que de cheminer ensemble vers des conduites de changement en tenant compte de l’expérience et des capacités de chacun ?

Pourquoi l’incitation à s’engager aux prochaines municipales doit s’accompagner d’une invitation à lever des hordes de listes citoyennes ?

On connaît la mégalomanie de certains responsables politiques qui se prennent tantôt pour Jupiter, pour Bonaparte, De Gaulle ou Fidel Castro.

Les défis que nous avons à relever ne sont-ils pas suffisants ? Ceux de la pauvreté, des inégalités, du pouvoir d’achat, de la santé, de la fraternité avec les plus pauvres, les étrangers, les victimes du manque d’eau et de nourriture, les agriculteurs dépendants des subventions et des produits phytosanitaires que leur impose le modèle de l’agroalimentaire et la chimie ?

Ne cédons pas à la facilité qui consiste à désigner un ennemi, un bouc émissaire pour laisser penser qu’on peut ressouder ainsi une société. Ce qui se passe au Moyen-Orient depuis 60 ans illustre l’échec de la guerre à résoudre les problèmes. Les gouvernements sont prompts à déclarer la guerre et l’urgence absolue, celle qui demain sera remplacée par une autre. Et pendant ce temps les territoires subissent les promesses non tenues et se détournent de la co-construction de solutions en espérant toujours mieux s’en sortir que le voisin s’ils frappent aux bonnes portes et trouvent des appuis bien placés.

Entrer en guerre c’est faire mourir la terre avec du glyphosate plutôt que la nourrir. C’est couper la tête au vivant, humain, animal et végétal. C’est scier la branche sur laquelle on est assis.

Faire la paix, c’est construire des solutions solidaires et permettre des initiatives créatives. Et si le développement local permettait de cultiver la paix comme une parcelle de bonheur local qui peut sauver le monde global ?

Les territoires ont-ils besoin d’un gouvernement ? d’un nouvel acte de décentralisation ? et si oui pour quoi faire et avec quels moyens ?

Alors que les politiques publiques n’ont jamais été aussi recentralisées autour de l’Etat, de ses agences et de ses préfets, on est gouverné depuis bientôt 30 jours par un conseil resserré des ministres. Mais on nous dit que la poignée de ministres désignés début janvier sont au travail et qu’ils s’occupent de tout avec le premier ministre pourtant bien occupé par ses déplacements quotidiens et les manifestations des agriculteurs et des enseignants, et avec le PR lui aussi très occupé sur la scène internationale.

L’annonce d’une nouvelle loi pour la fin de l’année qui préciserait les compétences des collectivités peut donner à penser qu’on va enfin leur redonner de la marge de manœuvre. Le rétablissement d’une fiscalité directe sera-t-il envisagé ? Si non, on passera encore à côté d’une vraie loi de décentralisation. Nous serons attentifs aux propositions des associations d’élus et à celles du rapport du député Woerth qui a reçu commande du gouvernement. Nous y reviendrons dans les semaines à venir en formulant nos propres propositions qui toucheront à la gouvernance locale, à l’ingénierie du débat public, à l’implication citoyenne dans la décision publique, à la prise en compte du sensible et du paysage dans les politiques territoriales. Elles s’intégreront dans les propositions du Pacte du pouvoir de vivre qui vient d’adresser à Gabriel Attal une demande de rendez-vous. (cf. lettre au 1er ministre).

A ce jour et dans l’attente de l’annonce d’un gouvernement complété, nous ne connaissons pas tous les interlocuteurs qui seront les nôtres cette année. Pour autant nous espérons bien pouvoir poursuivre les écoutes dans les territoires qui nous solliciteront. Car il est plus que jamais nécessaire d’habiter, de travailler et d’agir dans nos territoires de vie confrontés aux réalités climatiques et environnementales, économiques, sociales et démographiques.

Nous espérons pouvoir également faire bénéficier de notre expérience et d’une certaine expertise en matière de politique de la ville pour que les quartiers soient acteurs de leur transition et participent à l’émergence de villes plus accueillantes, plus vivables et plus durables.

Il n’y a pas de territoires sans devenir. Villes et villages constituent des pays, en mosaïque ou en archipel, qui donnent des couleurs, un modèle et une singularité que la France doit préserver, valoriser, développer et promouvoir en Europe. Les solutions sont au plus près de chacun d’entre nous.

Dommartin les Remiremont, dimanche 4 février 2024

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