Peut-on encore sauver la démocratie en agissant à l’échelle locale ?

À l’occasion de notre Journée des Territoires, organisée le 1er décembre 2025 à la Halle Pajol à Paris, Loïc Blondiaux[1] dont les recherches portent sur les innovations démocratiques et la participation citoyenne, réagit à l’Agora des territoires de la matinée et livre un regard lucide sur l’état de la démocratie locale et les défis à relever pour la revitaliser.

Trois stratégies pour transformer la société

S’inspirant du sociologue américain Eric Olin Wright, Loïc Blondiaux distingue trois grandes stratégies de changement politique : la stratégie révolutionnaire, aujourd’hui largement discréditée ; la stratégie réformiste, rendue difficile par le manque d’ouverture des institutions ; et la stratégie interstitielle, qui consiste à agir dans les marges laissées par le pouvoir, mais qui se heurte à la répression ou à la récupération. Toutes trois apparaissent aujourd’hui fragilisées.

Pourtant, des échanges entre les territoires écoutés durant la matinée, il retient trois objectifs de transformation : la justice sociale, la protection des écosystèmes et la participation démocratique. Pour lui, ces horizons sont intimement liés : il n’y aura pas de justice sociale sans plus de participation démocratique, ni de respect du vivant sans reprise du pouvoir par les citoyens. Il y a là selon lui , quelque chose de fédérateur avec une infinité de déclinaison sur les territoires.

Les obstacles à la transformation sociale

Loïc Blondiaux pointe deux types d’obstacles à la transformation sociale : certains élus et les classes populaires.

Certains élus, parce qu’attachés à des modèles de développement traditionnels et qui s’opposent au partage du pouvoir et à la justice sociale. Pour les affronter il suggère de lier différentes stratégies : celle de Fréquence Commune, qui propose de prendre le pouvoir, celles des Etats Généraux Communaux, qui souhaitent imposer la parole du citoyen dans le débat politique et enfin celle de l’Unadel qui défend des méthodes de dialogue et de consensus.

Les classes populaires, elles,  souvent absentes des dynamiques participatives, ne croient plus aux discours politiques et se sentent parfois humiliées par des initiatives mal adaptées à leurs réalités. Pour renouer le dialogue, il invite avant tout à les écouter : « votre dispositif d’Ecoute évoqué ce matin est absolument indispensable: partir de leur agenda, de leurs besoins, et donc les respecter et ne pas les humilier ».

Le rôle des leaders charismatiques et des événements déclencheurs dans les initiatives locales

Il note enfin que les initiatives locales de démocratie participative naissent souvent sous l’impulsion de leaders charismatiques ou en réaction à des événements exogènes, comme des catastrophes naturelles ou des projets contestés -une réaction de résistance peut, parfois, se transformer en volonté de transformer politiquement le territoire. Pour lui, la reconstruction de la démocratie locale nécessitera de nombreux déclencheurs de ce type pour mobiliser les citoyens et il souligne l’importance de deux notions : la « démocratie du faire », où l’action prime sur les discours, et la « démocratie du vivant », qui place la protection des écosystèmes au cœur du projet politique.

[1] Professeur de science politique à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne,  Chercheur au Centre Européen de Sociologie et de Science Politique (CNRS/EHESS/Paris 1), Membre de la Commission Nationale du Débat Public

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