L’édito de Claude Grivel – 13 mars 2024

L’actualité de l’unadel hésite entre le bonheur territorial (thème de notre dernier jeudi du développement local fort passionnant) et l’inquiétude d’un futur compliqué. L’expérience de l’équipe de Cap rural en Auvergne Rhône Alpes manquera dans le paysage. Nous saluons le travail de ces professionnels et partageons la colère de son ex directrice ” quant à la dérive de l’action publique actuelle qui ne revendique et ne défend plus des services capables de susciter et produire des biens communs à partir des connaissances et des compétences d’individus, de structures ou de territoires différents. »
A l’inverse, poursuit-elle lors du clap de fin de Cap rural, « je voudrais célébrer ici l’audace des inventeurs du CRDR (centre régional de ressources du développement rural) qui connaissaient le terrain, la nécessité d’impulser l’émergence de porteurs de projet et de dédier les moyens nécessaires à leur travail. Ils avaient une vision du service public, d’un espace rural pas exclusivement agricole et se battaient pour conserver des marges d’action“.
Les financements publics ne sont jamais assurés et le modèle économique des centres de ressources ou de réseau comme le nôtre est toujours à réinventer. Qu’il serait doux de pouvoir commencer un exercice budgétaire avec un peu plus de sécurité et de visibilité. Qu’il serait bon de pouvoir disposer d’une feuille de route négociée et contractualisée en fin d’année précédente pour la suivante ! Qu’il serait utile de pouvoir organiser nos travaux avec les acteurs qui font la vie des territoires et avec nos réseaux et relais régionaux en sachant que les salaires ou les frais de déplacements pourront être normalement payés.
Comment recruter des moutons à 5 pattes, les fameux couteaux suisses du développement local, les faire monter en compétence tout en les acculturant à l’histoire , aux méthodes, aux principes et valeurs du développement local, tout en leur faisant découvrir la richesse et l’inventivité des territoires et de leurs organisations, quand on n’est pas sûr de pouvoir leur garantir un contrat de travail digne de ce nom avec une rémunération adaptée au talent et aux contraintes du poste ?
Comment mobiliser durablement des administrateurs et des adhérents quand on ne peut pas les défrayer de leurs frais de déplacement ? Comment faire mieux connaître ce que l’on fait quand on ne peut s’appuyer en tout et pour tout que sur un ou 2 salariés pour animer le réseau, organiser les événements, rechercher des financements, animer des formations, assurer des accompagnements de territoire en composant des équipes pluridisciplinaires associant des professionnels, des bénévoles, des enseignants-chercheurs et des alliés ? Nous ne sommes ni un bureau d’étude, ni tout à fait un think thank. Pour autant nous pouvons produire et élaborer des propositions dans le domaine des politiques publiques, de la décentralisation de la démocratie du faire… mais cela a un coût qui devrait pouvoir être mieux pris en compte par les territoires locaux comme par la puissance publique, Europe, Etat et Régions notamment …
Nous ne sommes pas le seul réseau à connaître ces difficultés. C’est récurrent, c’est usant et ça n’intéresse personne.
J’espère cependant que l’horizon se dégagera dans les semaines à venir et que nous pourrons remplacer rapidement Yvan Lubraneski, tout nouveau délégué national, qui a préféré la sécurité d’un poste mieux rémunéré en collectivité dans sa région de cœur plutôt que de s’inscrire plus durablement dans la fragilité de lendemains incertains.
Bien évidemment, au regard de l’actualité internationale et de la situation de beaucoup de pays du monde, acceptons de penser que des solutions existent ici tant que le dialogue n’est pas rompu entre l’Etat, les collectivités locales, les corps intermédiaires et la population. Mais soyons vigilants : la colère est là dans les territoires, l’aigreur et la résignation aussi qui pourraient bien se traduire à nouveau par des formes de violence ou de rejet dont certains sauront certainement se servir à des fins électoralistes. Et il n’est pas certains que les concessions faites au monde rural et à l’agriculture en particulier ne se paieront pas très chères en matière de bilan carbone et sanitaire d’abord, de nouvelles entorses à la cohésion sociale et territoriale ensuite.
Comment remettre l’ouvrage de la reliance, du tissage de liens sur le métier du développement local et du développement social tout en ouvrant de nouvelles perspectives d’une prise en compte du sensible et du fragile ?

L’Europe ? La solution ou le problème ?
Quels enjeux ? Quelles perspectives pour le développement local ?
Quelles propositions pour l’Union et pour les futurs parlementaires ?

Comment parler sereinement des enjeux de ces prochaines élections européennes qui ne se réduisent pas aux stratégies des différents partis politiques, ni même aux prévisions de participation à un scrutin qui n’a jamais passionné et particulièrement moins depuis le référendum sur la constitution européenne ?
L’Europe nous a protégés de la guerre depuis plus de 75 ans. Elle a permis de trouver des solutions pendant la pandémie et nous avons une certaine nostalgie du rêve européen des Monnet, Schuman et Delors.
Quels sont aujourd’hui les défis à relever et quel est l’impact de l’Europe dans la vie des territoires ? Le « jeudi du développement local » du 28 mars prochain traitera de cette question : “L’Europe au service du développement local ?”

Le Pacte du Pouvoir de Vivre a également rédigé une contribution/interpellation qui sera disponible dans quelques jours pour proposer une vision cohérente d’un projet européen qui allie social, écologie et démocratie et qui accueille, protège et accompagne chacune et chacun dans un monde en grande tension. Pour les organisations du Pacte, dont l’unadel, la construction européenne doit être un socle de valeurs, un territoire commun qui trace des voies de solidarité entre les européens et le reste du monde.

Décentralisation et clarification de l’action publique territoriale

Nous avons saisi l’opportunité de la mission confiée par le Président de la République à Eric Woerth, député, ancien ministre, pour tenter d’actualiser notre pensée sur le sujet. L’unadel a été auditionnée à sa demande par le mission Woerth ce qui nous a conduit à produire différentes contributions en amont de cette rencontre et à proposer une note de synthèse avec 2 fiches de propositions plus spécifiques à la demande de nos interlocuteurs, l’une portant sur l’interterritorialité et l’autre sur le besoin de soutenir une ingénierie territoriale généraliste et dans les territoires, notamment ruraux mais pas seulement.
Vous pourrez découvrir ces contributions dans le sommaire de cette lettre. Nous publierons prochainement un dossier plus complet reprenant l’historique de la décentralisation, avec un volet bilan, perspectives et propositions.
Ce travail a été mené en atelier coopératif. Il n’a pas la prétention de se substituer à l’ouvrage publié en 2012 intitulé « Décentralisons autrement » qui conserve nombre de propositions restant d’actualité. Pour autant nos réflexions de ces dernières semaines partent du parti pris que la question du mille-feuille territorial ou du retour d’un conseiller territorial ne sont pas forcément des solutions de simplification ni des priorités. En revanche nous avons cherché à préciser quelques propositions singulières au sujet des contractualisations, du mode d’élection que nous souhaitons au suffrage direct pour les intercommunalités et sur scrutin de liste pour les départements, en supprimant les cantons, afin de réaffirmer les missions essentielles de solidarité de cette collectivité. Nous envisageons un droit singulier pour renforcer l’autonomie des collectivités locales et leur libre administration en suggérant l’accord des élus sur cadre commun avec la mise en place de charte de fonctionnement qui pourrait tenri compte de la différenciation entre les territoires.

Le débat n’est pas clos, ni au sein de l’unadel, ni sans doute au sein des instances gouvernementales. Mais si les propositions de la mission Woerth débouchent sur de nouvelles propositions législatives nous espérons qu’elle ne renforceront pas la tendance à la re-centralisation d’une part, et à l’uniformisation d’autre part.

À noter : notre assemblée générale se déroulera le 23 avril prochain en visioconférence pour en faciliter l’organisation et éviter les déplacements compliqués. En revanche nous espérons pouvoir nous retrouver physiquement en juin en Occitanie à l’occasion des rencontres régionales de TCO qui pourront coincider avec nos journées des territoires.

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