Découvrez les premiers enseignements des Écoutes territoriales 2021 !
Entre 2015 et 2019, l’Unadel a écouté (et réécouté) plus de 20 territoires engagés dans une transition écologique affirmée. De ces démarches de longue haleine suivant des étapes progressives mais non linéaires, l’équipe en a extrait des enseignements permettant d’outiller de nouveaux territoires qui souhaiteraient se lancer.
Après avoir consolidé les premiers enseignements tirés de l’écoute de ces territoires, l’Unadel et ses partenaires ont souhaité cibler des éléments spécifiques qui méritaient d’être approfondis parmi les problématiques communes. Le développement de l’implication habitante identifié comme un des piliers des démarches de transition soulève la question plus précise de l’articulation entre les initiatives citoyennes et l’action publique, thème que l’Unadel a donc décidé d’interroger en 2021.
Pour en savoir plus sur les Écoutes territoriales :
« Les transitions territoriales, un défi et une opportunité pour les acteurs du développement territorial »
L’UNADEL et l’IRDSU ont le plaisir de vous présenter « Les transitions territoriales, une exigence et un défi pour les acteurs du développement territorial ». Ce document de capitalisation est issu des travaux réalisés de 2018 à 2020 dans le cadre du cycle de travail « Développement territorial, transitions et renouvellement de l’ingénierie » du Carrefour des métiers du développement territorial (CDM). Il a été rédigé par un groupe composé d’universitaires, de membres de l’UNADEL, de l’IRDSU et de partenaires (CAP RURAL, CNCD…) avec le soutien de l’ANCT.
La vocation du document est d’apporter des éclairages sur les mutations que connait le développement territorial au regard des enjeux de la transition écologique et ses incidences en termes d’ingénierie, d’évolution des politiques publiques et de compétences des développeurs. Il comprend à la fois des apports théoriques, des retours d’analyses de dynamiques territoriales de transition et des exemples de projets développés sur les territoires. Des fiches thématiques, ainsi que de nombreux liens à des documents ressources, permettent, pour ceux qui le souhaiteraient, un approfondissement des sujets abordés.
N’hésitez pas à nous faire des retours sur le contenu du document, bonne lecture !!

Les livres de l’Unadel : “Vous avez dit…”
Vous avez dit développement local ? (TOME 1) Vous avez dit…territoires, intercommunalités, développement local (TOME 2)
Vous avez dit… territoires, intercommunalités, développement local
Disponible depuis le 08 janvier 2021 !
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Le développement local, accélérateur de changement
Une histoire et un savoir à partager pour construire demain
Vous avez dit … territoires, intercommualités, développement local : Ce livre est le fruit d’un travail collectif et coopératif initié par l’Unadel (Union Nationale des Acteurs du Développement Local). Il retrace l’actualité récente du développement local et des collectivités locales. Il se penche notamment sur les bouleversements apportés par les lois sur l’intercommunalité depuis 1992,et sur la place et le devenir du développement local.
Il sera particulièrement utile aux acteurs locaux et notamment aux nouveaux élus, confrontés à la crise sanitaire singulière de 2020 et à ses conséquences, à des situations financières parfois délicates, à des exigences citoyennes de plus en plus fortes… Ce livre est conçu comme un outil au service des territoires en charge de construire une voie prometteuse de changements et d’innovations dans les transitions, pour que le monde d’après puisse exister pour les générations à venir. Il s’inscrit évidemment dans la pleine continuité du livre Vous avez dit Développement local.
Avec le soutien de la Caisse des dépots et consignations
Et pour rappel le TOME 1 :
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Des hommes et des territoires
Le développement local, accélérateur de changement
Une histoire et un savoir à partager pour construire demain
Ce livre est le fruit d’un travail collectif et coopératif initié par l’Unadel (Union Nationale des Acteurs du Développement Local). L’importance du sujet et de la matière est vite apparue considérable. Il fallait une mise en récit d’un processus et d’une démarche pour suivre le fil conducteur de ce qui constitue un premier volet d’une histoire vécue et incarnée ; c’est le sens de cette œuvre collectivement engagée et des développements qui suivront la publication de cet ouvrage.
Ce livre est aussi un recueil de clefs pour comprendre et se projeter dans un monde en profonde mutation. C’est un socle de transmission de savoirs. Écrit à plusieurs mains autour du métier à tisser de Georges Gontcharoff, dont la plume est toujours aussi précise et alerte, il est mis à disposition des étudiants, des chercheurs et tous les observateurs avisés de la résilience des hommes et des territoires ; il s’adresse également aux militants et à tous ceux qui, dans leurs responsabilités respectives, œuvrent pour une société plus juste, plus humaine et plus désirable.
Le local, avec ses espaces de rencontres et de co-construction, pourrait bien réenchanter une République des territoires de projet, souvent malmenés par les différentes étapes d’une décentralisation inachevée et les réorganisations successives.
Parce qu’ils révèlent le pouvoir d’agir issu de l’initiative individuelle et collective des citoyens et d’élus créatifs et visionnaires, les morceaux choisis de ce livre peuvent agir comme une boussole. Puissent-ils servir de balises pour l’engagement et la participation de chacun à prendre sa part dans l’œuvre de transformation globale du monde.
Claude Grivel, Président de l’Unadel
Graines de résilience – Bilan du Tour de France de La Traverse
La Traverse a réalisé pendant 6 mois un Tour de France des territoires ruraux pour y observer les dynamiques à l’œuvre en matière de transition écologique et sociale. L’association en a tiré une série radio dans laquelle chaque podcast présente un territoire traversé. Dans une perspective de résilience, le choix des territoires ruraux était lié à la volonté d’étudier les opportunités situées à l’écart des grandes villes et des métropoles, qui malgré leurs défauts et vulnérabilités, concentrent l’essentiel de l’attention et des moyens.
La Traverse a publié un bilan de ce Tour de France.
Il présente ses principaux enseignements sur les enjeux propres aux des territoires ruraux, sur le foisonnement d’initiatives alternatives, et sur les manières d’y impulser des dynamiques de transition. Partant du constat que les initiatives locales donnent lieu à des dynamiques qui sont de forme et d’ampleur différentes d’un territoire à l’autre, l’association tente d’identifier ce qui permet à ces initiatives (les “graines”) de faire système et de contribuer au renforcement de la résilience.
Le résumé de ce bilan est disponible ici.
Retrouvez les portraits de territoire et les podcasts réalisés lors de ce Tour de France :
Portrait de La Traverse – Pôle métropolitain Nord-Franche-Comté Belfort
Retrouvez ici le podcast de La Traverse,
“Le Nord-Franche-Comté, héritage industriel et écologie”.
Le Pôle Métropolitain Nord Franche Comté englobe les pôles urbains principaux de Belfort, Montbéliard et Héricourt. Ce territoire de 306 000 habitants est situé dans la plaine entre les Vosges et le Jura, et est voisin de la Suisse sur sa partie Sud Est.
Gouvernance et dynamique démographique
L’aire urbaine a une existence juridique, d’abord sous la forme d’un syndicat mixte, puis, depuis 2016, sous la forme du pôle métropolitain. Il regroupe en tout 5 EPCI, et se déploie sur 3 départements (Territoire de Belfort, Doubs et Haute Saône).

Belfort et Montbéliard sont très urbanisées. Héricourt est la partie plus rurale du pôle, mais elle subit les effets du dynamisme des 2 autres villes et de leur extension par l’artificialisation de ses terres agricoles. Le pôle dans son ensemble a une population stable, renouvelée par le solde naturel, qui compense un solde migratoire négatif. Les départs s’expliquent pour beaucoup par l’attractivité du Grand Besançon, ou par l’installation des ménages modestes hors du pôle, vers des zones ou l’immobilier est plus accessible. Une cause de départ importante est également la périurbanisation, et concerne des personnes qui, tout en conservant un emploi dans le pôle, s’installent en dehors. On remarque aussi que les 3 villes de Belfort et Montbéliard perdent des habitants au profit des villes voisines. Ce phénomène participe à l’artificialisation des sols, qui a été plus rapide dans ces territoires que dans la moyenne française (1,95% pour Héricourt, 1,78 % pour Montbéliard)[1].

Belfort et Montbéliard, les 2 villes principales, sont concernées par le programme action cœur de ville, pour la revitalisation des centres villes des villes moyennes. Le Pays de Montbéliard Agglo est de plus concerné par un contrat de transition écologique, avec comme axe stratégiques la création d’une recylerie, la rénovation thermique de bâtiments communaux, et la production d’énergies renouvelables.
L’activité industrielle, héritage et axe de développement privilégié par les pouvoirs publics
Depuis le XIXe siècle avec l’installation d’une filature dans la ville de Bethoncourt, ou encore le développement d’une mine de fer, l’aire urbaine est marquée par la présence de l’industrie. Cette tendance se confirme dès 1879, avec la création de la Société Alsacienne de Construction Mécanique, à Belfort, qui devient Alsthom en 1928.
Entre temps, l’usine historique de PSA s’installe à Sochaux en 1912. Au pic de son activité, en 1979, elle comptait 40 000 employés. Aujourd’hui, elle embauche 7000 personnes, en majorité dans des contrats d’intérim, car « l’activité économique internationale et aux décisions stratégiques de grands groupes industriels induit un besoin de flexibilité de la main-d’œuvre plus élevé qu’ailleurs »[2] La généralisation de l’intérim marque le territoire, puisqu’elle augmente la précarité des personnes.
L’orientation industrielle du territoire depuis 2 siècles explique également un taux de chômage relativement élevé, et un revenu par habitant relativement bas :

Aujourd’hui, Général Electric, qui a racheté Alstom en 2014, annonce la suppression de 485 emplois, soit 27% de ses effectifs. Cette annonce ébranle le territoire, qui est toujours très dépendant de ses quelques industries pour sa survie économique. 24 % des emplois occupés sont des emplois industriels, et la majorité des autres emplois dépendent, même indirectement, de cette activité.
Focus sur Bethoncourt : Dans cette ville proche de Montbéliard, la forme urbaine est héritée de la période industrielle. Dans les années 1950 et 1960, face à l’augmentation de l’activité de PSA, est construit sur le haut de Bethoncourt une cité pour loger ses ouvriers. La population de la ville augmente en conséquence, pour atteindre 11 000 habitants. Ils sont aujourd’hui 5 000, et il existe une fracture entre la partie basse, constituée du village historique, et la partie haute, dont bon nombre des barres d’immeubles ont été détruites, et qui est aujourd’hui classée en QPV (quartier prioritaire de la ville). Le taux de chômage dans la ville est de 16%, et de 40 % dans le quartier de Champvallon. L’industrie automobile, en comptant les secteurs liés, reste le premier employeur.
Les perspectives d’évolution de l’économie du territoire restent centrées sur l’industrie. Le Nord Franche Comté est le principal « pôle économique et industriel » de la région Bourgogne Franche Comté.
Lauréat du projet Territoire d’innovation, il va recevoir 70 millions d’euros sur la période 2020-2028, notamment pour encourager la structuration de filière sur l’hydrogène, ou encore créer des tiers lieux d’innovation industrielle.
Des possibilités de diversification de l’économie pour un développement local
La diversification de l’économie est un travail mené par PMA, mais l’idée que celle-ci peut être facilitée par la transition écologique peine à se faire une place.
“L’agglo (de Montbéliard) a des dispositifs pour favoriser des pépinières d’entreprises innovantes, il existe une volonté de diversifier, car on sait qu’il n’y aura pas de grosse entreprise comme Peugeot qui va venir s’installer, il s’agit donc de faire du maillage un peu plus fin et de favoriser des initiatives un peu plus individuelles”
Guillaume Rimbert, Directeur général des services de Bethoncourt.
Néanmoins, plusieurs structures se développent, créent des emplois utiles pour la transition écologique et ainsi offrent des réponses aux problèmes issus de la mono-industrie. Nous en détaillons ici 3. Les deux premières proposent des modèles économiques assez éloignés de ceux de l’industrie.
Les jardins du Montvaudois à Héricourt
Le jardin est un chantier de réinsertion, qui embauche des personnes éloignées de l’emploi pour cultiver le potager de 2 hectares en maraichage biologique. Il produit 270 paniers de légumes hebdomadaires, et grâce à la nouvelle parcelle acquise dans la ville voisine de Trémoins, va passer à 400 paniers en 2020. Il offre ainsi une production alimentaire de proximité en circuit court aux ménages de la région, et accompagne les personnes en réinsertion dans la recherche d’un emploi.
Le jardin d’idées, à Bavant, dans Pays de Montbéliard Agglomération, fonctionne selon le même système. Les deux structures appartiennent au réseau des jardins de Cocagne. Ce type de structures, à fort impact à la fois social et environnemental, souffre de la concurrence entre usages des sols.
“Il est nécessaire de bien réfléchir à comment on réserve et partage le foncier, on est sur un secteur périurbain qui demande aux collectivités de réserver du foncier pour du développement commercial et de l’habitat, ce qui laisse peu de place au développement agricole, alors que se nourrir localement, c’est tout l’enjeu de demain, et d’aujourd’hui”.
Marie Agnes Rondot, Directrice des jardins du Montvaudois
Le Bar Atteint à Belfort
Cette structure embauche 10 personnes en réinsertion dans les métiers du service et de la restauration. Le lieu est mis à disposition des habitants et des associations du quartier et de la ville pour l’organisation d’évènements. Elle cherche à terme à créer un réseau d’échange de savoirs et de services. L’objectif de ce lieu, en plus de renforcer le lien social, est d’améliorer l’autonomie des personnes.
“De mes 15 ans d’expériences dans l’insertion, j’ai acquis la certitude que le futur de l’insertion, c’est de valoriser les savoirs faire des personnes, et non pas qu’ils se plient à des conditions de travail que nous même refuserions. Les gens ont des savoirs faire, de réparation d’outils, dans la cuisine, il faut créer des lieux ou chacun peut se dégager un petit revenu grâce à ces savoirs faire. L’enjeu est d’améliorer l’autonomie des personnes par rapport au monde de 2050. Savoir cultiver, mieux s’alimenter… ce sera toujours utile. Et c’est comme ça qu’on fera évoluer le territoire”.
Hélène , Gérante de la SCIC Les Créatures
Pôle énergie Bourgogne-Franche-Comté
Créé par la région Franche Comté en 2009, le pôle Energie est une structure en régie régionale, qui accompagne les entreprises du bâtiment dans l’amélioration de leurs pratiques. Il travaille par exemple à la création de filière de matériau bio-sourcés, comme la fabrication du béton de chanvre, cultivé dans la région, ou encore la terre crue, récupérée sur les chantiers de la région. Le fait de construire en matériau bio-sourcés permet de diminuer la pression sur les matières premières comme le sable pour la fabrication du béton. Elle diminue également le besoin d’énergie pour le transport des matériaux.
“45% de la consommation énergétique en France vient du bâtiment. Ce qui est difficile, c’est que les réglementations thermiques avancent, mais ça ne va pas assez vite. Si on ne traite que les bâtiments neufs, on renouvelle le parc à hauteur de 1% par an. Aujourd’hui, le gros effort à faire se trouve dans la rénovation, et sur ça on est pas aussi contraint de par la réglementation, donc c’est plus difficile de toucher les ménages”.
Damien Monot, Conseiller technique aux entreprises du bâtiment
À côté d’un développement industriel, auquel le projet TIGA donne un nouveau souffle, les initiatives de plus petites ampleurs, déjà présentes ou en cours de construction, offrent donc une ouverture vers la diversification de l’économie et sa relocalisation.
Acteurs rencontrés :
- Les Incroyables Comestibles http://lesincroyablescomestibles.fr/france/franche-comte/pays-de-montbeliard/
- Les jardins du Montvaudois http://www.montvaudois.fr/
- Le Bar Atteint https://www.les-creatures.org/
- Guillaume Rimbert, directeur général des services à la mairie de Bethoncourt
- Jean-André, maire de Bethoncourt
- Damien Monot, Pôle énergie Bourgogne-Franche-Comté
Rédactrice : Alexia Beaujeux

[1] https://www.insee.fr/fr/statistiques/4182789#titre-bloc-8
[2] Observatoire de l’artificialisation des sols.
Portrait de La Traverse – Coaraze
Retrouvez ici le podcast de La Traverse
“Coaraze : le tourisme au défi de la vie locale”
L’été, la côte d’Azur est l’une des régions les plus touristiques de France. Nice en particulier attire une grande partie du tourisme de masse et la métropole se targue d’une très bonne santé économique, avec un taux de réservation en 2019 en hausse de 3 points par rapport à l’an passé. Pour venir jusque là, un quart des touristes arrivent par avion, et plus de la moitié par la route. L’aéroport Nice-Côte d’Azur constitue une porte d’entrée exceptionnelle sur le territoire avec un trafic en hausse de près de 6% pour la saison 2019. Le tourisme, pour les territoires qui en ont le potentiel comme la Côte d’Azur, c’est une opportunité de développement économique « facile ». Mais laisser reposer 15% de l’activité territoriale sur un secteur économique saisonnier fortement dépendant des énergies fossiles ne nuit-il pas à sa résilience ? Et que dire de l’impact environnemental de ces millions de visiteurs dont les déplacements carbonés contribuent fortement au dérèglement climatique et qui, par leur simple présence et leur concentration, participent à la dégradation des espaces naturels ?

Loin de l’affluence touristique estivale, c’est en novembre que nous nous sommes renduˑeˑs à Coaraze, dans l’arrière-pays Niçois. Depuis Nice, il y a une demi-heure de route. Nous prenons un train, puis un bus, puis continuons à remonter la vallée du Paillon en auto-stop. C’est au fond de cette vallée à la route sinueuse qu’apparaît le village médiéval, perché au sommet d’un mont. À l’image des territoires ruraux, Coaraze échappe aux problématiques du tourisme de masse. En effet, si les territoires ruraux représentent 80% du territoire, ils n’absorbent que 28% de la fréquentation touristique et génèrent 19,3% des recettes touristiques. Est-ce pour autant que les questions de tourisme ne posent pas problème ? Labélisé par les Plus Beaux villages de France, et ayant connu un succès précurseur chez les artistes contemporains et avant-gardistes dans les années 50/60, Coaraze aurait pu devenir un village envahit par le tourisme. Mais le choix de préserver la vie de village, garante de l’authenticité locale, a permis à Coaraze d’éviter la muséification et l’envahissement que connaissent d’autres villages alentours.
Un patrimoine culturel ancré dans l’histoire du village et les représentations collectives
Depuis les années 50, l’idée d’un développement de la commune au travers d’une politique culturelle et touristique a marqué l’histoire du village, tout autant dans ses projets que dans la volonté affichée des habitantˑeˑs de ne pas se laisser totalement envahir. Aujourd’hui, la politique communale s’apparente à un équilibre savant entre la valorisation du patrimoine matériel et immatériel et la préservation de la vie du village, culturelle entre autres, telle qu’elle prends forme actuellement.
Une histoire culturelle et artistique singulière
Le dynamisme culturel de Coaraze émane de son histoire singulière, marquée par le passage d’artistes comme Jean Cocteau dès les années 50, puis d’artistes avant-gardistes dans les années 60. La « veine culturelle » qui descend la vallée des Paillons n’apparaît pas par total hasard, elle est la conjonction de plusieurs éléments et notamment de la rencontre entre le traditionnel et le moderne. Le maire élu en 1953, Paul-Mari d’Antoine, possède trois particularités qui lui permettent de mettre en place une politique culturelle ambitieuse : il est le plus jeune maire de France, il est poète et il est l’héritier d’une très vieille famille locale ce qui le fait bénéficier de la confiance des habitantˑeˑs. Une fois élu, il fait monter de Nice le cercle des poètes qu’il anime avec Jaques Lepage et organise régulièrement des événements culturels majeurs comme les Rencontres poétiques de Provence, l’exposition en plein air du futur groupe Support/Surface, etc. Cette dynamique, couplée à un article décrivant Coaraze comme le village bénéficiant du plus grand ensoleillement de France, a participé à la renommée du « village du soleil » et a renforcé son attractivité culturelle, artistique et touristique.
Cependant, l’organisation de certains événements insolites comme le meurtre rituel du cochon par Pierre Pinoncelli, des projets hors d’échelle comme la construction d’un barrage pour transformer le fond de vallée en station balnéaires, et la mauvaise gestion économique de la commune, ont tôt fait d’effrayer la population locale sur les ambitions de leur jeune maire qui ne sera pas réélu après son troisième mandat.
Des labels et une notion de patrimoine qui évoluent pour tenir compte de la vitalité locale
Une fois
passée l’effervescence de ces premiers lustres, le développement du tourisme
moderne oriente la commune déjà renommée vers la valorisation du patrimoine,
aussi bien matériel, de par la forme esthétique du village médiéval perché,
qu’immatériel, par rapport à son histoire culturelle. Elle est alors inscrite parmi
les Plus Beaux Villages de France, un label dont les critères d’appartenance
sont strictes et onéreux. Ces critères s’attardent par ailleurs beaucoup
sur des caractéristiques esthétiques, à la recherche de villages
« jolis ».
Cependant, le village de Coaraze développe actuellement, sous la seconde mandature de Monique Giraud-Lazzari et son conseiller municipal délégué à la culture Alain Ribière, un regard critique sur la notion de patrimoine. L’équipe municipale conscientise le besoin de ne pas tomber dans des « clichés » pour conserver l’authenticité du village, qui s’apparente mieux à la vitalité locale qu’à un facteur esthétique ou historique, bien qu’il soit toujours accordé beaucoup d’attention au respect des techniques traditionnelles dans la rénovation du bâti. Ainsi, dans sa volonté de ne pas tomber dans une « muséification » de la commune, la ville prends ses distances par rapport à des critères jugés trop « superficiels » et s’intéresse davantage au facteur humain. La participation de ses éluˑeˑs aux assemblées générales de l’association des Plus Beaux Villages de France, témoigne de leur volonté de faire bouger les lignes au sein même de l’organisation qui commence à considérer ces revendications. La ville conserve donc le label et souhaite voire évoluer les critères d’évaluation et de participation.
“On voit qu’il y a du changement et que l’association des Plus Beaux Villages de France prends de plus en plus en compte la vitalité des villages comme critère de sélection“
Monique Giraud-Lazzari.
D’autres labels, qui soulignent la singularité et les spécificités du patrimoine local, rendent en revanche bien plus fierˑeˑs les habitantˑeˑs. Le label « Village en poésie » reconnaît là l’engagement passé et présent de la commune en faveur des poètes. Héritage de Paul-Marid’Antoine, un arrêté municipal original assure l’asile à tout exilé poète de profession. Le label « Oc » vient également reconnaître les mérites du village des frère Alan et Guiu Pelhon dans la valorisation de la langue et la culture occitane.
Enfin, suite au transfert de la compétence tourisme à la Communauté de Commune du Paillon, Coaraze a souhaité conserver sa capacité d’accueil des visiteuses et visiteurs en transformant son syndicat d’initiative en Maison du Patrimoine. C’est le seul endroit du village où sont en vente quelques produits locaux. Elle s’inscrit donc dans le prolongement de l’ancien syndicat d’initiative. Cependant, la volonté de parler de « patrimoine » plutôt que de tourisme, souligne la volonté de favoriser en premier lieu ce qui fait commun pour les habitantˑeˑs plutôt qu’une logique de pure attractivité.

Assurer un « tourisme de qualité » : accueillir des visiteurs sans attirer le tourisme
Malgré sa proximité avec Nice et sa renommée de Village du Soleil, Coaraze se tient à l’écart des effets du tourisme de masse – une volonté affirmée par la municipalité d’assurer une qualité d’accueil des visiteurs et de favoriser un « tourisme doux »pour éviter une sur-fréquentation qui nuirait à la qualité de la vie locale.
Des stratégies diverses pour échapper au risque de sur-fréquentation
Au vue de la configuration du village, accueillir un grand nombre de visiteurs exposerait la commune à des problèmes de sur-fréquentation, tels qu’observés dans certains villages voisins comme Saint-Paul de Vence notamment. Face à cette crainte exprimée par les habitantˑeˑs, la commune a assumé le choix de ne pas développer outre mesure son attractivité touristique, préférant par ailleurs le terme d’ « accueil des visiteurs » pour qualifier sa politique.
“On ne peut pas dire que tout est fait pour ne pas attirer les touristes, mais en tout cas rien n’est fait pour !”
Richard Lazzari
Tout d’abord, la situation géographique escarpée du village en fond de vallée et son accès périlleux par la route sinueuse préserve la commune de l’affluence. S’il a été question, dans les années 80, de transformer la route pour faciliter l’accès au village par autocars, ce projet n’est plus d’actualité et le chemin dissuade les moins motivés, effectuant « un tri » dans les personnes qui y parviennent. En revanche, la fermeture d’une ligne de TER (qui ne dessert pas Coaraze) commence à mobiliser les habitantˑeˑs et les éluˑeˑs de la vallée pour la conservation des trains.
Un autre choix stratégique réalisé par le village pour préserver son calme des masses de touristes réside dans le refus de participer à des émissions touchant un large public, comme le Village préféré des français, entre autres, par laquelle le village a été approché. La commune a pu observer la dégradation du cadre de vie subie par les habitantˑeˑs d’autres communes comme Saint-Paul de Vence à cause de leur envahissement après la diffusion de ces émissions et a fait le choix judicieux de ne pas y participer.
Enfin, la commune semble également avoir limité volontairement l’installation de commerces de type touristiques (revendeurs, etc.). Les attractions commerciales de Coaraze se résument alors à un café-bar-épicerie-dépôt de pain sur la place basse du village, un restaurant-pizzéria, une buvette dans la cour du château ouverte en période estivale, et la Maison du Patrimoine qui, en plus de son rôle de syndicat d’initiative, revends également quelques spécificités de l’artisanat local.
Des activités tout de même sources de nuisance
Certaines activités constituent toutefois des sources de perturbation. Le cadre naturel de qualité offert par la vallée du Paillon attire un profil de touristes plutôt « écolo » comme des randonneurs dont l’activité est perçue de façon relativement positive par les habitantˑeˑs. Mais des pratiques récréatives moins sobres telles que la pratique du trial, les rallyes automobiles et le canyoning dans le Paradis (rivière locale) posent des problèmes de nuisance, de sur-fréquentation et de dégradation de l’environnement, perçus comme une atteinte au cadre de vie. De même, si l’organisation de la brocante annuelle représente une manifestation chère aux coarazienˑneˑs, la multiplication d’événements rayonnants ne paraît pas souhaitée du fait de la saturation qu’ils peuvent engendrer.
Préserver la vie locale et les activités à destination des habitant.e.s
Malgré tout, la commune se distingue d’autres villages pour lesquels la sur-fréquentation détériore le cadre de vie. Mais cette attention va également en faveur du maintien d’une vie culturelle, associative, artistique et sportive dynamique, avec “une programmation qui n’a rien à envier aux grandes villes” (Lucien Massucco).
Un bouillonnement social, culturel et artistique qui s’ancre dans des lieux
Même s’il faut distinguer la période estivale comme étant particulièrement plus animée, il est vrai que le village de Coaraze se distingue d’une manière générale par son dynamisme local qui s’ancre dans différents lieux. Tout d’abord, la présence d’un café et d’une épicerie offrent des lieux de convivialité et permettent de réaliser des achats de base comme le pain. L’Espace de Vie Sociale participe également fortement à maintenir un endroit physique de sociabilité neutre et de production collective. Même si ce lieu n’est pas financé directement par la mairie, il semblerait que cette dernière joue un rôle facilitateur pour les activités qui y sont développées. La médiathèque représente aussi un lieu ressource, particulièrement fréquenté par les enfants et animé toutes les semaines par un cercle de lecteurs. Enfin, un caractère marquant du bouillonnement local est illustré par la présence marquée des enfants dans l’espace public, seuls ou accompagnés, une situation qui peut être attribuée aux interconnaissances villageoises et à la faible circulation automobile au travers du village.

Une politique d’attractivité des jeunes ménages favorise la vitalité locale
Cette animation a été également favorisée par une politique d’attractivité des jeunes ménages qui s’investissent dans la vie de village en venant se greffer à l’offre d’activité déjà présente. Alors, lors du premier mandat de l’actuelle mairesse, l’installation d’une micro-crèche et l’agrandissement de l’école primaire ont permis d’attirer de nouvelles populations, également intéressées par les prix raisonnables et la qualité de vie offerte par la situation du village. Ainsi, même si beaucoup de ces ménages travaillent en ville, à Nice, et même si la configuration en hameaux du village pourrait permettre à ses habitants de ne jamais passer par le centre, la présence de l’école et de certains centres d’intérêts dans le bourg, a fortement incité les nouveaux et nouvelles habitantˑeˑs à s’intéresser à la vie du village : en témoigne notamment la participation villageoise au Grand Débat prolongé en café-citoyen.
Des activités économiques à destination du tourisme mais aussi des habitant.e.s qui créent des emplois et de l’animation locale
Enfin, Coaraze conserve des activités artistiques, artisanales et économiques singulières, qui en font un village tout à fait habité. La présence du label de musique artisanal Fatto in Casa, des éditions de livres L’Amourier, d’une potière, de maraîchage et anciennement d’un cabinet de maquettistes, permet de conserver des activité et des emplois locaux. Autour du tourisme aussi, certaines activités sont conservées et d’autres en voie de développement. En difficulté, le restaurant a été récemment repris par deux habitantˑeˑs de Coaraze qui y possèdent déjà un gîte. L’été, les gérantˑeˑs organisent des concerts très régulièrement : « pour participer à la vie du village surtout, et puis oui, pour les touristes aussi, pourquoi pas ! ». L’activité touristique est cependant loin de constituer une part essentielle de l’économie locale et ramène de très faibles revenus à la mairie, qui sont toutefois les bienvenus en compléments. Les restaurateurs disent également vivre grâce à la population locale et non grâce au tourisme, mettant en garde contre le danger de construire un modèle économique entièrement basé sur cette source de revenus. Cependant, les activités économiques basées sur le tourisme « vert » peuvent tout de même représenter un levier de développement local et des liens existent déjà entre les producteurs locaux et les aménités d’accueil de visiteurs.

Conclusion
Coaraze détient tous les atours d’un village touristique : un patrimoine bâti médiéval bien conservé, son église inscrite (depuis 2018) aux Monuments historiques, ses chapelles peintes, ses cadrans solaires d’artistes contemporains, un environnement de qualité, une histoire culturelle singulière dont les traces sont encore présentes. Pourtant, le village a trouvé que la meilleure façon de célébrer cet héritage culturel, c’était de le perpétuer, sans tomber dans la célébration et la muséification, mais en le pratiquant au quotidien de façon vivante et incarnée, et en l’irriguant de la diversité des pratiques et cultures locales, à l’image d’un mescla[1], titre d’un album édité par le label Fatto in Casa. C’est là que réside toute l’authenticité du village.
Acteurs rencontrés :
- Monique Giraud-Lazzari, maire
- Alain Ribière, adjoint à la culture
- Espace de Vie Sociale de Coaraze
- Label de musique Fatto in Casa
- Éditions Lamourier
- Maison du Patrimoine de Coaraze
Rédactrice : Solène Cordonnier

[1] « mescla » signifie « mélange » en occitan.
Podcasts et portraits de La Traverse
Découvrez La Traverse, association d’accompagnement et de soutien aux dynamiques locales de transition, et ses portraits de territoires, que nous proposons ici en complément des Écoutes territoriales et citoyennes.
Sensible à la vision et à l’ambition de cette jeune association, l’Unadel a fait le choix d’accompagner son lancement et ses débuts et est très fière du chemin parcouru avec La Traverse !
Retrouvez aussi le bilan du Tour de France de la Traverse :
La Traverse est une association dont la mission est d’accompagner et soutenir les dynamiques locales de transition écologique et sociale, dans une perspective de résilience. L’équipe propose un accompagnement de proximité structuré autour d’occupations temporaires et de résidences. Ces temps permettent d’élaborer, avec l’appui étroit des acteurs en présence localement, un diagnostic sensible de la résilience, débouchant sur des stratégies de transition opérantes et adaptées aux besoins et ressources du territoire.
En parallèle de cette activité d’accompagnement, La Traverse réalise une série radio : Transition en terrain connu. Dans une approche sensible et analytique, chaque épisode présente un territoire traversé et les différentes initiatives à l’œuvre en matière de transition, au prisme d’une problématique qui apparaît saillante (effets de la cité-dortoir, rôle du tourisme, transition énergétique, implication citoyenne…).
Portrait de La Traverse – Meymac
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“Meymac : commune rurale, pourquoi faire ?”
La commune de Meymac, point culminant de la Haute-Corrèze (976 mètres), est classée parmi les “100 plus beaux détours de France”[1]. Porte d’entrée du Parc Naturel Régional de Millevache en Limousin, Meymac compte 2 411 habitant.e.s au dernier recensement, et le chômage touche 13,2% de la population.

Un secteur d’activité essentiel est celui du bois et du bois-énergie : l’école forestière de Meymac est par exemple une référence au niveau national. La filière bois est d’ailleurs importante dans l’ensemble du territoire communautaire, ce qui engendre parfois de fortes tensions. Fin 2018, un incendie volontaire a détruit un atelier de l’entreprise d’exploitation forestière Mecafor, à Ussel. Au regard de cette contestation grandissante de l’industrialisation de la forêt, Pierre Chevalier, président de Haute Corrèze communauté – dont Ussel est le siège – déclarait : “Notre économie forestière est perturbée, déstabilisée”[2]. Meymac compte également une industrie pharmaceutique, avec un établissement majeur qui appartient aujourd’hui à un groupe Pakistanais (Martin Dow), spécialisé dans la sous-traitance et la production de génériques. L’objectif est d’y employer une centaine de personne d’ici 2020. Globalement, les emplois de la commune sont répartis dans les secteurs d’activité suivants[3] :

Meymac frappe surtout par son dynamisme commercial, rare pour un commune de cette taille. Dans le centre-bourg, on trouve plusieurs cafés, un cinéma, des salons de coiffure, une librairie, un salon de thé, des restaurants – dont le célèbre Chez Françoise, ou Bernadette et Jacques Chirac allaient déguster la non-moins fameuse tête de veau.
Un dynamisme commercial à l’effet boule de neige
Certains magasins s’inscrivent pleinement dans des démarches de transition, comme l’épicerie vrac Pêl-Mêl, la mercerie-friperie Bruyère Limousine, ou encore la ressourcerie ECO-TRIouzoune. Ces commerces alternatifs se sont développées depuis l’installation de l’épicerie Pêl-Mêl, il y a trois ans. Marlène Cernesse, gérante de la mercerie-friperie, l’explique en ces termes : “Il y a eu un point de départ avec Pêl-Mêl. Quand elle a ouvert, les autres ont vite suivi : la crêperie, le salon de thé, la ressourcerie… Et tout ça en trois ans ! Pour un village de 2000 habitants, avec une population vieillissante, c’est assez exceptionnel.” Le cercle vertueux continue de profiter à la commune, et la dernière bénéficiaire en date est justement Marlène, dont la mercerie-friperie a ouvert fin novembre.
Ce dynamisme s’explique d’abord par le cadre de vie. L’accès à la nature (étang de la Garenne, lac de Séchemailles), le dynamisme culturel (cinéma, musée d’archéologie, centre d’art contemporain) ou encore le patrimoine architectural sont autant de facteurs qui attirent porteurs de projets et consommateurs. “De plus en plus de jeunes et de familles d’origine urbaine ont envie de s’installer ici, raconte Lionel Rousset, libraire et adjoint au maire. Beaucoup s’intéressent au bien-être, à l’écologie, et sont à la recherche d’un mode de vie alternatif”. Les structures alternatives trouvent ainsi un écho dans la population, qui semble prendre un soin croissant à consommer local et à faire tourner les commerces du centre-bourg : “Tout le monde sait que se balader dans une ville où les commerces sont fermés, c’est très triste, donc les gens font l’effort de consommer dans ces magasins de proximité”, explique Marlène Cernesse.

La qualité du cadre de vie est également à l’origine d’une fréquentation touristique non négligeable, qui profite aux commerçant.e.s : “Meymac, c’est les portes du plateau de Millevaches, explique Mélanie Flament, gérante de l’épicerie Pêl-Mêl, donc ça permet d’accueillir les gens qui viennent en vacance, ou qui viennent s’installer sur le plateau. Stratégiquement, Meymac a en fait beaucoup d’attraits pour un commerce, que ce soit au niveau de la qualité de vie ou du tourisme.“ L’augmentation du nombre de visiteurs en période estivale, ces dernières années, est donc venue consolider ce dynamisme.
Une mairie volontariste
Consciente de ces atouts, la mairie de Meymac a voulu accélérer le mouvement en mettant en place des aides financières à l’installation des commerces. “Le rôle de la commune est d’impulser une dynamique locale, explique Philippe Brugère, maire de Meymac. Dans des territoires ruraux, c’est aussi maintenir les services publics, et trouver des marges de manoeuvre budgétaire pour développer l’attractivité, en ayant en tête que les territoires ruraux sont des territoires d’avenir.“
La volonté du maire, à son arrivée en 2014, était clairement de dynamiser le centre-bourg. De fil en aiguille, cette stratégie s’est inscrite dans une réflexion plus large sur la transition écologique et sociale. “Au-début, le dynamisme était un objectif en soi, mais je réalise que c’est aussi un objectif de transition écologique. On sent bien que le mouvement est enclenché : les circuits courts ne peuvent être que vertueux. C’est délirant de faire venir des objets de Chine alors qu’on les a à deux pas de chez soi. En plus, ça crée des emplois qui ne sont pas délocalisables. Ces magasins de proximité ont de nombreuses vertus, alors j’y vais gaiement !” Cette volonté politique correspond aussi à l’ambition de contrebalancer le déséquilibre orchestré au niveau national entre les métropoles et le monde rural. “Toutes les politiques publiques nationales vont le sens d’un renforcement de la métropolisation, ce qui se fait au détriment des territoires ruraux. Mais avec de la volonté, de l’imagination, des politiques tournées vers le social, le culturel, on réussit à dynamiser un village.“

S’il est réélu, Philippe Brugère prévoit de faire de la transition écologique la priorité de son mandat, et de positionner la commune de Meymac en démonstratrice à ce sujet en Haute-Corrèze. Car si le dynamisme du centre-bourg a des retombées écologiques évidemment positives, il reste une certaine marge de progrès pour engager la commune dans une transition ambitieuse et rendre le village résilient. À titre d’exemples, la circulation automobile est encore libre en centre-ville, et les cantines scolaires ne privilégient pas les producteurs locaux. Plus fondamentalement, la réussite du modèle meymacois repose en grande partie sur une ressource externe : la fréquentation touristique, qui risque qui plus est de décliner en même temps que grimperont les prix de l’énergie…
Acteurs rencontrés :
- L’épicerie Pêl-Mêl https://pelmel-meymac.jimdo.com/
- La Bruyère Limousine (mercerie-friperie) https://www.facebook.com/labruyerelimousine/
- Eco-Triouzoune (ressourcerie) https://www.facebook.com/pages/category/Nonprofit-Organization/ECO-TRIouzoune-165815820244001/
- École Natur’ailes : https://www.ecolenaturailes.com/
Rédacteur : Maxime Verdin

[1] Les critères retenus ont trait à l’éloignement des grands axes routiers, la capacité d’accueil, l’existence de bâtiments classés ou de monuments historiques valorisés, de lieux festifs aménagés…
[2] La Montagne, 08/02/2019, “Les élus de Corrèze attendent un geste de soutien du ministre de l’écologie vers les forestiers” : https://www.lamontagne.fr/ussel-19200/politique/les-elus-de-correze-attendent-un-geste-de-soutien-du-ministre-de-l-ecologie-vers-les-forestiers_13130387/#refresh
[3] Données issues du comparateur de territoire de l’INSEE
Portrait La Traverse – Sundgau
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“Pays du Sundgau : Habiter la marge”
Sundgau signifie « région du Sud ». C’est une région frontalière avec la Suisse, coincée entre les Vosges et le Jura, dans le Sud Alsace. Ce territoire s’étends sur le Haut-Rhin et une partie du territoire de Belfort. Il est représenté administrativement par le Pôle d’Équilibre Territorial Rural (PETR) qui a conservé son appellation « Pays du Sundgau » et regroupe 108 communes et 7 intercommunalités. Encerclé par trois grandes villes ; Mulhouse, Bâle et Belfort, le pays s’est longtemps développé à l’écart des dynamiques urbaines et a conservé longtemps son caractère traditionnel, visible notamment sur le plan architectural, à tel point qu’il peut donner l’impression de s’être constitué en vase clos et d’être reclus. Le Sundgau est donc un territoire qui apparaît en marge de plusieurs dynamiques (Woessner, 2016). Ainsi, « marginal équivaut vite à accessoire, délaissé, dévitalisé, à territoire-musée » (Bavoux, Chapelon, 2014, cf. p. 362). La marge induit également la notion de frontières qui constitue bien une variable déterminante des dynamiques territoriales du Sundgau puisque une grande partie de ses habitant.e.s travaillent en Suisse. Or, la marginalité peut également laisser la place à des initiatives originales : « Moins soumises aux contrôles sociaux, bénéficiant de normes moins contraignantes et de davantage de souplesse, plus libres en somme, les marges peuvent faire preuve de plus d’inventivité. [..] Les marges, franges de contact entre systèmes, peuvent ainsi fonctionner comme des interfaces créatives, organiser leur vie propre, en particulier s’il y a perméabilité frontalière et tendance à l’intégration réciproque de deux marges accolées » (id, cf. p. 363). Face aux défis climatiques et énergétiques, cette marginalité constitue-t-elle un atout pour le pays du Sundgau en matière d’adaptation et de résilience locale ?
Des difficultés de mobilisation et d’engagement local, en lien avec l’attractivité de la Suisse et des grandes aires urbaines
Un territoire rurbain multipolarisé en interdépendance subie avec la ville
Le Sundgau est un territoire situé à la marge de trois pôles d’attractivités urbains : Belfort, Mulhouse et Bâle. La majorité des emplois sont situés dans ces bassins de vie, ce qui fait du Sundgau un territoire multipolarisé, avec des migrations pendulaires massives pendant la journée entre l’arrière-pays et ces grandes villes. L’armature intérieure du pays se constitue donc autour de la ville d’Altkirch, et autour de pôles urbains secondaires et de pôles de proximités. Mais peu d’emplois s’y développent[1].

La plupart des emplois locaux sont ceux consacrés à l’agriculture et quelques industries locales. Le territoire est majoritairement agricole puisque 69% des terres y sont dédiées (SCOTT, pays du Sundgau). Par ailleurs, le PETR semble considérer le pays comme le « poumon vert » des villes qui l’entourent, puisqu’il produit quantité de produits agricole qui alimentent les villes mais sans réelle certitude autour de la proportion que représentent ces villes en termes de débouché pour leurs produits et sans que de réels circuits ne soient organisés institutionnellement pour favoriser ce lien entre ville et campagne.
Le Sundgau est donc un territoire ambivalent, à la fois présentant des caractéristiques rurales mais également en interdépendance forte avec la ville. Selon Eric Ausilio, directeur de la Maison de la Nature, le Sundgau ne peut être considéré comme un territoire rural du fait que la plupart des habitant.e.s n’utilisent pas directement leur environnement proche pour vivre mais travaillent en ville et en dépendent fortement pour leur emploi.
Il en va de même pour le domaine de la culture, qui semble être une thématique assez peu développée sur le territoire, les Sundgauviens se rendant principalement en ville pour leurs sorties culturelles, sans réelle volonté des pouvoirs politiques de voir se développer des initiatives culturelles à la campagne qui reste à la charge d’initiatives assez isolées, comme le Morimont, et peu relayées par les médias.
Enjeu frontalier, démobilisation et cité-dortoir
Présentant peu d’activités économiques locales, notamment du fait de sa proximité avec la Suisse, et une dynamique sociale peu développée, le pays du Sundgau est considéré par celles et ceux qui y résident comme une cité-dortoir.
Dans la zone d’emploi d’Altkirch, 26% des actifs travaillent en Suisse. Ces transfrontaliers vont majoritairement travailler à Bâle, où le secteur de l’horlogerie procure beaucoup d’emplois, principalement peu qualifiés mais très bien rémunérés. Cette proximité avec la Suisse fait du Sundgau une région très riche, avec un revenu médian de 26 000€ pour la communauté de commune du Sundgau, et 23 000 € pour le Sud-Alsace Largue[2], alors même que peu de personnes y travaillent. Cette proximité avec la Suisse apparaît à la fois comme un problème et une solution : certes elle attire tous les travailleurs et aspire les emplois locaux, mais elle réponds au problème du chômage et permet en même temps une meilleure rémunération des travailleurs qui enrichit le pays, quand les sous ne sont pas dépensés en Allemagne. Ainsi, cette dynamique est perçue comme démobilisatrice du fait, d’une part que les problèmes sociaux sont perçus par les habitant.e.s comme ayant une solution toute trouvée résidant dans le fait d’aller travailler dans le pays voisin et d’autre part parce que les travailleurs effectuent de longues distances, rentrent tard et sont moins désireux de sortir sur leur temps libre et de s’engager localement. Par ailleurs, la configuration typique de certains villages sundgauviens en villages-rue traversés par les flux automobiles intenses des migrations pendulaires, rends les espaces publics peu propices à la fréquentation piétonne et à l’occupation par les enfants, résultant en une anesthésie sociale des lieux publics.

Le dynamisme local pâtit donc de cette situation, notamment parce que peu de l’argent gagné par les travailleurs transfrontalier n’est réellement réinvesti localement. En effet, beaucoup de cette économie échappe au développement local puisque la dynamique veut ainsi que « le triptyque du frontalier c’est quelqu’un qui habite en France, travail en Suisse et fait ses courses en Allemagne. » [Rhénamap]. Par ailleurs, si le revenu moyen est élevé et le taux de chômage relativement faible, il ressort de cette dynamique une perception accrue des inégalités entre les personnes travaillant en Suisse et celles travaillant en France ou au chômage.
L’exemple typique de cette situation de démobilisation et de manque d’investissement local est illustré par le cas de l’AMAP Rhenamap qui a de plus en plus de mal à fidéliser ses adhérent.e.s au point où les agriculteur.rice.s achètent et importent des légumes pour compléter leurs paniers lorsqu’ils ont de mauvaises récoltes, à l’encontre du principe de solidarité des acheteurs envers les agriculteurs en cas de mauvais rendements.
Pistes d’amélioration
L’enjeu relatif à ces problématiques est donc de remobiliser les habitant.e.s sur le territoire, en recréant du lien social, en relocalisant l’économie et en redonnant du sens à l’action collective. Plusieurs associations participent déjà à ce développement local au travers du retissage minutieux de ce lien social affaiblit.
Le Système d’Échange Local (SEL) vise ainsi à créer du lien social entre individus au travers du troc et d’événements conviviaux qui permettent aux participant.e.s d’échanger des biens et des services. Apprendre à dépendre des autres permet de s’émanciper des circuits marchands et des technologies et renforce la résilience sociale. Mais là encore, le problème de la mobilisation se fait ressentir et les événements organisés restent principalement fréquentés par des habitué.e.s. L’Association de Pédagogie Sociale du Sundgau (APSS) participe également à la création de liens sociaux et à la réappropriation de l’espace public avec et par les habitant.e.s des villages. En s’appuyant sur les ressources issues de l’environnement proche des habitant.e.s, et en passant par des travaux avec les enfant, l’APSS réussi à faire se rencontrer les résident.e.s de la commune de Saint-Ulrich autour de projets collectifs. Ces actions permettent la valorisation du milieu et de ses ressources, et redonnent du pouvoir d’action aux individus. De même, la nouvellement créée Radio Quetsch est une association qui a quant à elle vocation à renseigner le public sundgauvien et à diffuser l’information locale dont les médias mainstream s’emparent de façon détournée. La promotion de la diversité que représente le Sundgau participe également à la création d’une identité collective dont ils et elles veulent se revendiquer, loin de l’image caricaturale et individualiste souvent représentée.
Sur un plan plus économique et entrepreuneurial, Rhenamap est une AMAP de producteur qui a pour objet de favoriser la solidarité et la responsabilité des consommateurs envers les producteurs afin de maintenir les petites exploitations agricoles sur le territoire en leur assurant des débouchés réguliers.
Cependant, des difficultés à mettre en réseau les personnes ont été rapportées et le souhait d’être en capacité de se rassembler entre initiatives pour développer des dynamiques plus larges a été également soulevé.
Enjeux environnementaux et initiatives mises en place
Un cadre de vie et un paysage privilégiés qui cachent des problèmes environnementaux majeurs
Le Sundgau présente à priori un cadre de vie privilégié. Le climat continental permet une préservation relative du stress hydrique : l’herbe est verte et l’état quantitatif des nappes phréatiques sont encore positifs. On y trouve également encore beaucoup de polyculture, plus que dans la plaine d’Alsace, et l’alternance avec l’élevage permet de préserver les bocages qui donnent une qualité esthétique au paysage.
Mais ce cadre cache des problèmes environnementaux pourtant déjà bien présents, qu’ils soient liés au réchauffement climatique ou à la dégradation locale de l’environnement par les activités humaines. Cette invisibilisation des problèmes écologiques ne favorise pas non plus la mobilisation de la population autour de ces enjeux.
Ainsi, plusieurs problèmes majeurs ont été identifiés :
- pollution de l’eau : si la quantité d’eau dans les nappes phréatiques n’alerte pas, sa qualité est quant à elle assez mauvaise.
- la pollution de l’air : le trafic automobile massif aux heures de pointe et les longues distances parcourues pour se rendre au travail entraînent de nombreuses pollutions dans les villages traversés. Ces bourgs ont d’ailleurs la particularité d’être pour la plupart sous forme de villages-rue, ne favorisant nullement un rallentissement du trafic et multipliant l’exposition des habitant.e.s aux nuisances qui lui sont liées
- sécheresse : les agriculteur.rice.s raportent également des vagues de sécheresses de plus en plus fréquentes, intenses et longues, ayant un impact négatif tangible sur leurs récoltes. Ces problèmes de sécheresse ont également un impact sur les forêts, au sein desquelles de nombreux arbres meurent sans qu’on sache par quelles espèces les remplacer.
Des initiatives environnementales précurseures et volontaires
Comme nous avons émis l’hypothèse en introduction, le pays du Sundgau a su tirer profit de sa position “marginale” et se porter garant d’une certaine innovation sociale, politique et écologique. Le pays du Sundgau et certaines collectivités sont donc apparues pendant un certain temps comme précurseures dans certains domaines, présentant une avance relative sur d’autres régions.
Le Pays du Sundgau, une ligne politique écologique difficile à pérenniser
Tout d’abord, le Pays du Sundgau est le premier pays à s’être formé en statut associatif, puis en syndicat mixte en 2009. Aujourd’hui la structure a été transformée en Pôle d’Équilibre Territorial Rural (PETR) qui a vocation à rassembler les acteurs locaux autour d’un projet commun de développement du territoire. Ce pays est également l’un des premiers à avoir mis en place un Plan Climat Air Énergie (PCAE) de manière volontaire. La politique environnementale du Sundgau a particulièrement été soutenue à partir de 2015, suite à leur réponse à l’appel à projet “Territoires à énergie positive pour la croissance verte” (TEPCV) lancé par le ministère de l’écologie. Le Sundgau a été sélectionné comme territoire pilote de ce dispositif, ce qui lui a permis de percevoir une subvention conséquente de 2 millions € qui fut ensuite redistribuée au sein des communes pour la réalisation des mesures décidées à l’échelle du pays. L’une des premières actions mises en place au sein de ce dispositif a été de renouveler l’éclairage public au profit d’installations basse consommation, pour réaliser des économies d’énergie.
Maintenant que les fonds de TEPOS ont été intégralement investis, le PETR voit dans la pérennisation des actions menées un enjeu de taille. C’est en répondant à des appels à projet au niveau de la région notamment et avec l’ADEME qu’il réussi à maintenir les postes en place et à continuer son action en faveur de l’environnement. Beaucoup des fonds et des activités du PETR dépendent également du programme Leader, dont le Pays du Sundgau est le relais sur le territoire. Par ailleurs, le PETR regrette la diminution de ses compétences au niveau du Plan Climat Air Énergie. En effet, alors que sa mise en place volontaire avait permis d’engendrer une dynamique vertueuse et créative sur le territoire, l’obligation de réaliser un PCAET à l’échelle intercommunale a fait reculer cette émulation. Ce sont maintenant intercommunalités qui exercent cette compétence et le PETR n’exerce plus qu’un rôle de conseil. Sa longue expérience et la reconnaissance de la qualité de ses dispositifs par les institutions émettrices d’appels à projet permet donc au Pays du Sundgau de continuer à mettre en place des politiques territoriales environnementales : location de vélos à assistance électrique (VAE), facilitation de la mise en place de paneaux photovoltaïques sur les toits, formation des professionnels du bâtiment à l’éco-construction… En ce moment, le PETR travaille également à la construction d’un dispositif de groupements d’acheteurs pour développer l’éolien. Cependant, la structure manque d’outils et de financement qui lui permettraient de mettre en place une politique globale et de long terme sur le territoire. Par ailleurs, les thématiques écologiques traitées semblent peu concorder avec les enjeux locaux : les sujets de l’agriculture, de l’eau et de l’alimentation semblent peu traités alors qu’ils représentent des enjeux territoriaux importants.

Source : PETR, Pays du Sundgau
Manspach, une commune écologique atypique
L’enjeu de l’eau a cependant été pris très tôt en considération par Daniel Dietman, le maire de Manspach, qui a mis en place à l’échelle communale et intercommunale, des mesures innovantes de préservation de l’eau. Travaillant en collaboration avec les communes et les agriculteurs de la vallée de la Largue, le maire de Manspach a ainsi très tôt mis en place un Plan de Prévention des Risques d’Inondation (PPRI) et constitué l’une des plus anciennes Société d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE). La suppression des exploitations agricoles en lit de rivière pour favoriser l’infiltration et limiter les intrants chimiques a permis de retrouver une qualité de l’eau exceptionnelle dans la région, avec une composition en nitrates inférieure à 0,5g/litres. La replantation de végétaux pour refroidir la température de l’eau a également permis de ramener de la faune auparavant disparue. La préservation de l’eau sur le territoire passe également par la gestion des nombreux étangs caractéristiques du Sundgau et représentés pas la route de la Carpe Frite. La politique d’assèchement de certains étangs permet donc d’éviter l’évaporation et de préserver l’eau dans les nappes phréatiques. Enfin , le traitement des eaux usées par une rizosphère limite le prix des installations couteuses de stations de traitement et restitue une directement dans la nature une eau propre.
En matière énergétique aussi la commune s’est très rapidement lancée dans l’expérience des énergies renouvelables. L’installation de paneaux photovoltaïques sur le toit de l’église a permis de financer la restauration de ce bâtiment et l’agrandissement de la mairie (en hauteur et en creux) devenu bâtiment à énergie positive. Ne pouvant recevoir d’éoliennes sur son territoire sans menacer certaines migrations d’oiseaux, le maire souhaite encore agrandir sa production électrique locale au travers de l’installation d’un champ photovoltaïque sur lequel seraient également agencées des retenues d’eau favorisant son infiltration et limitant le risque d’inondation. Sur le plan alimentaire, la mairie a également permis depuis un an l’installation sur des terres communales d’un maraicher qui vends sa production directement aux consommateurs par une AMAP.
Comme le souligne justement le maire de Manspach, les mesures prises sont souvent conçues de façon ingénieuse, cohérente et peu coûteuse, voir rémunératrice. L’écologie au sens entendu par M. Dietman est une écologie environnementale où les éléments sont en interdépendance les uns avec les autres, au sein d’un écosystème, et où la solution au problème nécessite souvent de remonter à la racine du problème. C’est cette créativité qui est permise particulièrement par la taille modeste du village et sa démarche originale, tout en étant en contact et en interface avec les communes voisines, sans lesquelles la protection de l’eau ne serait pas possible.

Conclusion
Le Sundgau apparaît donc comme un pays où émergent de nombreuses initiatives environnementales malgré les enjeux de mobilisation et une représentation assez individualiste de ses habitants. Le manque de mise en réseau et de politiques transversales globales limitent cependant l’étendue des progrès réalisés et le pays reste dépendant des circuits longs, des aires urbaines, et surtout des emplois suisses. C’est donc un territoire qui représente aujourd’hui de nombreuses fragilités (sociale, économique et environnementales) occultées peut-être aujourd’hui par une certaine préservation de l’environnement et par une économie soutenue principalement à l’échelle individuelle par les apports de la Suisse mais sans réel ancrage local. Cette économie locale repose par ailleurs fortement sur des déplacements de masse émetteurs en carbone et qui créent une certaine anomie sociale. Ces enjeux représentent donc des vulnérabilités non négligeables face aux crises climatiques et énergétiques que nous nous apprêtons à affronter. Encourager les associations et leur mise en réseau pour consolider le lien social et pour permettre des échanges de pratique semble une première orientation souhaitable pour le territoire. Travailler à la relocalisation de l’emploi en est une deuxième de taille mais les compétences du PETR manquent pour permettre réellement une telle évolution.
Acteurs rencontrés :
- Bernard Ley, élu référent de la démarche Climat Air Énergie
- Daniel Dietmann, maire de Manspach
- Marie-Bérénice Lacord, agent en charge de la démarche Climat Air Énergie
- Eric Ausilio, Maison de la Nature du Sundgau
- Églantine Berthet, gérante du Morimont à Oberlarg
- Gabriel Munsch, Sophie Audigier, Julien et Arnaud, membres du Système d’Échange Local du Sundgau
- La Cantine de Delémont
- Jeanne Roy de Radio Quetsch
Rédactrice : Solène Cordonnier

[1] Bilan de concertation SCOT Analyse du fonctionnement territorial d’après l’INSEE • Carte du territoire vécu réalisé à partir des critères suivants : poids démographique, nombre d’emplois, niveau d’équipements et niveau de desserte en transport collectif. http://www.pays-sundgau.fr/bilan-de-concertation-arrete.pdf
[2] Comparateur des territoires INSEE 2019 https://www.insee.fr/fr/statistiques/1405599?geo=COM- 19136+FRANCE-1+EPCI-200066041+EPCI-200066033. Le revenu médian français est de 20 000 €
Portrait La Traverse – Centre-Ouest Bretagne
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“Portes ouvertes en Centre-Ouest Bretagne”
Portrait général
En s’intéressant aux dynamiques à l’œuvre dans le territoire entourant Priziac, lieu de résidence de l’équipe de La Traverse, il apparaît rapidement qu’une échelle d’observation pertinente est celle du Pays du Centre-Ouest Bretagne (COB). Les cinq intercommunalités qui le composent ont en commun d’être peu densément peuplées, et c’est à cette large échelle géographique que les réseaux d’acteurs se sont constitués. Le Pays du COB est à cheval sur trois départements (les Côtes-d’Armor, le Finistère et le Morbihan).

Une longue existence institutionnelle
Cette cohérence se retrouve au niveau de l’organisation politique : le Pays du COB possède une existence institutionnelle vieille de presque 30 ans. Au début des années 1990, l’homogénéité du territoire et les problématiques communes liées au déclin démographique ont en effet poussé les acteurs locaux à créer le Groupe d’action locale du Centre Ouest Bretagne (GALCOB), pour apporter une coordination à l’ensemble des actions et projets menés jusque là de façon éparse, et des moyens pour les mener à bien. Ce GAL s’est constitué en réponse à l’appel à projet européen LEADER (Liaison entre actions de développement de l’économie rurale), initiative de l’UE destinée à favoriser la coopération entre les territoires ruraux et soutenir des projets de développement rural, pour développer l’activité et créer des emplois. En 2002, le GALCOB est devenu le Pays du Centre Ouest Bretagne en adoptant le statut de Groupement d’Intérêt Public (GIP). Depuis 2017, le Pays du COB existe sous le statut de Pôle d’Équilibre Territorial et Rural, souvent désigné comme le “pendant” du pôle métropolitain.
Aujourd’hui, le pays du COB regroupe environ 82000 habitant.e.s sur un territoire d’environ 2567 km2, soit une densité moyenne de 32 hab/km2 (c’est quatre fois moins qu’au niveau de l’ensemble de la région bretonne). Le pays compte cinq intercommunalités de taille assez variable.

Une situation socio-économique marquée
Dans le pays du COB, 27% de la population est salariée dans le secteur agricole ; c’est trois fois plus qu’au niveau de la Bretagne, et cinq fois plus qu’à l’échelle nationale. Cette prégnance de l’activité agricole est visible dans les paysages. En parcourant le territoire, on croise de nombreux champs, des pâturages, et quelques forêts. Les bocages ont été relativement bien conservés. Le remembrement (ndlr : la réorganisation des parcelles agricoles dans les années 1960) a fait disparaître une grande partie des haies bordant les champs, mais cela s’est fait de manière moins intensive que dans d’autre régions de France.
Le pays du COB est moins dense, moins urbanisé, est plus isolé que le littoral breton. À cela s’ajoute une situation socio-économique légèrement plus dégradée que dans le reste de la région. Le taux de chômage y a beaucoup progressé entre 2012 et 2016, année où il atteint 13,3%, soit un point de plus qu’au niveau régional, et trois points de plus qu’au niveau national. Le taux de pauvreté est de 16%, contre 11% en Bretagne et 14% en France. Le chômage n’est donc pas particulièrement significatif, mais le niveau de pauvreté est important, ce qui s’explique par une part importante d’emplois précaires.
Malgré ces marqueurs, on observe que de nombreuses initiatives se développent et participent à la dynamisation du territoire en s’y ancrant durablement.
Un dynamisme alternatif
Globalement, ces initiatives incarnent des alternatives aux projets de développement dominants, et investissent volontiers la thématique écologique. Nous en développons ici trois exemples parlants.
Le Bel-Air
L’éco-village du Bel-Air, qui se situe sur la commune de Priziac au sud du pays (communauté de communes du Roi Morvan), s’étend sur 15 hectares de forêts et de prairies. Il compte pour l’instant six habitant.e.s réparties dans 4 habitations légères – caravane, yourte, tente –, avec en commun une maison d’environ 80 m2, qui leur sert de lieu de vie (repas, réunions, jeux etc.).

En optant pour un mode de vie collectif, les habitant.e.s veulent agir dans le cadre de valeurs qu’ils et elles défendent, comme le respect de la nature et la sobriété heureuse. À cela s’ajoute une volonté d’être autonome dans leur consommation alimentaire : “Nous souhaitons cheminer vers une autosuffisance alimentaire grâce à la création d’un potager et d’une forêt-jardin en permaculture ainsi que grâce aux cueillettes sauvages. Nous essayons avant tout de consommer de la nourriture locale, de saison et cultiver en respectant la terre qui nous accueille. Nous avons trouvé que la meilleure façon d’associer ces valeurs était de la cultiver nous-mêmes”[1]
Les résident.e.s accordent en outre une importance particulière à leur ancrage territorial et à l’ouverture auprès des habitant.e.s du village et des environs, et cherchent ainsi à mettre en place des activités telles que des visites du site, des conférences, des séjours de méditation, des projections, des concerts, ou encore des stages de développement personnel. L’objectif n’est cependant pas de transmettre, mais d’échanger.
“J’ai juste envie de faire des choses avec des gens. Par les échanges et les discussions, il y a des transmissions qui se font dans les deux sens, on s’apprend tous mutuellement“
Tim, habitant du Bel-Air
Le café-librairie engagée, L’autre Rive
À Berrien, dans la communauté de commune des Monts d’Arrée, Marc Le Dret anime un café-librairie au cœur de la forêt de Huelgoat. L’autre rive est donc un bar, une librairie, mais aussi un espace de débats, de conférences, de concerts, de projections de films, et d’expositions. Sur le volet restauration, une large part des denrées proposées sont produites localement.

Marc Ledret insiste en outre sur la liberté de sa ligne éditoriale, que ce soit dans les conférences, dans les expositions ou dans les livres. C’est une librairie généraliste, et si les thématiques sont variées, la structure intègre pleinement la logique de l’éducation populaire, autrement dit la promotion, à l’écart des structures traditionnelles et institutionnelles d’enseignement, d’une éducation visant à améliorer le système social.
À son arrivée il y a plusieurs années, le gérant se rappelle avoir reçu un accueil mitigé. Mais en multipliant les portes d’entrée, L’Autre Rive est parvenue à s’installer durablement dans le paysage, et à avoir un impact concret.
“En France, 70% des gens ne rentrent jamais dans une librairie. Ce sont les chiffres de l’édition. Dans le même temps, beaucoup de gens ne vont jamais dans un bar, parce que ‘c’est un lieu de perdition’. Donc ici, on essaye d’avoir le mélange des deux. On voit bien que certaines personnes arrivent et ne dépassent pas la porte, parce que le livre les dérange. Dans le monde rural, traditionnellement, la lecture est une perte de temps […]. Mais vu la prégnance des livres dans l’environnement, beaucoup de gens s’assoient, boivent leur bière, et à un moment donné, prennent un bouquin et commencent à lire.“
Marc Ledret, gérant du café-librairie L’autre Rive
Ti Récup’
Ti Récup est une ressourcerie basée à Carhaix (communauté de communes du Poher) et à Rostrenen (communauté de communes du Kreiz-Breizh). C’est une structure qui récupère des biens, les valorise et les revend à petits prix, dans le but de réduire les déchets et de permettre à un maximum de publics d’en bénéficier. En parallèle de cette activité de revente, Ti Récup’ propose des ateliers et des animations de sensibilisation à la réduction, au réemploi et au recyclage des déchets. Des expositions et spectacles sont occasionnellement organisés avec des artistes ou des associations.

“Tout le travail de diagnostic, en amont du projet, nous a permis d’avoir un ancrage assez vaste sur le territoire. Dès qu’il a fallu agir, c’était très simple parce qu’on avait des contacts partout, motivés pour passer à l’action”
Anouk Dupin, salariée de Ti Récup
La culture bretonne au coeur du développement local
L’éco-village, le café-librairie et la ressourcerie ont en commun de proposer des alternatives aux modes de vie et aux modes de consommation dominants. Pour autant, ce côté alternatif n’implique pas une déconnexion totale du territoire investi. Ces initiatives ont précisément réussi à s’ancrer localement en proposant des portes d’entrée qui correspondent aux envies réelles des habitant.e.s, et en se basant sur des ressources locales.
Les projets de ce type sont multiples dans le pays du COB, et cela s’explique notamment par l’effet levier de la culture bretonne, notamment chez les jeunes. La culture est en effet mobilisatrice et force d’intégration des nouveaux arrivants.
“Il y a un dynamisme fort sur ce territoire, qui est lié à l’histoire de la Bretagne et à l’importance de la culture. Très vite, il y a eu des associations, de l’aide sur ces questions… Ce qui fait commun permet d’avancer. Sur ce territoire, la langue bretonne et la culture bretonne, qui sont très prégnantes, permettent de se retrouver, de travailler ensemble etc. Et la culture bretonne redevient très importante ! Cette identité commune permet de faire front ensemble et de proposer ensemble“
Guillaume Diaz, le responsable de la bibliothèque départementale de Plonévez-du-Faou (communauté de communes des Monts d’Arrée)
L’effet mobilisateur de la culture est d’autant plus important que la jeunesse semble y être attachée, contrairement aux générations précédentes qu’on avait encouragées à s’émanciper de leur traditions bretonnes, prétendument dégradantes, au profit d’une certaine “modernité”.
“On voit un fossé générationnel, lié à l’histoire. La génération de nos grands-parents a intériorisé le fait qu’il n’était pas bien de parler une langue régionale, ou de s’intéresser à la culture et aux traditions bretonnes. C’est une logique de rejet. Pour eux, ça n’est pas porteur d’avenir. Aujourd’hui, chez les jeunes générations, on souhaite remettre au goût du jour les traditions […] Il y a chez les jeunes une remise en cause de la mondialisation et de l’ensemble des facteurs qui ont conduit au développement de ce système de société, qui mène à vivre hors sol, déconnecté des territoires et des habitants. Pour les jeunes, l’ancien modèle, c’est le système actuel… Le retour aux traditions est valorisant car cela leur permet de construire de nouveaux récits”
Anne-Laure, fondatrice de la web-série Âmes de Bretagne
Ce « retour aux sources », qui conduit les jeunes générations à reconsidérer le territoire comme un marqueur important d’identité, invite à reconsidérer sérieusement l’attachement à la terre, aux paysages et à l’environnement de proximité. Un grand nombre de ces initiatives adoptent ainsi une critique construite de la mondialisation et de ses dérives, et pour cette raison, développent des alternatives.
Acteurs rencontrés :
- Ty Rodou (tiny houses) : http://www.tinyhouse.bzh/
- Le village du Bel Air : https://www.facebook.com/villagedubelair/
- L’Union Locale d’Animation en MIlieu Rural (ULAMIR) : http://www.ulamir-aulne.fr/
- Nerzh : https://www.nerzh.org/
- Bibliothèque de Plonévez-du-Faou : http://www.plonevezdufaou.fr/mediatheque.html
- Âmes de Bretagne : http://www.amesdebretagne.bzh/
- ADESK (pôle ESS) : https://www.ess-bretagne.org/adesk
- Café l’Autre-Rive : http://autrerive.hautetfort.com/
- Ti Récup : http://www.tirecup.fr/
Rédacteur : Maxime Verdin
