Que retenir du rapport sur les écoutes territoriales 2023 de l’Unadel ?

Par Alix ROCHE, vice-présidente de l’unadel

Les territoires sont face à l’urgence de transformer les modes d’habiter de travailler et d’agir ensemble au temps des transitions. Nous n’avons pas le choix ! Les multiples crises liées aux effets du changement climatique, inondations répétées, périodes de sécheresse récurrentes, épisodes de pollution, renchérissement des carburants, raréfaction du foncier, enjeux sociaux et sanitaires, transformations de l’économie etc.…, les injonctions à la planification écologique, en sont les expressions les plus marquantes. Il s’agit de rechercher un nouvel équilibre dans notre relation à la terre, à la nature et au vivant pour prendre la voie de la robustesse, comme nous y invite le biologiste Olivier HAMANT.

Alors comment faire… ?

Comme le souligne Pierre VELTZ, dans son plaidoyer pour la bifurcation, les ressources se font rares, c’est une question de bon sens, nous devons les allouer de manière intelligente. Cette allocation ne peut être un acte unilatéral surplombant, elle doit être débattue, arbitrée, dans une vision partagée et délibérée.

Par ailleurs, dans cette situation de changement systémique, nous avons besoin de nouvelles infrastructures (physiques et organisationnelles). Des investissements tant matériels qu’immatériels sont devenus indispensables, en matière d’énergies, de rénovation de l’habitat, de moyens de transports et de mobilités, plus largement de ressources, d’organisation sociétale, de nouvelles solidarités, de gouvernance, de modèles de délibération revisités etc.

Il y a beaucoup à faire. Les besoins en investissement sont de plus en plus pris en compte par les nombreux programmes d’action publique émanant notamment de l’État et de ses agences, mais l’ingénierie territoriale et sociale est insuffisante.

Car la question principale qui demeure, c’est comment trouver l’adhésion de la population et des décideurs.  Les freins sont nombreux parce que nos références, nos représentations restent celles d’une société de la surabondance à laquelle nous n’avons pas renoncé. Pour que cela fonctionne, nous avons besoin de renouveler le récit de la transition vers une société nouvelle, plus sobre, plus responsable, plus juste. Stéphane LABRANCHE, sociologue du climat, nous parle d’une nécessaire planification civilisationnelle qui nous permette de définir ce que nous allons devoir changer en profondeur.

Il nous faut trouver les ressorts d’une adhésion individuelle à la sobriété favorable à la transition dans nos modes de vie, alimentation, mobilité, vêtements, etc…, même s’ils peuvent relever d’une autre motivation, comme en témoignent les travaux de thèse en cours sur l’écologie populaire, diligentés par Théodore TALLENT.

Il nous faut aussi renouer avec un discours positif, montrer en quoi la transition, la sobriété nous offrent l’occasion de bâtir une société nouvelle.

C’est un chantier à part entière. Il peut être enthousiasmant, mais il demande de la méthode et des moyens.

C’est là sans doute, dans l’accompagnement à la construction de ce nouveau récit qui part des territoires et des citoyens acteurs, que l’UNADEL peut donner sa pleine voix. Les enseignements des écoutes territoriales dessinent des chemins sur lesquels nous engager.

Le développement local des territoires : une méthode qui répond aux enjeux actuels et redonne confiance !

Alors que les informations quotidiennes nous abreuvent de reportages ou d’articles plus désespérés et désespérants les uns que les autres, les Écoutes territoriales 2023 conduites par l’UNADEL nous donnent à voir comment les territoires évoquent et se projettent dans une habitabilité nouvelle, hybride, complexe.

Le mode d’habiter part du vécu propre à chaque territoire. Les modes d’habiter se construisent à partir de leur cadre de vue, de leur cadre de vie sociale et de leurs cadres d’émancipation, dans une approche globale, interdépendante. Le territoire tout entier y participe, ses paysages, ses hommes et ses services. Cela change tout dans la construction de l’acceptabilité des mutations, dans les perceptions.

Dans les écoutes, l’échelle humaine, sensible est racontée et met en évidence ce qui compte : l’importance des relations sociales, la recherche de la tranquillité, de la convivialité qu’elle soit urbaine ou rurale, la capacité à (re) construire « une autre vie », à s’émanciper individuellement et collectivement.

Les aménités sociales et spatiales se combinent entre elles, même si elles se confrontent aux limites : l’accès à une logement décent, la mobilité, les ressources qui appellent à de nouveaux modes de vie et qui dressent la carte des priorités pour l’action publique.

Il apparaît que les territoires s’affranchissent des termes longtemps hégémoniques de « l’attractivité résidentielle » qui reste encore au cœur de nombreuses stratégies de développement touristique, pour aller vers celui de « l’habiter » de l ‘ « hospitalité », où l’on accueille mieux, voire moins pour créer les conditions d’une habitabilité dans le temps, d’une habilité à venir.

Par leur volonté d’engagement et d’implications, ils passent des « territoires jardins » délaissant le syndrome du NIMBY, pour y substituer celui de « territoires potager que l’on souhaite cultiver durablement » comme le souligne Clémence DUPUIS.

On s’éloigne ainsi d’une approche stigmatisante et revendicative caractérisée par le repli sur soi et des comparaisons mortifères pour aller vers une approche responsable des territoires qui respecte les singularités, sans misérabilisme ni enchantement pour reprendre l’expression d’Hélène REIGNER directrice de l’IUAR d’Aix Marseille Université.

Les habitants qui se sont exprimés veulent être acteurs du choix de leur cadre de vie et aussi participer à la définition et la mise en œuvre des transformations nécessaires.
Ils expriment le besoin de déborder de l’échelle de la société civile à l’échelle institutionnelle mais ne se substituent pas à leurs édiles. Au contraire, ils appellent à plus de coopération pour protéger les communs, pour réguler les intérêts divergents sur l’usage du foncier ou de l’eau par exemple, d’autant que les transitions appellent parfois à des décisions violentes ou radicales qui imposent la recherche d’adhésion. Pour accéder à ces transformations, il faudra naturellement lever les freins de divers ordres : financiers, bien sûr mais également techniques et technocratiques, coopératifs et de territorialisation, ouvrir les chantiers d’une délibération revisitée.

Car si les écoutes ont mis en évidence l’intrication de l’habiter, du travailler, de l’agir ensemble, à l’inverse de ce que l’on a connu ces dernières années, elles soulignent que « l’agir ensemble institutionnel et citoyen » se rencontrent trop peu. L’absence d’espace de dialogue est régulièrement observable et pointée du doigt par les acteurs, y compris dans les territoires où un conseil de développement existe. Or cette rencontre est devenue indispensable. Elle demande à être faite dans de bonnes conditions, elle demande du temps notamment avant l’action, pour mieux agir.

Les territoires écoutés, et leurs habitants se sont montrés responsables. Ils conviennent de la nécessité de mesures d’urgence pour « arrêter les dégâts » en cas de crise, à l’instar de la crise de l’eau rencontrée par le territoire de Fayence, mais ils estiment essentiel de se donner le temps de coconstruire un projet à plus long terme.

Les écoutes ont également démontré que la répartition des compétences n’est pas suffisamment compréhensible et « fragilise l’agir » et en appellent à un nouvel acte de décentralisation pour sortir des approches en silo et construire « un meilleur emboîtement des échelles de gouvernance » pour harmoniser les volontés.

Cette nouvelle étape de la décentralisation doit prendre en considération le fait que les singularités des territoires appellent à une différenciation des projets, des outils et des actions. Il s’agit de reconnaître enfin les complexités hybrides et sensibles qui font les territoires, de faire connaître pleinement pour le généraliser le droit à l’expérimentation qui reste largement méconnu dans les territoires et trouver la bonne articulation entre les cadres et normes nationales et européennes et les approches locales.

Enfin, il faut nous doter de l’ingénierie nécessaire, pour repérer les démarches originales, les expérimentations, animer les projets de territoires, favoriser les synergies, mettre en cohérence les projets, faire émerger l’esquisse de nouveaux référentiels, dont le développement local, sensible, inclusif, juste porté par l’UNADEL pourrait bien être l’expression porteuse d’avenir. Cela doit passer nécessairement par une réflexion profonde sur la vision collective du territoire, dans un autre rapport à l’espace, au temps, et aux autres vivants pour se donner d’autres indicateurs de développement et de richesses.

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