Pour relancer le débat sur le développement local aujourd’hui, l’Unadel propose de relire ce texte de Jean-Louis Guigou, spécialiste de l’aménagement du territoire . Publié initialement dans Correspondance municipale – revue pour le pouvoir local – en mars 1984, le texte donne des définitions pour le développement local, son émergence, ses rapports avec l’État, et les suites possibles du mouvement.
La signification politique et économique du développement local
Dans les années 1970-1980, Walter Stohr et Samir Amin, dans des perspectives différentes, furent les premiers théoriciens à parler du développement « par le bas », développement autocentré, endogène et du développement « par le haut », développement dans lequel l’État joue un rôle essentiel non seulement de régulateur mais d’initiateur.
À travers ces réflexions théoriques, la notion de développement local renferme les idées d’autonomie, d’indépendance, de valorisation des ressources locales, de territorialisation de la production et des échanges, de globalité, de refus d’une division interrégionale et ou internationale du travail.
La notion de développement local s’est enrichie de l’analyse de nombreuses expériences, déjà fort anciennes, en France comme à l’étranger.
- expérience du Québec, où le mouvement coopératif s’est largement diffusé (les Caisses Desjardin…),
- expériences d’organisations économiques et sociales dans le pays basque espagnol (mouvement coopératif de Mandragon etc.),
- expériences d’organisations politiques et administratives des cinquante-quatre maires de la baie de San Fransisco depuis 1960,
- expériences, en France, du mouvement coopératif, en milieu agricole et ouvrier, du mouvement en faveur des « pays » en milieu rural, de ce qui fut dans les années 1970 appelé exagérément « les luttes urbaines ».
Toutes ces expériences ont un point commun : il s’agit de minorités – canadiens français au Québec, basques en Espagne, ruraux menacés par la désertification, populations urbaines aux prises avec une modification de leur environnement qu’elles réprouvent – qui subissent une agression extérieure et se mettent en situation de résister. La solidarité – qu’elle soit locale, de classe, de confession, d’ethnies – est l’expression d’une résistance à une agression extérieure. Telle est d’ailleurs la définition que donne Karl Marx de la solidarité et que nous retiendrons comme première hypothèse.
Ainsi, à travers les approches théoriques, et l’expérience des faits, la notion de développement local sort quelque peu de la confusion et ses deux composantes semblent clairement identifiées :
- une composante culturelle : c’est la solidarité comme réponse à une agression extérieure. Face à une menace de déclin, de marginalisation, d’exploitation, d’expulsion, de disparition, la population locale s’organise pour réagir et par là-même elle invente des modes originaux de communication et d’échanges interpersonnels.
- une composante économique : c’est la reconquête de l’outil de travail, la réappropriation et l’exploitation des richesses locales. La population locale, menacée d’appauvrissement se met à créer collectivement.