Après les nombreux rapports qui rythment l’histoire de la décentralisation, le rapport Woerth se veut marqueur d’une ouverture « d’un nouvel acte de la décentralisation ». Eric Woerth souligne à nouveau la nécessité de simplifier le « mille feuilles » administratif afin de le rendre plus efficace. S’en suivent 51 propositions visant à améliorer le système et son « efficacité démocratique ».

Rappeler le sens du développement local

Nous analysons ces propositions au regard de l’idée que nous nous faisons du développement local : la coordination à des échelles de proximité, d’acteurs de différentes origines, selon des modalités qu’ils définissent ensemble, pour apporter des réponses inédites aux enjeux du territoire. En cela, la question démocratique y occupe une place centrale. Notre analyse repose sur un constat simple : alors que la décentralisation avait pour ambition de rapprocher le pouvoir des citoyens, elle se traduit en France par une réplication aux échelles locales, du système de gouvernement vertical existant au niveau central. La fonction exécutive y est privilégiée, au détriment de la fonction délibérative. Cela conduit à une profonde crise de la délibération, qui limite la capacité à débattre, décider et agir collectivement.

Interroger la notion de pouvoir local

Le pouvoir ne peut être réduit à la capacité des Maires et Présidents d’assemblées à mettre en œuvre des projets et à proposer des services à des usagers, de plus en plus considérés comme des clients. Le pouvoir local repose sur une capacité des élus à mettre en place une délibération collective, impliquant les acteurs du territoire et leur permettant de participer à la définition de projets porteurs d’avenir. De la qualité de cette délibération dépend son niveau d’acceptabilité par les populations locales. Elle est la clé du pouvoir d’agir collectivement, considéré aujourd’hui comme la condition pour passer les transitions à venir.

Depuis des décennies, nombre d’ouvrages, d’articles, d’émissions de radio et de télévision montrent des réalisations concrètes contribuant à l’amélioration de la vie quotidienne tout en préparant l’avenir. Elles portent sur les façons d’habiter, de travailler, de se déplacer, de s’alimenter, de produire de l’énergie, d’apprendre, de se cultiver, bref de vivre ensemble. Cela nécessite des moyens et du temps pour assurer la définition des problèmes à résoudre, une bonne définition des objectifs et la mise à l’étude des différentes solutions permettant de les atteindre. A contrario, il nous faut constater qu’aujourd’hui, toutes ces réussites affirmées au niveau des communes, des quartiers voire des intercommunalités, sont entravées au nom de l’efficacité. Les politiques favorisant les liens entre acteurs et la production du commun, sont effacées au profit d’aides à « des investissements qui se voient » et la mise en place de services à partir desquels il sera facile de communiquer.

Renforcer avant tout la capacité de délibérer

Plutôt que de restaurer la figure de Député-Maire, et celle du conseiller territorial aux échelles régionale et départementale, nous pensons que cette réforme n’aura d’efficacité que si elle s’attaque à des questions visant à restaurer la qualité de la délibération à l’échelle locale. Cela doit passer par l’écoute des habitants,  leur implication dans la conception et la mise en œuvre des projets locaux, les modes d’élection des élus locaux et la représentation des minorités. Il s’agit de renforcer les moyens d’accès aux études commandées par les collectivités locales, aux rapports qu’elles produisent et aux décisions qu’elles prennent, à partir des supports électroniques. Il s’agit aussi d’affecter aux élus, membres des assemblées délibératives, des droits et moyens d’assurer leurs mandats, plutôt que les réserver aux seuls exécutifs. Il s’agit enfin de poser la question de la représentation proportionnelle dans ces assemblées et de la limitation du nombre de mandats dans le temps. A titre d’exemple, plutôt que de supprimer le conseiller départemental, pourquoi ne pas le remplacer par des représentants des intercommunalités, élus par binômes au suffrage universel et désignés sous le régime de la parité, pour exercer à cette échelle la mission essentielle de solidarité sociale et territoriale.

Telles sont parmi d’autres, des propositions qui à notre sens mériteraient d’être mises en discussion. Elles ont l’intérêt de répondre à un impensé de la décentralisation à la française : celui de la démocratie locale et de sa capacité à répondre aux enjeux du futur.

Pierre Antoine Landel, membre du Conseil d’Administration de l’Unadel

Née avec la Décentralisation, l’UNADEL Union Nationale des Acteurs du Développement Local) est une association fondée sur la conviction de la nécessaire rencontre entre un mouvement ascendant issu du local (collectivités, associations, entreprises, citoyens) et un mouvement descendant de l’État vers les territoires. Elle place l’homme au cœur du projet et croit à la responsabilité et à l’implication du territoire et de ses habitants dans l’action publique.

Ses membres ont été auditionnés dans le cadre de la mission Woerth, retrouvez ici leurs propositions : https://unadel.org/contribution-de-lunadel-a-la-mission-deric-woerth-sur-la-decentralisation/

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