Écouter la société civile

Dans notre paysage calciné (guerres, dissolution improvisée, dette monstrueuse, budget d’austérité, inondations, parlementarisme chaotique…) ce qui frappe, et donne un certain optimisme, c’est une vigueur persistante de la société civile française. Le front républicain lors des élections, puis l’attitude des volontaires et du public lors des Jeux olympiques et paralympiques en ont été d’évidentes démonstrations. Le maintien d’un haut niveau d’engagement associatif en atteste.

Mais ce qui frappe aussitôt après, c’est une dégradation du sentiment d’appartenance à « la société », un fossé abyssal entre société civile, territoires et dirigeants nationaux. Fossé qui se creuse à la vitesse d’un cheval au galop et peut en se creusant enterrer la démocratie. Le très intéressant rapport du CESE sur l’état de la France est parlant. Un Français sur quatre n’a pas le sentiment de faire pleinement partie de la société, chiffre qui monte à un sur deux pour ceux à faible pouvoir d’achat et éloignés des services publics. L’accroissement des inégalités et du sentiment de déclassement mine la société française. 76 % des Français sont convaincus que « les politiques » sont déconnectés des préoccupations des citoyens. La gestion calamiteuse des cahiers de doléance ou des conventions citoyennes leur a donné récemment raison en attestant d’une forme de surdité politique volontaire.

Parce que l’ESS est une économie de l’engagement et de la « réconciliation », elle a dans cette période si dangereuse une responsabilité cruciale. Celle d’abord de se battre pour que la société civile soit de nouveau écoutée ! L’écoute doit être un mot clé de l’ESS. Y compris en tapant du poing sur la table. Michel Barnier a déclaré vouloir exhumer les cahiers de doléance. Au Labo de l’ESS nous disons : chiche ! Et nous nous déclarons prêts à travailler à une telle dynamique.

[…] Le Labo de l’ESS est ainsi pleinement engagé dans la dynamique du Pacte du pouvoir de vivre (PPV) qui rassemble 64 organisations de la société civile, dont la CFDT et l’UNSA. Ce type d’alliance peut et doit maintenant changer d’échelle pour être une vraie force de résistance et de propositions politiques. […] Le Labo de l’ESS prend sa part en ayant notamment choisi de travailler pendant trois ans sur le thème : régénérer la vie démocratique, avec un fort volet consacré à la nouvelle éducation populaire.

Enfin, la posture d’écoute, de diagnostic partagé et d’alliance, doit déboucher concrètement sur bien davantage de co-construction avec la puissance publique. [… y compris des projets de lois de finances et de la gestion de la dette qui va peser sur les associations et l’ESS en particulier NDLR]

La gestion technocratique centralisée est « has been ». Le rapport du CESE montre que la santé est devenue une préoccupation première des Français. Cela doit se traduire en investissements.

Concrétisons tout ceci par une proposition : que l’ESS travaille avec l’État et les collectivités locales à co-construire et à investir dans une stratégie du grand âge (Ehpad), tournée vers le secteur privé non lucratif, associant localement les usagers et les citoyens, favorisant les innovations sociales, plutôt que de poursuivre une défausse du public vers le privé lucratif en quête de dividendes, dont on a vu les conséquences calamiteuses ! C’est un exemple d’utopie réaliste. Nous en avons besoin !

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